lundi 30 avril 2018

Perelló 1898, Barcelone


L'une des modernisations les plus réjouissante du Mercat del Ninot fût l'ouverture de bars et de restaurants de dégustation parmi les étals du marché. Traditionnellement en Espagne il y avait toujours deux ou trois cafétérías à l'intérieur des marchés, séparés des vendeurs et offrant des tapas simples, du café et des boissons pour les acheteurs et les vendeurs. Bien que les cafétérias existent encore, ces jours-ci, manger dans le marché lui-même est un moment important et très agréable. Parmi les stands proposant de la nourriture cuisinée, on trouve des vendeurs de viande et de fromage, des conserves et des vendeurs de morue salée ainsi que des poissonniers.

Certains offrent des huîtres fraîches, palourdes, moules, bernacles et crevettes à manger sur le comptoir accompagnés d'un verre de vin ou de cava, ainsi que des plats du jour comme du riz et des ortiguillas, ces magnifiques anémones frites. Certains poissonniers vont même cuisiner pour vous le poisson que vous achetez, que vous pouvez ensuite manger avec du vin ou de la bière, bien sûr.

Mais ce qui est aussi intéressant c’est de découvrir ces établissements tout de même un peu plus bistronomiques où l’on peut aussi acheter des produits. C’est le cas de la maison « Perelló 1898 » qui date selon le sigle de 1898. Un très bel étal qui est d’une taille supérieure comparé aux autres commerces, pour la simple et bonne raison qu’ils ont un choix de produits de qualité plus important que d’autres commerces mais aussi parce qu'ils ont un comptoir de dégustation, de restauration. Une architecture conçue par Sandra Tarruella qui a rénové et conçus un grand nombre de restaurants, d’hôtels et magasins à Barcelone et même ailleurs en Espagne.



Ces jours-ci, on peut observer qu’ils font partie de la grande liste des établissements qui sont participés à la « Ruta del Bacalla », un festival de la morue qui se passe à Barcelone où chaque établissement qui s’inscrit, propose un tapas à base de ce poisson salé, tout cela a des prix très amicaux.

En parlant de morue, celle-ci est évidemment vendue et l’on peut immédiatement constater qu’il s’agit d’une très belle qualité, bien épaisse et évidement a un prix plus élevé qu’à l’accoutumée.



Certains morceaux sont déjà en désalanisation, principalement des filets.


Pour les amateurs des sardines conservées dans le sel.



Le choix de conserves chez « Perelló 1898 » est plutôt large avec tout ce que vous pouvez vous imaginer pour accompagner un apéritif tel qu’un vermouth. Moules, thon, sardines, couteaux avec non seulement des produits du Pays Basque mais aussi de Galice.


Dans le prolongement donc, on s’installera sur l’une des chaises hautes du bar.


On pourra aussi trouver des préparations sous vide comme saumons, anchois préparés de diverses manières et des conserves d’œufs de poisson.


Leur sélection d’huiles d’olives et de vinaigre est intéressante.


Pour les amateurs d’apéritifs sophistiqués, toute une série de petites brochettes savamment construites avec olives, anchois, moules et autres ingrédients.


Un certain nombre de plats à l’emporter la plupart réalisés avec de la morue. « Perelló 1898 » est un spécialiste de la morue sauvage « Gadus Morhua » péchée à l’hameçon dans l’Atlantique Nord et pour cette raison nous trouverons un certain nombre de plats et tapas au comptoir.


La cuisine, gérée par le chef argentin Guada Reig (Can Nuri, Fermi Puig), se concentre sur les produits locaux et les recettes traditionnelles. Les suggestions du jour sont sur l’ardoise pendue sous les rangements de bouteilles : salade de tomates avec de la ventrèche de thon, carpaccio de morue et guacamole, œuf mollet avec parmentier et sauce pil-pil, pain de coca avec de l’escalivada, brie et anchois. Les fameux « pieds et têtes » avec des « tripes » de cabillaud et la recette basque par excellence la morue au pil-pil que l’on pourra voir dans une grande casserole et avec une recette qui se trouve sur leur site web. Une carte permanente est aussi à disposition.



On passera la commande à l’une des jeunes femmes derrière le comptoir, le tout sera servi plutôt rapidement.



Impossible de passer à côté de ce tapas spécialement conçu pour la « Ruta del Bacalla » et qui consiste en un cannelloni de pomme verte farci de brandade de morue accompagné d’une mayonnaise au basilic, le tout accompagné d’une bière pour la somme de 5 euros. Un vrai plat, inventif, qui joue avec les saveurs et les textures et totalement inattendu. Un beau visuel, une touche marine supplémentaire avec les œufs de poisson, c’est vraiment très bon.



La bière est de chez Damm mais tout de même particulière car brassée expressément pour Ferran Adria !


Les anchois extras aux zestes d’agrumes sont particulièrement délicieux. Des boquerones donc avec un peu d’huile d’olive mais avec la bonne idée d’y ajouter ces zestes de citron et d’orange qui apportent une touche vraiment originale.


La salade de tomate et ventrêche de thon est particulièrement délicieuse simplement pour la qualité des produits. Les tomates sont sucrées, l’huile de qualité, le thon de très bonne qualité. Un assaisonnement précis et gouteux.


Aussi classique mais particulièrement réussie, l’omelette à la morue avec des piments de Padron. Baveuse, le poisson moelleux, les piments pout une touche un peu relevée.


« Perelló 1898 » est une entreprise centenaire qui a su s’adapter à l'époque, préserver la tradition dans ce marché de Ninot, qui offre des produits de haute qualité et un service amical et familier pour sa délicieuse restauration ou plutôt presque dégustation. Tout fût absolument parfait pour un lunch et venir ici se restaurer est un vrai moment de plaisir gustatif. Si l’ambiance est informelle autour du comptoir, les plats, eux, sont dignes des meilleurs restaurants.

Mes adresses : Mercat del Ninot, Barcelone


Ce ne sont pas les marchés qui manquent à Barcelona et lorsque l’on découvre que les produits de celui qui se trouve sur la Rambla sont soit bien trop chers, parfois de piètre qualité ou que les commerces petit a petit sont remplacés par des stands de jus de fruits plein de pesticides, eh bien on va ailleurs… Une opportunité de découvrir le vrai Barcelone des marchés et aujourd’hui c’est au « Mercat del Ninot » sur la rue de Mallorca que l’on se rend.


Le fait le plus curieux de ce bâtiment est probablement son nom, qui vient de l’époque ou c'était une taverne dont les propriétaires sauvèrent une poupée en bois (ninot) qui était la figure de proue pour un navire à démanteler. Ils retournèrent à leur taverne avec elle et l'exposèrent fièrement sur le devant du bâtiment. Cette taverne était célèbre pour vendre le vin le moins cher de Barcelone à cette époque en raison de son emplacement, la taverne n'avait pas à payer les frais de la ville pour l'alcool. Vous pouvez toujours voir aujourd'hui cette poupée !


Marché emblématique datant de 1892, qui a rouvert après un remodelage intégral qui a duré cinq ans. Un marché municipal du côté gauche de l'Eixample avec 81 étalages, des douches, des couloirs spacieux, des bars de dégustation, des treillis métalliques sur la façade et des magasins extérieurs qui font partie du bâtiment. A nouveau ouvert en 2015, ce lieu très apprécié des Catalans où l’on peut facilement s’imaginer que l’on y trouvera des produits de première fraicheur tels que légumes, fruits, poissons, viandes et charcuteries.


Vous pouvez également vous asseoir et manger des tapas ou prendre une bière dans les bars qui sont sur les lieux du marché. En outre, autour de l'enceinte, il y a des douzaines de stands de vêtements et d'accessoires.

Un intérieur particulièrement clair et aéré, des étals devant lesquels l’on peut passer, une architecture très élancée et magnifique.


Premier arrêt chez un étonnant boucher qui propose une magnifique sélection de côtes de bœuf. De l’Angus du Pays-Basque, de la Charra originaire de la province de Salamanque et de quelques communes avoisinantes de Zamora et Ávila, en Espagne. La plupart des bêtes sont issues d’un croisement Morucha/Charolaises, Morucha/Limousines ou Avileña/Charolaises et Avileña/Limousines. Et de la Simmental qui semble même venir de Suisse !



Bien d’autres morceaux comme le T-Bone ou des races Galiciennes.


Ici les légumes sont plutôt beaux et frais ; scaroles, oignons blancs, betteraves, tomates, artichauts, tous les classiques du moment.


On trouvera des calçots pour de préférence le grill.




Maintenant les fraises... un sujet un peu délicat en Espagne, sur lequel je ne me prononcerai pas ici. Au vu de la régularité de la taille, de la couleur, de leur perfection, on peut se poser des questions…


Divers stands de charcuterie avec bien sur toute une sélection de jambons à la découpe.




Chez les poissonniers, palourdes, oursins,  moules, lotte, bars et turbots.





Tout un rayon de légumes et fruits sec où l’on trouvera différentes qualités de haricots locaux.


Comme dans d’autres marchés, la vente de légumes secs mais préparés comme lentilles, pois-chiches, haricots de Santa Pau et bien d’autres.


Aussi pour ceux qui souhaitent manger des « croquetes », une vaste sélection comme jambon, fromage, épinards, boudin andalous et bien d’autres.


Un bien joli marché avec un peu plus d’authenticité et étonnement des produits de qualités parfois supérieurs a ceux d’autres marchés plus connus.


samedi 28 avril 2018

Topik, Barcelone


Très belle découverte que « Topik » dans le quartier de l’Eixample, une table à priori qui par sa description sommaire ne m’aurait pas attiré en temps normaux mais la surprise de découvrir quelque chose de très accompli dans la réalisation. Aux manettes, le chef Adelf Morales qui propose une cuisine inventive influencée par la Catalogne, le Pays-Basque, la Méditerranée et le Japon. Un concept qui semble être « fusion » mais finalement pas tant que cela. Pas une ouverture récente puisque cet établissement existe depuis un certain nombre d’années (2009) et qui est très souvent plébiscité en ville.


Un chef qui travailla tout d’abord à Valence, puis à San Sebastian,  au « Lasarte » de  Martin Berasategui, en Italie, avant de poursuivre son parcours au Japon, puis ensuite revint en Catalogne pour ouvrir son restaurant. Clairement le Japon est à la mode et surtout en Espagne au niveau des assiettes. C’est souvent très mal assimilé et rend les assiettes médiocres, mais vous découvrirez ici une maitrise comme dans peu d’endroits à Barcelone. En réalité, peu de ces autres établissements sont allés au Japon, ce qui n’est pas le cas de Adelf Morales.


L’entrée se fait face au bar et surtout à côté de produits de la mer exposés sur de la glace pilée. Huitres de diverses origines dont « heureusement » celles du delta de l’Ebre, finalement plutôt rares chez les restaurateurs. Les fameuses Gouthier de Normandie ou celles d’Oléron. On perçoit tout de suite que le produit est au centre de l’assiette et rares sont les chefs qui choisissent avec autant de passion une telle sélection de crustacés.


Un endroit lumineux, bien structuré avec une première salle le long de grandes fenêtres, une seconde partie avec un côté plus intime lorsque l’on descend les quelques marches, un comptoir sur la longueur prolongé par la cuisine. Une décoration avec comme thème la mer puisque l’on voit des dessins de poissons sur certains murs, une partie des murs en briques ont été conservés. L’endroit est convivial et très agréable, avec un bouteiller le long de la salle.




Un très impressionnant « menu dégustation » au prix imbattable de 35 euros, a peine pensable pour une telle prestation et qui en fait définitivement l’une des adresses les plus intéressantes de la ville. Mais les suggestions du jour sont tellement intéressantes, qu’en plus du menu…nous choisirons deux petites « bouchées » supplémentaires… Comme j’adore l’oursin, nous choisirons un oursin avec un bouillon de gingembre et un oursin avec du ventre de thon. Oursins présentés d’ailleurs sur le comptoir.



Arrivent ces deux oursins sur un lit de glace, le premier a même des œufs de poisson, le second du thon bien gras et plutôt exceptionnel, jamais vu ailleurs d’ailleurs à Barcelone et pourtant de Méditerranée. Le premier est fortement iodé avec une fine saveur asiatique, le second jour plus sur la texture car le thon est gras, moelleux et se marrie très bien avec le côté plus pâteux de l’oursin. C’est original et très équilibré.



Première réelle entrée au menu, un biscuit de canard confit au kimchi, citron en saumure. Un peu dans l’esprit d’un tacos mais sans le côté mexicain, le canard est effiloché, la petite crème mousseuse à la saveur de ce chou fermenté est fine, une lamelle de citron confit pour une touche de peps en bouche. J’aime beaucoup cette association qui éveille bien le palais.


Je suis très impressionné par le dim sum d’anguille à la braise et shiitake. Même si cela a un côté clairement asiatique, c’est plutôt très bien pensé car l’anguille fumée nous ramène plus vers des saveurs européennes et le fond de sauce qui lui aussi est à première vue aux saveurs orientales rappelle un fond de sauce de viande. C’est brillamment équilibré en bouche !


Nous continuons avec de fantastiques petits pois accompagnés d’un morceau de poisson dont j’ai oublié le nom et qui fût particulièrement bien cuit avec encore du moelleux en son centre. Les petits pois régionaux sont excellent, le tout avec un fond de sauce très juste en saveur.


Nous poursuivons avec l’huitre et soubressade « els casals ». J’imagine que la recette provient de ce très réputé établissement que je dois encore visiter à une heure au nord de Barcelone ou plutôt que c’est cette saucisse qui vient de là-bas. Cette maison a aussi un élevage de porc et produits d’extraordinaires produits. On rappellera que l’origine de la soubressade, c’est les iles Baléares. Saucisse à tartiner plus ou moins pimentée qui ici est déposée en une dine touche sur le crustacé avec un peu de ciboulette ciselée, Association assez particulière et plaisante entre le côté marin, le côté épicé et fumé.


Pour suivre un très bon riz crémeux aux anémones de mer et oursins. Pas forcément traité je dirais à l’Espagnole mais plutôt comme un risotto à l’Italienne. J’adore l’anémone généralement frite, ici découpée en morceaux dans la sauce du riz qui vient de Pals et les morceaux d’oursins. Le tout est extrêmement parfumé et très gourmand.


Encore très impressionné par le thon cru avec une sauce marmitako. En basque, « marmitako » signifie » ce qu'il y a dans le pot ». Alors, quand les pêcheurs basques cuisinaient à bord de leurs bateaux ... Qu'avaient-ils dans leurs marmites ? Ils avaient des pommes de terre et du thon. Ils avaient marmitako ! On trouvera le même thon bien gras qui nous fût servi avec l’oursin en entrée, celui-ci découpé en fines lamelles et entouré de cette sauce qui à l’origine est préparée généralement avec du vin blanc, poireau, carotte, poivrons rouges et verts, probablement d’autres ingrédients. Une approche innovante, inattendue de ce plat, réalisé avec fraicheur et gourmandise.


Et un autre délice avec ce ris de veau aux pétoncles, fond de viande et beurre « café de Tokyo ». Juste poêlé et vraiment moelleux, le crustacé lui aussi snacké et encore translucide au milieu, sur le dessus une adaptation du beurre du café de Paris mais assurément avec quelques ingrédients japonais tels que le miso. Vraiment une très belle assiette.


Un premier dessert très léger et fin avec un riz au lait de coco et curry. Crémeux, onctueux, une touche de fraicheur avec du pomelo, des zestes d’agrumes et un peu de menthe.


Autre dessert avec la gourmande crème de speculoos, glace au yoghourt et tamarin. Plus riche mais aussi bien équilibré en sucre. On appréciera la touche un peu acide du tamarin.


La carte des vins est plutôt riche mais en discutant avec lui, d’entrée il me propose un vin blanc Catalan appelé Blanc del Terrer 2014 Vila Seca. Vin de la région de Tarragone réalisé à partir de Macabeu et qui a une grande intensité florale et des saveurs de fruits blancs. Un blanc avec une structure onctueuse qui se boit très facilement.


En voila une belle expérience avec un incroyable repas. Un peu en dehors des tables trop médiatisées, ce qui n’est pas plus mal, un chef qui sait ce que cuisiner signifie et qui va a l’essentiel ; le goût, les saveurs, la qualité du produit. Des ingrédients espagnols de premier choix tels que la soubressade, le thon, des huitres, des ris de veau et des oursins. Chaque plat a bien des saveurs différentes, souvent cuisiné avec l’utilisation subtile d’éléments asiatiques tels que sauce soja, miso, sake, cependant a aucun moment on ne pense au mot « fusion ». Chaque assiette fût vraiment délicate, parfaitement pensée, sans jamais que l’un de ces ingrédients ne prenne le dessus. Définitivement l’une des plus belles offres de menu de dégustation à Barcelone avec un prix imbattable, et tout ceci dans une cadre très agréable avec un service de qualité. Epatant !