samedi 30 juin 2012

La Courette du Faubourg, Annecy


Ce qui est remarquable c’est qu’Annecy semble être une ville intarissable en tables et cela avec toutes les gammes de prix pensables, imaginables. Je ne fais pas allusion évidemment à la pléthore de restaurants à touristes se trouvant le long de la rivière ou il y a de forte chance de tomber sur quelque chose de médiocre, mais à ces petites perles cachées dans la ville et dieu sait si elles sont nombreuses !


C’est un peu à l’écart de la vielle-ville que se trouve cette Courette ; un établissement se trouvant dans une des rues piétonnes à 100 mètres de la place ou se trouve le fabuleux marché à la brocante qui est organisé tous les derniers samedi de chaque mois. On pénètre dans une première salle avec des murs de pierres apparentes et vielle poutres au plafond, avec une décoration plutôt de bon goûts, moderne.


Au fond sur la droite le chef, tout seul…semble être bien occupé dans sa cuisine visible. L’accueil de sa femme est des plus délicieux, une femme toute souriante, des plus arrangeante et qui aussi sera seule en salle pendant toute la soirée, ce qui est plutôt un exploit sachant que nous n’avons jamais eu l’impression d’attendre. J’insiste encore sur le coté accueillant de cette dame car cela devient plutôt rare et contribue au plaisir que nous pouvons avoir lors d’un repas.


Le chef Grégory Bauquis est loin d’être en novice dans la restauration. Des séjours chez Pic, aux Terrasses d’Uriage à Grenoble et même le Parc des Eaux-vives à Genève lui ont donné une belle expérience. C’est avec gentillesse qu’il me montre avec fierté sa petite cuisine, où tout d’abord je vois son piano Lacanche mais surtout ce four inox à plusieurs niveaux ou au milieu se trouve des braises incandescentes et sur le dessus un « sur-four » dans laquelle se passe des cuissons (ou même des fumaisons) avec l’odeur et la chaleur du bois du dessous. Je vous donne ces détails car son saumon fumé est préparé dans ce four, ses viandes y sont cuites également ainsi que d’autres mets. La cuisine au bois dans ces conditions est généralement quelque chose de fabuleux.



Après avoir traversé une autre salle arrière, vous voici dans cette fameuse courette, une sorte de tout petit patio ou il est préférable de manger par grandes chaleurs. Rien de grandiose car l’endroit n’a aucune vue mais reste agréable pour un repas « à la fraiche ».



La carte est très réduite ; un menu « sainte Claire » en 3 plats à 29,80 euros avec des alternatives, et 3 plats additionnels à la carte. A prime abord cela semble plutôt restreint mais finalement vous y sans aucun doute trouverez votre bonheur.

Tout démarre avec une charmante attention, un amuse-bouche : quelques moules bouchots à la tomate cuite à la braise. Le goût fumé du bois relève magnifiquement ce plat.


Nous avons donc choisi deux entrées différentes de ce menu : le canelloni de saumon fumé frais, tomates confites et olives noires sur pointes d’asperges vertes et le nougat de foie gras avec sa fine gelée de porto, chutney de poires et saladine aux herbes. Une première belle assiette avec un très bon saumon fumé farci au fromage, déposé sur une délicate tuile de parmesan, quelques asperges bien croquantes et un joli mesclun presque original car contenant du persil plat. C’est frais, visuellement joli et gourmand. Je dois dire que généralement je ne suis pas trop amateur de ces foies gras sur-travaillé mais je dois reconnaitre que cette tranche où l’on retrouve de la figue, des pistaches, des pignons et peut-être d’autres fruits sec m’a complètement bluffé. Le foie ne perd pas de sa saveur en étant masqué et sa cuisson était parfaite. Le chutney et gelée plutôt classiques, étaient parfaitement réalisés, c'est-à-dire pas trop sucrés ou acides.



Nous nous sommes décidés pour un des plats plutôt classique de la carte, la côte de bœuf cuite à la braise accompagnée de pommes de terre nouvelles rissolées et sa béarnaise. Une magnifique côte de bœuf du Simmental d’un kg cuite parfaitement, tendre et légèrement parfumée au bois. Quelques délicieuses rates sur les cotés, quelques feuilles de verdures et finalement deux sauces : la béarnaise et un jus de viande. C’est simple mais parfaitement exécuté, la qualité de la viande étant primordiale dans ce type de mets.




Nous avons été un peu moins emballés avec les deux desserts, la tarte Tatin et un macaron chocolat et sa glace pistache, probablement que ce ne sont pas des desserts trop de saison et le macaron un peu trop gommeux, mais rien de dramatique. Pour information le menu change à chaque saison.



Le tout accompagné d'un Gigondas Domaine Carobelle 2011 à la robe sombre et aux saveurs de fruits rouges.

Nous avons grandement apprécié cette envie de faire-plaisir par ce sympathique couple qui fait tout pour contenter sa clientèle. Il y a une réelle volonté de se surpasser et cet établissement mérite d’avoir du succès. D’ailleurs, c’est toujours plein. La cuisine est franche et goûteuse, l’endroit est charmant, une des « tables sympas » d’Annecy.

samedi 23 juin 2012

Auberge du Paradis, Saint-Amour-Bellevue


L’Auberge du Paradis, relais de poste devenu bar, guinguette, salle des fêtes, et maintenant une auberge… porte très bien son nom, car cela pourrait être presque simplement le paradis…et j’insiste sur le mot presque… Située dans le beaujolais à environ 1h 50 de Suisse dans le village de Saint-Amour, à aucun moment l’on ne pourrait se douter de la belle expérience que l’on va vivre…


Déjà une halte propice au repos, des chambres toutes plus extraordinaires les unes que les autres, aux doux noms de Gingembre, Nigelle, Muscade, Cumin, Paprika, Tandoori, Réglisse et Sésame… Rien que ces noms dénotent le coté hédoniste et épicurien de l’endroit. Des chambres d’une très grande élégance (visibles sur leur site), et une salle à manger comme vous n’aurez probablement jamais vue.





Un style totalement déjanté où tout est dépareillé mais orchestré de manière magistrale. Rien ne va vraiment à première vue ensemble, mais finalement tour s’harmonise, ce qui est un vrais exploit et dénote une maitrise dans la décoration. Le goût est certain, l’ambiance qui se dégage de cette salle est phénoménale. De la brocante, un peu des cotés baroques : vieilles photos, anciennes gravures, plaques publicitaires d’un autre temps, objets insolites. Des fauteuils ou chaises de repos des célèbres designers américains Charles Ormond Eames et Bernice Alexandra Ray. Tout dans cet endroit est dans les tons rouges, blancs, noirs, et c’est vraiment une réussite.







Mais avant de s’attabler pourquoi ne pas déjà profiter de cette belle piscine de béton qui s’intègre parfaitement dans la structure qui se trouve en face du vignoble. Sommes-nous dans une revue de type Architectural Digest ou Coté Sud ? On pourrait se poser la question…






La cuisine de Cyril Laugier est très singulière et comme le nom de ses chambres le laisse penser, s’inspire des mets exotiques à base d’épices mais jamais en tombant dans une facilité type fusion éculée. Etant plutôt méfiant de ces sortes de plats qui se voudraient être des interprétations de plats asiatiques, je dois avouer que j’ai été presque totalement bluffé. Ce chef fait preuve de très grande imagination et son menu dégustation à 60 Euros qui change toutes les quatre semaines est tout bonnement fantastique à ce prix. C’est une cuisine grandement pensée, sortant de l’ordinaire et qui sublime les saveurs en associant épices avec des ingrédients locaux ou même étrangers (Italie et Espagne). Il faut d’ailleurs savoir que le chef est né au Maroc, a travaillé en Turquie au Café du Levant à Istanbul, et voue donc une passion pour les épices, pour les associations discrètes de senteurs inhabituelles a principalement de la cuisine française, ou plutôt européenne.







Comme précédemment dit...le choix est simple...On déguste le menu en 6 plats...Rien que la lecture des mets active les glandes car plein d’images « du voyage » traversent en quelques minutes l’esprit.


L’apéritif peut se prendre devant l’auberge sur une petite terrasse longeant la route peu passante. Des communards et pour accompagner cela on nous amène sur une assiette en longueur des petits amuses-bouches : un nem au soja et menthe, un velouté de légumes-fromage de chèvre battu-olive-pappadum ; un tartare de crabe à la royale, citron et aneth ; un morceau de bœuf tandoori avec de la coriandre. Le ton est montré. Des saveurs nettes et fraîches, des références à l’Asie mais sans exagération.






Passage à table pour démarrer, avec une soupe froide de courgettes à l’estragon, émulsion au curcuma, tagliatelles du même légume crus à l’huile de pistache « Montegottero », fruits de la passion, bille croustillante à l’échalote, herbes et épices indiennes. Exactement le type d’entrée qui ne me laisse pas indifférent et qui s’est avéré être l’un des mets les plus ingénieux de ce repas. De la fraîcheur, de la légèreté, un coté très estival ; les associations légumes verts et fruits avec les différentes textures se marient à merveille. Cela explose en bouche. La bille rappellerait le goût d’un samosa, la soupe balance à merveille les saveurs orientales avec son coté herbeux et mousseux, le croquant des légumes apporte le coté croquant et sa sauce presque acidulée et salée a base de fruits de la passion est une merveille. A noter que Jean-Marc Montegoterro possède une huilerie dans le Beaujolais où il sélectionne les meilleurs fruits secs pour en extraire l'huile de façon entièrement artisanale. Le résultat est que chacune des huiles obtenues est très gouteuse et remporte auprès des professionnels et des consommateurs un réel sucés. Ici à la pistache pour apporter une touche suave.


Pour suivre, des queues de langoustine de « Guilvinec » juste saisies, fumet des têtes au pan massala, orge perlé aux fanes de radis, pastèque d'Espagne. Ces langoustines du Finistère étaient magnifiques, snackées à la perfection, intelligemment accompagnées d’une interprétation d’un risotto à l’orge et étonnement montées sur un morceau de pastèque bien sucré et chaud. Cela marche comme association! Mais le plus étonnant restera le bouillon qui est servi après déposes des assiettes. Un bouillon aux saveurs de pan massala. Le pan massala est en fait une friandise consommée en Inde ; une feuille de betel dans laquelle l’on ajoute différentes graines dont du fenouil et des bonbons sucrés. Ces mélanges étant souvent apportés avec l’addition dans les restaurants indiens. Le bouillon est légèrement doux et vous transporte dans une autre dimension. Il fallait vraiment y penser…



En plat principal, un morceau de cochon noir « Ibérique » dit (Pluma) mariné au paprika, sauté d’artichauts, roquette, parmesan et pignons de pins, jus court au chorizo. Deux brochettes de porc grillé au goût épicé sans être fort que l’on découpe et trempe dans le jus. C’est goûteux et en adéquation avec les précédents plats. Le seul reproche étant le décor de taches sur l’assiette qui se voudrait être le reflet du coté « chaud et artistique » de l’Espagne selon le maitre d’hôtel. Une assiette épurée dans son dressage aurait été plus judicieux selon nous. A noter à ce moment la que ce maître d’hôtel nous suggère une rencontre par la suite avec le cuisinier.


Nous continuons avec les fromages au lait cru (Fromager Affineur GIROUX) et green massala qui s’avère être la première déception de la soirée. Une assiette de fromages avec une confiture d’épices, certes bonne et quelques graines. Ma déception vient du fait que ce massala est un mélange d’un grand nombre d’épices et d’herbes provenant d’Inde. Celui-ci devant être composé de cardamomes, clous de girofle, fenugrec, curcuma, gingembre frais, menthe, coriandre fraîche, piments verts, d’ail, de vinaigre et d’huile de sésame. Rien de cela ici…


Premier dessert avec un clafoutis aux framboises et aubergines confites, crème glacée à la fleur de sel, grain de poivre de « phù quoc » et menthe fraîche. Voila un dessert très prometteur rien que par ces étonnantes associations et le poivre noir réputé du Vietnam au nez épicé et boisé avec des notes très chaudes. Malheureusement, c’est un peu fade, la consistance un peu lourde. Quelque chose manque à ce dessert.


La compotée d’abricots au basilic, anglaise au goût de miel, crumble pain d’épices et sorbet poivrons verts est une pure merveille par contre, un dessert mémorable qui surprend par son goût sucré et celui légèrement amer du poivron vert. A nouveau le jeu des saveurs est de l'alchimie.





A ce moment la femme du chef vient à notre table et nous demande si tout se passe bien. J’ai plutôt l’habitude de complimenter quand je trouve une cuisine admirable mais aussi de partager ma déception si un plat me semble manquer un peu d’équilibre, tout cela toujours avec respect pour le cuisinier. Nous avons eu droit a un comportement plutôt désagréable de cette dame qui nous a simplement fait comprendre que certaines personnes aimaient beaucoup ce clafoutis et non le second qui suivi (la compotée d’abricots), et indirectement nous fait savoir « que nous ne devions pas avoir compris grand-chose » à ce premier dessert. De plus son discours fut également que le « chef n’écoute pas les remarques et n’en fait qu’a sa tête.. ». Une attitude fort peu commerciale, qui dessert je trouve le chef et qui ternit un repas… Quand on ne comprend pas ce que signifie « service et écoute » de la clientèle, on s’abstient de servir en salle selon moi... même si on est la femme du chef.

Le service n’est finalement sommes toute pas assez professionnel, car l’eau ne nous a jamais été apportée, le vin pas toujours servi de manière continuelle, la disparition au moins 20 minutes du maître d’hôtel en fin de repas et l’apparition épisodique et peu joviale de la femme du chef en salle, et pour fini le chef que l’on n’a jamais rencontré…(probablement nous avons été punis), me laisse penser que tout cela est fort dommage surtout que la salle n’était pas comble.

Malgré tout, c’est un endroit plein de charme, un peu jardin d’Eden, un peu conte de fées, avec un chef qui a de l’audace pour offrir une telle cuisine aussi gourmande avec des saveurs vraiment décomplexées. J’applaudis à nouveaux cette créativité qui me fait penser que Cyril Laugier est un vrais génie dans sa catégorie et que pour 60 Euros (aujourd’hui), on ne peut pas s’attendre non plus à un service de trois macarons. Allez-y vite avant que les prix grimpent !