Il y a quelques
années cela, Brugarol dans le quartier gotique fût une belle découverte. Une
enseigne du nom d’une localité dans l’Emporda avec un hôtel de charme, une ferme
viticole et oléicole, et un certain nombre d’activités. Producteurs de vin, d’huile
d’olive et bien d’autres produits de la ferme. C’était là-bas en 2019 que j’avais
retrouvé la cuisine de deux chefs Sud-Africain dont le parcours m’était connu
puisqu’ils avaient travaillé dans un très bon établissement du Cap ou j’étais
allé. Aujourd’hui, c’est dans un autre lieu que je me rends, l’autre existe
bien entendu encore mais ici l’offre sera sensiblement différente. Dans le Gothique
on se remémorera que la cuisine en taille était assez petite et sans trop de
possibilité de cuisiner « à la minute », ce qui n’avait pas empêché
les chefs de sortir de très belles assiettes, mais dans cette seconde adresse
de l’Eixample, il s’agit de tout autre chose.
En effet,
nous pourrons être un peu surpris par la salle dans laquelle nous arrivons,
plutôt comme un bar avec quelques tables hautes en bois, face à un comptoir, un
plafond pas forcément des plus haut et toute une série de photos noir et blanc
qui représente la ferme de Brugarol dans l’Emporda, le bord de mer, quelques
activités ainsi que des personnes de l’exploitation. De là à dire que c’est un
peu austère ce n’en est pas loin mais en réalité il s’agit de ce que pourrais
qualifier d’antichambre du restaurant car on entend bien quelques activités à l’étage
au-dessus où entre autres se trouve la cuisine mais le concept n’est pas révélé
immédiatement.
Les deux
chefs Sud-Africains se sont donc réparti le travail entre les deux ou trois adresses,
l’un des deux étant Dean Correia sauf erreur à Palamós. Ici c’est Angelo Duarte
Scirocco, qui a travaillé dans les plus belles tables d’Afrique du Sud, La
Colombe, comme chef de partie au célèbre Test Kitchen, comme sous-chef chez
Chefs Warehouse au Cap et a concouru aux S. Pellegrino Young Chef Awards 2015.
Un chef qui n’utilise que les ingrédients qui proviennent de cette ferme de la
région de Palamós, dans la région balnéaire de la Costa Brava, à 120
kilomètres. Influencé par la cuisine asiatique et souvent japonaise,
tant dans la recherche de créations plus minimalistes que
dans les techniques et la création de saveurs originales.
La carte se
présente sous forme de menus de dégustation avec une formule de 9 plats à 40
euros ou 14 à 70 euros. Aussi la possibilité de choisir à la carte mais c’est
la « formule menu » qui retiens toute notre attention. Nous retrouverons
avec beaucoup de plaisir la responsable de salle d’origine Colombienne Paola
Vargas et qui parle un impeccable français, qui à l’époque était dans l’autre
établissement. Toujours aussi souriante et de bon conseil.
Cela
démarre donc avec quelques bouchées d’inspiration japonaise tel que le nigiri d’anchois
KM0 avec du foie gras, qui est un type spécifique de sushi composé d’une
tranche de poisson cru sur du riz vinaigré pressé. Le label KM0 que l’on
trouvera un peu partout sur chaque intitulé signifie Kilomètre zéro, produit
donc local. Et l’association foie gras – poisson m’a toujours séduite depuis ce
mémorable plat de Barasategui avec foie gras et anguille. Pas identique mais l’idée
a fait du chemin et c’est vraiment très bon. Marinade avec vinaigre Pedro
Ximenez de 25 ans et huile d’olive du domaine Brugarol.
Nous
poursuivons toujours avec des produits de la mer avec du maquereau KM0 mariné
et aubergine. Poisson avec son caractère, entre cru et cuit, l’aubergine amène
une touche caramélisée et feuille de capucine pour le visuel.
Je parle de
visuel mais c’est un aspect important de cette cuisine ou la vaisselle est
vraiment soigneusement sélectionnée, les couleurs toujours adaptées aux
ingrédients et la disposition des éléments soigneusement étudiée. Par exemple ce
thon rouge et légumes KM0. Précis, gourmand, frais et inspirant.
Nous poursuivons
dans ces petits plats toujours très bien structurés avec ce tartare de bœuf Black
Angus et toasts. Un peu tostada avec le côté croustillant, un tartare un peu doux,
quelques pousses pour la fraicheur.
Puis la
surprise… le repas jusqu’à présent se faisait dans cette petite salle mais vous
êtes maintenant invité à passer à l’étage où le décor sera des plus
impressionnant, très actuel, flirtant entre la nature et l’industriel, rien de
prévisible lorsque l’on arrive d’en bas…
Lustres en
bois mort, bocaux et conserves illuminés, c’est vraiment un tout autre univers
que l’on découvre !
Et la
cuisine au centre, partiellement ouverte que l’on peut apercevoir de chaque
table dans l’espace dinatoire.
Premier plat
de l’étage…un flan a la truffe. Flan a basse cuisson avec une base de shiitake
en escabèche, l’œuf cuit comme au japon et de la truffe râpée sur le dessus.
Nous
poursuivons avec une morue noire avec une sauce au miel et poivre noir. La
texture de la chaire de ce poisson est très spéciale et s’adapte parfaitement
aux différentes créations culinaires. Il est délicieux de différentes manières,
mais son élaboration avec des saveurs puissante ou épices est une vraie réussite.
Algues, sésame, un plat assez asiatique.
Surprenant gyoza
de seiche dans son encre avec sa pâte noire et sa farce bien marine. Un plat
très poétique avec ses pétales sur le dessus.
Puis un
fameux magret de canard KM0 qui ferait pâlir d’envie certains produits Français
car je n’ai pas de souvenir d’avoir mangé un magret aussi fondant en bouche que
celui-ci, excellent fond de sauce, petit chou farcis et champignon maitake.
Très beau
et bon dessert avec cet espuma de caramel et miso, du kataifi qui est
normalement l’un des desserts grecs les plus populaires. Il est fabriqué à
partir d’une pâte à pâtisserie spéciale, composée de minces fils, similaires
aux pâtes cheveux d’ange. Le kataïfi est assemblé en plaçant une extrémité puis en enroulant la pâte. Une fois cuit, le produit fini ressemble à du blé déchiqueté, mais ici il est plutôt là pour ajouter
une texture au plat ; le sucré-salé
d’une belle intelligence et avec une approche japonaise.
Un vin vraiment
gouleyant avec la Finca La Montesa Monte Yerga Alfaro Palacios Remondo Rioja 2018. Sa couleur rubis révèle
une interprétation délicate du raisin grenache. Il présente des arômes de
fraises et de poivre, de garrigue et de groseilles. Il est surprenant par sa fraîcheur
et son intense minéralité calcaire.
Puis pour
couronner ce repas, un verre de Mas Goma La Planta, un vin mousseux avec de merveilleuses
notes briochées de type champagne et une finale longue. Nous trouvons également
de belles notes fraîches de fruits à noyau et d’agrumes et de chèvrefeuilles.
Au fil des
années cet établissement a non seulement su évoluer avec une offre culinaire
inspirée plus par l’Asie que purement le Japon, avec beaucoup de finesse dans l’approche,
sans jamais tomber dans les clichés, ce qui est souvent le cas à Barcelone. La « cuisine
fusion » est souvent vulgaire mais ici c’est du raffinement, de la
précision, des saveurs complémentaires et de l’esthétisme. Et le cadre est
vraiment inattendu et unique ! Une nouvelle très belle offre culinaire a
Barcelone même si Brugarol existe depuis je crois 2019, ce Brugarol X élève
encore le niveau.