jeudi 13 janvier 2022

Fismuler, Barcelone

 

On ne présentera plus « Fismuler » qui en quelques années est devenu l’une des meilleures et agréables tables de Barcelone. En fait la dernière fois que j’ai pu y aller c’était exactement jour pour jour la même soirée mais en décembre 2019, pour la soirée du réveillon de la Saint-Sylvestre, ce qui fait donc deux ans de cela. Même soirée même si la pandémie se prolonge et nous avions tellement apprécié le concept que nous y sommes retournés. Le menu étant exactement identique qu’il y a deux années de cela que cela n’a aucun intérêt que de le commenter à nouveaux, il suffit de se référer auxcommentaires de l’époque qui ne changeront pas. 

La prestation fût équivalente, le décor n’a pas changé, l’ambiance toujours bien-entendu aussi festive, le service toujours efficace, les mets toujours de qualité même si identiques et bien sûr Jaime Santianes l’homme-orchestre de celle soirée.



Les plats n’arriveront pas tous dans la même séquence mais c’est un peu le concept de la soirée qui veut cela.


La salade de burrata, tomates et jeunes pousses.

Le carpaccio de dorade marinée, amandes et raisins.


Le canapé de tartare de gambas.

Le tartare de thon, anémones de mer et navet.

Les couteaux gratinés, oignons de printemps.

L’omelette de morue au pil pil.

Les lentilles préparées un peu comme un riz classique.

Le turbot meunière, bourgeons de laitue à la braise et truffe.

Seul changement, le bœuf de rubia gallega avec un superbe demi-glace  et une crème de pommes de terre en place d’un gratin.

Le dessert à base de pommes.

Les fameux cheesecakes qui seront servis.



Leur cava Mas Codina Brut Reserva.

A nouveau un sans-faute, encore que l’on a pu percevoir un peu de stress en raison du lockdown d’une heure du matin, mais on s’est comme d’accoutumée régalé avec la cuisine et le concept de cette soirée dans sa globalité.

lundi 10 janvier 2022

Brugarol x, Barcelone

 

Il y a quelques années cela, Brugarol dans le quartier gotique fût une belle découverte. Une enseigne du nom d’une localité dans l’Emporda avec un hôtel de charme, une ferme viticole et oléicole, et un certain nombre d’activités. Producteurs de vin, d’huile d’olive et bien d’autres produits de la ferme. C’était là-bas en 2019 que j’avais retrouvé la cuisine de deux chefs Sud-Africain dont le parcours m’était connu puisqu’ils avaient travaillé dans un très bon établissement du Cap ou j’étais allé. Aujourd’hui, c’est dans un autre lieu que je me rends, l’autre existe bien entendu encore mais ici l’offre sera sensiblement différente. Dans le Gothique on se remémorera que la cuisine en taille était assez petite et sans trop de possibilité de cuisiner « à la minute », ce qui n’avait pas empêché les chefs de sortir de très belles assiettes, mais dans cette seconde adresse de l’Eixample, il s’agit de tout autre chose.


En effet, nous pourrons être un peu surpris par la salle dans laquelle nous arrivons, plutôt comme un bar avec quelques tables hautes en bois, face à un comptoir, un plafond pas forcément des plus haut et toute une série de photos noir et blanc qui représente la ferme de Brugarol dans l’Emporda, le bord de mer, quelques activités ainsi que des personnes de l’exploitation. De là à dire que c’est un peu austère ce n’en est pas loin mais en réalité il s’agit de ce que pourrais qualifier d’antichambre du restaurant car on entend bien quelques activités à l’étage au-dessus où entre autres se trouve la cuisine mais le concept n’est pas révélé immédiatement.


Les deux chefs Sud-Africains se sont donc réparti le travail entre les deux ou trois adresses, l’un des deux étant Dean Correia sauf erreur à Palamós. Ici c’est Angelo Duarte Scirocco, qui a travaillé dans les plus belles tables d’Afrique du Sud, La Colombe, comme chef de partie au célèbre Test Kitchen, comme sous-chef chez Chefs Warehouse au Cap et a concouru aux S. Pellegrino Young Chef Awards 2015. Un chef qui n’utilise que les ingrédients qui proviennent de cette ferme de la région de Palamós, dans la région balnéaire de la Costa Brava, à 120 kilomètres. Influencé par la cuisine asiatique et souvent japonaise, tant dans la recherche de créations plus minimalistes que dans les techniques et la création de saveurs originales.

La carte se présente sous forme de menus de dégustation avec une formule de 9 plats à 40 euros ou 14 à 70 euros. Aussi la possibilité de choisir à la carte mais c’est la « formule menu » qui retiens toute notre attention. Nous retrouverons avec beaucoup de plaisir la responsable de salle d’origine Colombienne Paola Vargas et qui parle un impeccable français, qui à l’époque était dans l’autre établissement. Toujours aussi souriante et de bon conseil.

Cela démarre donc avec quelques bouchées d’inspiration japonaise tel que le nigiri d’anchois KM0 avec du foie gras, qui est un type spécifique de sushi composé d’une tranche de poisson cru sur du riz vinaigré pressé. Le label KM0 que l’on trouvera un peu partout sur chaque intitulé signifie Kilomètre zéro, produit donc local. Et l’association foie gras – poisson m’a toujours séduite depuis ce mémorable plat de Barasategui avec foie gras et anguille. Pas identique mais l’idée a fait du chemin et c’est vraiment très bon. Marinade avec vinaigre Pedro Ximenez de 25 ans et huile d’olive du domaine Brugarol.

Nous poursuivons toujours avec des produits de la mer avec du maquereau KM0 mariné et aubergine. Poisson avec son caractère, entre cru et cuit, l’aubergine amène une touche caramélisée et feuille de capucine pour le visuel.

Je parle de visuel mais c’est un aspect important de cette cuisine ou la vaisselle est vraiment soigneusement sélectionnée, les couleurs toujours adaptées aux ingrédients et la disposition des éléments soigneusement étudiée. Par exemple ce thon rouge et légumes KM0. Précis, gourmand, frais et inspirant.

Nous poursuivons dans ces petits plats toujours très bien structurés avec ce tartare de bœuf Black Angus et toasts. Un peu tostada avec le côté croustillant, un tartare un peu doux, quelques pousses pour la fraicheur.

Puis la surprise… le repas jusqu’à présent se faisait dans cette petite salle mais vous êtes maintenant invité à passer à l’étage où le décor sera des plus impressionnant, très actuel, flirtant entre la nature et l’industriel, rien de prévisible lorsque l’on arrive d’en bas…


Lustres en bois mort, bocaux et conserves illuminés, c’est vraiment un tout autre univers que l’on découvre !

Et la cuisine au centre, partiellement ouverte que l’on peut apercevoir de chaque table dans l’espace dinatoire.



Premier plat de l’étage…un flan a la truffe. Flan a basse cuisson avec une base de shiitake en escabèche, l’œuf cuit comme au japon et de la truffe râpée sur le dessus.

Nous poursuivons avec une morue noire avec une sauce au miel et poivre noir. La texture de la chaire de ce poisson est très spéciale et s’adapte parfaitement aux différentes créations culinaires. Il est délicieux de différentes manières, mais son élaboration avec des saveurs puissante ou épices est une vraie réussite. Algues, sésame, un plat assez asiatique.

Surprenant gyoza de seiche dans son encre avec sa pâte noire et sa farce bien marine. Un plat très poétique avec ses pétales sur le dessus.

Puis un fameux magret de canard KM0 qui ferait pâlir d’envie certains produits Français car je n’ai pas de souvenir d’avoir mangé un magret aussi fondant en bouche que celui-ci, excellent fond de sauce, petit chou farcis et champignon maitake.

Très beau et bon dessert avec cet espuma de caramel et miso, du kataifi qui est normalement l’un des desserts grecs les plus populaires. Il est fabriqué à partir d’une pâte à pâtisserie spéciale, composée de minces fils, similaires aux pâtes cheveux d’ange. Le kataïfi est assemblé en plaçant une extrémité puis en enroulant la pâte. Une fois cuit, le produit fini ressemble à du blé déchiqueté, mais ici il est plutôt là pour ajouter une texture au plat ;  le sucré-salé d’une belle intelligence et avec une approche japonaise.

Un vin vraiment gouleyant avec la Finca La Montesa Monte Yerga Alfaro Palacios  Remondo Rioja 2018. Sa couleur rubis révèle une interprétation délicate du raisin grenache. Il présente des arômes de fraises et de poivre, de garrigue et de groseilles. Il est surprenant par sa fraîcheur et son intense minéralité calcaire. 

Puis pour couronner ce repas, un verre de Mas Goma La Planta, un vin mousseux avec de merveilleuses notes briochées de type champagne et une finale longue. Nous trouvons également de belles notes fraîches de fruits à noyau et d’agrumes et de chèvrefeuilles.

Au fil des années cet établissement a non seulement su évoluer avec une offre culinaire inspirée plus par l’Asie que purement le Japon, avec beaucoup de finesse dans l’approche, sans jamais tomber dans les clichés, ce qui est souvent le cas à Barcelone. La « cuisine fusion » est souvent vulgaire mais ici c’est du raffinement, de la précision, des saveurs complémentaires et de l’esthétisme. Et le cadre est vraiment inattendu et unique ! Une nouvelle très belle offre culinaire a Barcelone même si Brugarol existe depuis je crois 2019, ce Brugarol X élève encore le niveau.

vendredi 7 janvier 2022

Prodigi, Barcelone

 

Voici probablement l’un des prochains étoilés à Barcelone, une table ouverte en fin d’année passée mais surtout à la tête un chef qui n’a que 25 ans appelé Jordi Tarré , ce qui mérite d’être relevé. Un nom d’établissement un peut particulier qui pourrait à priori laisser penser à quelque prétention mais ce n’est absolument pas le cas. Il s’agit d’un jeu de mots de rues avec Provença, Diagonal et Girona, car son père chauffeur de taxi y passait fréquemment. Un hommage familial des plus sympathique.

Une formation avec des stages comme chez Hisop avec la cuisine de Oriol Ivern. Un séjour en Angleterre au Mandarin à Hyde Park pour finir chez Fat Duck, avant de retourner chez Hisop dont le chef s’est investit dans ce nouveau restaurant.

Une entrée qui d’ailleurs me rappelle la Taverne Hoffmann où d’ailleurs il a également fait je crois un stage. Le cellier a côté de la porte d’entrée avec des vitrines qui donnent sur l’extérieur.

Un intérieur fort élégant qui également rappelle un peu l’établissement du dessus ou même le précédent Alkimia, de belles tables habillées de nappes blanches, des lumières étudiées, visiblement on essaie dès le départ de positionner le lieu dans le haut de gamme et c’est vraiment réussi.

La proposition intéressante c’est cet incroyable menu de dégustation tarifé à 55 euros qui nous étonnera du début à la fin. Une cuisine très personnelle, ne ressemblant ni à ce qui se fait au niveau des étoilés en ville, ni à quelconque interprétation moléculaire qui a eu son heure de gloire à Barcelone et encore moins à quelques de « fusion ». C’est en même temps original, précis, classique, gourmand, superbement dressé et toujours élégamment dressé comme dans très peu d’endroits.

Cela démarre en grande trombe avec un parfait de poulet, graines de moutarde blanche et trompettes de la mort. Cette première bouchée est semble-t-il un hommage à Fat Duck et une explosion de saveurs en bouche.

Nous serons servies des huiles rares comme cette Terres de Llum de méditerranée, Huile d’olive centenaire, variété Farga, production limitée. Un arôme fruité doux avec des notes vertes et mûres. En bouche, cette huile bénéficie d’un bel équilibre entre les notes sucrées, épicées et amères, avec une très légère astringence.

Ou encore l’huile d’olives arbequina de Mestral non filtrée de la Coopérative de Cambrils.

Seconde mise en bouche avec la Zambuiriña grillée au ponzu, des algues marines iziki et émulsion de jambon ibérique et caviar de citron vert. De la famille de la Saint-Jacques, très fin au niveau des saveurs.

Nous restons avec les produits de la mer avec un excellent maquereau, un ajoblanco au verjus, chou grillé, crème de châtaigne et shitake. Une présentation toujours aussi soignée pour un plat créatif et des associations judicieuses.

Un plat bien gourmand avec de l’artichaut qui aura été braisé, de la truffe noire, du jus de poulet et une sauce au raifort.

Très beau poisson qu’est le rubia au chou-fleur, beurre de café paris et safran. C’est un poisson semi-gras et d’eau salée qui est aussi appelé grondin rouge, le chou-fleur en purée et fleuret, un bon jus de poisson mais qui est appelé beurre.

Le plat de résistance est une classique mais fine volaille avec un demi-glacé réalisé avec du foie, et de la truffe en lamelles, avec une purée de panais et du chou-rave.

De très intéressants et originaux dessert avec tout d’abord ce surprenant sorbet d’haricots verts à la pomme Granny Smith, kaki et au fruit de la passion. Très frais, pas trop doux et qui tranceh parfaitement avec le repas avec un peu d’acidité.

Autre dessert tout aussi surprenant avec cette crème glacée à l’ail noir, génoise à la mélasse, thé noir, une pointe de balsamique de Modène et raisins.

Un blanc avec un Augustus Micro vinification Xarello del Mar Penedes avec des notes de coing et de miel, qui évoluent dans le verre.

Un repas vraiment surprenant de bout en bout avec autant d’assiettes sophistiquées, des associations originales, des cuissons parfaitement maitrisées, des saveurs nettes et tout cela dans un cadre élégant avec une atmosphère paisible, un chef avec beaucoup d’envergure.