Takao Takano … D’entrée
je vous dis que cela n’a strictement rien avoir avec un restaurant japonais,
des suhis ou des sashimis… Ancien de chez Nicolas Le Bec, voici une table dont
je vais me rappeler longtemps.
Bien entendu ce chef
est japonais mais si cette table s’était appelée « Au Cheval Blanc »...
Vous n’en auriez probablement jamais rien su. Il est vrais que la déferlante
des chefs japonais en France depuis à peu près 2010 est un sacré phénomène amenant
une réelle moisson de talents. De plus en plus nombreux (il me semble que Lyon
possède au moins trois tables avec ces chefs), ils s’installent en France et
rendent un magnifique hommage à la gastronomie.
Il devient aussi
apparent que la rencontre entre la culture, l’âme japonaise et la gastronomie
française fait des merveilles. La notion du détail, le raffinement, la
précision, l’obsession du parfait. Tout est la pour que la cuisine devienne
sublimée. La symbiose des cultures opère à merveille dans la sélection des
produits et les techniques culinaires. Il va falloir dorénavant compter de plus
en plus à trouver de magnifiques tables de ce genre dans l’hexagone.
Takano ne se situe pas
dans le premier ou second arrondissement mais dans un quartier un peu décentré
que vous pourrez rejoindre en voiture avec un parking souterrain à une centaine
de mètres. Dans une rue pas très animée, sur un coin le restaurant qui de l’extérieure
apparait un peu austère avec ses rideaux qui empêchent de voir à l’intérieur et
les encadrements métalliques noirs des fenêtres.
Mais une fois à l’intérieur
après avoir passé cette lourde porte de bois, cette impression d’austérité
disparait complètement bien que la salle à manger soit très épurée. Non rien de
japonais mais plutôt une impression d’être en Scandinavie. Murs blancs, taupes,
faux plafonds, parquet en bois clair à l’étonnante structure, lumières indirectes avec des spots mais aussi
de très grosses lampes qui ammènent un côté un peu baroque.
Des tables très
moderne sans aucune nappe ni de superflu. Des compositions murales réalisées
avec des chutes de bois. Il y a quelque chose de très surprenant dans ce décor
mais il y a une grande unité. Nous sommes presque dans un laboratoire ou un
atelier gastronomique.
Deux menus le soir ;
le premier appelé « Essence »
si je me rappelle bien à 45 euros et le second intitulé « Partage » à
75 euros qui est le grand menu de dégustation.
Il est clair que Takao
va vous étonner et la première surprise sera lorsque votre serveur vous apporte
une assiette de jambon bellota pour vous faire patienter… Je me suis demandé
pourquoi une telle assiette…. Pour tout de suite faire bien comprendre qu’ici
ce n’est pas de la cuisine japonaise ? Peut-être pas… Finalement je m’imagine
que c’est un message pour tout de suite afficher la volonté de ne servir que
des produits exceptionnels.
Comment résister
devant le menu « Partage » dont la lecture réjouit et succite une
certaine excitation ? Nous commencerons donc avec une mise-en-bouche, un petit
flanc aux champignons légèrement vinaigrés, quelques morceaux de maqueraux
frais et fumé, mousse de persil. Surprenante assocation qui s’avère être
délicieuse et provocatrice avec le fumé et vinaigré. Tout de suite l’on se dit que « quelque
chose va se passer… ».
Je resterai presque
cloué en me régalant avec le foie gras de canard grillé, betterave rouge au
miel acidulé. A première vue « c’est encore du foie gras poêlé » mais
ici il y a de la magie ! Ce qui ne figure pas dans l’énoncé, ce sont les
airelles qui ont été associées à quelques morceaux de betteraves donant au plat
un extraordinaire tonus. Une touche acide, une touche sucrée, le croquant, le
moelleux…tout est presque dit ! De plus la touche végétale avec le
pourpier et la pimprenelle ammènent une certaine fraicheur à l’assiette.
Seconde émotion avec
les grenouilles dorées et oreille de cochon confit, condiments de cresson-moutarde.
Ces grenouilles sont joliment attachées par du rafia permettant ainsi de les
saisir avec les doigts. Dorées, croustillantes, elles vont être sublimée par deux
sauces ; la première avec du cresson et la seconde moutardée. Entre deux,
quelques fins morceaux croustillants d’oreilles. Sur le dessus, du mouron des oiseaux et une
touche de zestes de citron qui apporte à ce plat une magnifique saveur d’agrumes.
Nous continuons avec à
nouveau un étonnant plat qui est un Saint-Pierre de côte Atlantique, poireaux
vinaigrette tiède, bouillon de noisettes torréfiées. Le poisson est poêlé à la
seconde et est déposé sur des biseaux de poireaux légèrement croquants. L’association
avec des capres est prodigieuse et plutôt innatendue mais cela fonctionne
parfaitement ! Ce qui m’étonnera sera l’ingéniosité de créer une sauce à
base de ces noisettes torréfiées apportant une légère douceur au tout. Un plat
vraiment remarquable.
Petit interlude fort
sympathique où l’un des serveurs vient nous présenter dans un panier des
truffes blanches d’Alba qui pouvaient être prise avec une pomme de ris de veau
avec une majoration de 20 euros. Un plat additionel en dehors du menu. L’odeur
embaume la salle à manger, il y en a pour 1500 euros devant nous….
Impressionnant !
Nous poursuivons avec
les médaillons de chevreuil, compotée de figues, kumquat et sauce royale. Deux
magnifiques tronçons de chasse accompagnés de salsifis et de cèpes poêlés et
désposés sur cette subtile préparation de fruits. La sauce royale très
classique et aussi technique est absolument parfaite ; à base de sang, de
cognac et de vin rouge. Si je devais faire un petir reproche, l’un des deux
tronçons avait un peu de surcuisson.
Une belle sélection de
trois fromages de saison (dont un Tamier), vache, chèvre, brebis du MOF Didier
Lassagne à la fromagerie La Tête d’Or.
Arrive le premier
dessert qui m’a vraiment beaucoup plus ; la poire william à l’hibiscus,
biscuit aux fruits secs chaud, calisson d’Aix glacé. Visuellement très beau, la
poire bien parfumée est recouverte d’une sauce de couleur rouge créée avec ce
que l’on appelle aussi du karkadé qui est souvent trouvé comme boisson en
Egypte. Des fleurs d’hibiscus séché au goût légèrement entre citron et
canneberge. Le biscuit est dlécieux, réalisé entre autre avec de la pistache.
Il y a comme quelques inspirations moyen-orientales dans ce dessert qui est
complété par cette glace au calisson qui elle aussi possède le goût de fruits
secs puisque d’amandes. Un très beau dessert.
Nous terminerons par « le
dessert des gourmands »… Le riz au lait crémeux à la « mère française »,
caramel au beurre demi-sel. Situation amusante car une semaine plus tôt nous
avons eu le même dessert dans un autre établissement à Paris. Eh bien haut la
main celui-ci fut le vainqueur ! Premièrement la quantité est parfaite. Une
fin de repas ne nécessite pas d’avoir une grande quantité de riz.. En suite le riz n’est que peu sucré ce qui
est parfait car l’on évite l’écoeurement. Finalement la caramel chaud ici est
vraiment délcieux ; coulant, très parfumé et l’on peut le verser à
discrétion selon ses envies. « Le riz au lait » !
Quelques mignardises
pour terminer telles que des madeleines.
Avec ce repas un Saint-Joseph
Silice 1011 de Jérome Coursodon. Les Coursodon sont une référence en vallée du
rhône. Un flacon avec une belle complexité aromatique, un vin fin, élégant et
gras.
Si je devais faire un
reproche pour cette table, cela serait un peu le manque d’assurance du service
mais bon...nous ne sommes « pas encore » chez un étoilé.
Ce qui est
impressionnant chez Takao Takano ce sont
ces assaisonnements parfaits, ces goûts maitrisés, ces cuissons pointues. Il y
a fort à parier que ce Takao obtiendra dans le futur une étoile tant sa cuisine
est personnelle, ingénieuse et essentielle.
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