mercredi 29 juin 2022

Compartir Barcelona, Barcelone

 

Il y a quelques années de cela, je m’étais arrêté à Cadaquès, découvrit à l’époque Compartir et même dormit dans l’une des chambres en dessus du restaurant. Ca c’était en 2014 et on parlait des « anciens de chez El Bulli ».  Une adresse très conviviale, avec une carte que je qualifiais « à deux vitesse » à l’époque car soit des plats catalans classiques soit une cuisine plus inventive inspirée par le passé des chefs.


Depuis le temps a passé, Disfrutar est devenu une table étoilée de renommée mondiale, les trois chefs sont passée au rang de stars.


Puis s’est ouvert il y a quelques jours de cela la version Barcelonaise du Compartir de Cadaquès avec comme objectif premier de répliquer les concepts de la table d’origine, un nouvel établissement de l’Eixample géré par Nil Dulcet et bien entendu la cuisine imaginée par les chefs Oriol Castro, Eduard Xatruch et Mateu Casañas.


Soyons bien clair, ce n’est pas une cuisine comme Disfrutar mais bien celle que l’on trouve dans la maison mère. Situé dans un très grand local de non loin de 500 m2 non loin de la Rambla de Catalunya avec une grande terrasse dans la rue, la décoration est un peu dans l’esprit de celle de Cadaquès avec je me rappelle ces lampes en rotin conférant un charme méditerranéen. Mais j’émettrais tout de même quelques réserves car ce soir-là j’ai quand même trouvé le lieu sans trop d’atmosphère, comme s’il manquait quelque chose pour rendre le tout un peu plus chaleureux car la luminosité est trop forte à mon goût. Le lieu dispose de deux entrées dont l'une avec un espace d'accueil, de sorte qu'il dessine un U inversé à la base duquel se trouvent plusieurs espaces réservés ouverts et qui traverse l'espace cave d'une salle à manger à l'autre. 



Un très haut plafond et des salles avec des tables bien espacées, des niches, des formes courbes sur des miroirs et des paravents légers en osier et rotin, convertis en lampes chaleureuses qui recréent un paysage abstrait de bateaux et de voûtes.


La cuisine est donc assez ressemblante à celle de Compartir Cadaquès et j’ai pu retrouver un certain nombre de plats que j’avais dégustés à l’époque.  Mais il semblerait que l’offre évoluera avec une combinaison d’anciens plats et de nouveaux au fur et à mesure du temps. C’est donc une proposition de produit moderne aux racines traditionnelles, suivant la même philosophie que l’autre établissement.

Pas de menu de dégustation mais bien entendu des plats à se partager comme il se doit. Leur fameuses huitres froides et chaudes, leurs brioches puis petits plats principaux. Avec une petite mise en bouche bien croustillante, une chips de tapioca.

Comme premier plat, les délicieuses et moelleuses sardines marinées en escabèche accompagnée de carottes violettes et noix de coco. L'escabèche méditerranéenne se fait d'habitude souvent avec du lapin, des sardines comme ici, ou des maquereaux que l'on fait mariner avec de l'ail et du vinaigre. Ici la sauce a été réduite et accompagnés de quelques légumes, le lait de coco pour amener de la rondeur en bouche.

L’un des plats les plus surprenants et que j’avais déjà apprécié à l’époque, la salade de betterave et de fruits avec un sorbet Ajoblanco. Sur une assiette des fraises légèrement vinaigrées, des tronçons d’ananas recouverts d’une espuma de betterave, quelques fines tranches de la même racine et au centre une fantastique et onctueuse glace à base d’amandes, pain, huile d’olive et ail. On ne sait plus s’il s’agit d’une entrée ou d’un dessert…quelque chose au milieu. Toujours est-il que les saveurs explosent en bouche et que l’on se rappellera longtemps de cette assiette. De mémoire, il s’agirait d’un ancien plat ou d’une interprétation de chez « el Bulli ».

Carpaccio de bœuf sauce au Porto, foie gras et Idiazabal. Le foie gras est en fait sous forme de glace et râpé sur les fines tranches de viande accompagnée d’une sauce porto est l’une des sauces les plus utilisées pour accompagner les recettes de viandes. Comme cette sauce a une saveur intense et concentrée, elle est parfaite pour ce type de viandes qui, en elles-mêmes, n’ont généralement pas beaucoup de saveur. Le tout complété par cet idiazabal, fromage au lait de brebis des races latxa et carranzana.

Une malencontreuse erreur de service probablement liée à la jeunesse de l’établissement, mais ayant commandé leurs huitres, j’ai dû le leur rappeler et même si l’on me dit que cela arrive…normalement cela aurait dû être les premiers plats servis.

Toujours beaucoup de recherches dans les associations de saveurs avec celle chaude qui est une huitre sauce suquet. Le « suquet » de poissons est un plat à l’origine réalisé par les pêcheurs sur les bateaux, rapide, simple et rassasiant (il comprend généralement des pommes de terre et un mortier d’aïoli). Le « suquet » peut donc être constitué d'un seul type de poisson ou de poissons mélangés. Belle idée que d’en associer la sauce à l’huitre chaude.

Seconde mais froide, la superbe huitre à la betterave et poudre de yaourt glacée.

Et la magnifique troisième, l’huitre à la crème ajoblanco et ail noir. La gousse est sur la coquille, on l’ajoute une fois l’huitre ouverte.


Très belle assiette pour les Saint Jacques à la Catalane avec un jus de volaille et pommes de terre confites. Des saveurs bien réconfortantes et intenses, finalement un terre-mer bien réussis avec un produit très frais et une touche d’épinard qui complète parfaitement le tout.

Un joli poisson avec merlu de palangre qui a une saveur douce,  accompagné d’une purée et de suquet, aïoli au safran et picada qui  est l’une des sauces caractéristiques et des techniques culinaires essentielles à la cuisine catalane est préparée dans un mortier et doit contenir une triade de base: amande, pain et un peu de liquide.


Un superbe dessert avec « Notre Caprese ». La salade Caprese met en vedette le basilic frais, la mozzarella et les meilleures tomates que vous pouvez trouver. Ici c’est un dessert qui respecte les couleurs, avec fraises, un crumble, une glace à la mozarella.

Puis pour terminer les déjà connus bonbons liquides de chocolats noirs et sorbets a la groseille pour clore ce repas.

Vaste et belle carte des vins a des prix plutôt élevés par rapport à la cuisine. Cela sera un classique et délicieux Dido Macabeu Montsant 2020.

Aucun doute que cet établissement va rencontrer le succès avec la renommée des chefs et surtout les multiples années d’expérience à Cadaquès. La gamme de prix de la cuisine est a un juste prix, le local est plaisant et parfaitement centré en ville. On espère rapidement découvrir de nouveaux plats afin de se faire une nouvelle opinion.

lundi 27 juin 2022

Lucky Schmuck, Barcelone

 

Ce ne sont pas les bars qui manquent dans cette Carrer de Joaquìn Costa mais c’est avec plaisir que nous découvrons cette nouvelle ouverture. Après Two Schmucks et Fat Schmuck, ce dernier concept de l’équipe schmuck évoque l’atmosphère d’un bar bien décalé comme on les aime, mais avec de très bons cocktails.

Le patron c’est Moe Aljaff qui peut être plutôt fier sachant que son premier bar à quelques mètres de là, le Two Schmucks se classe actuellement 11ème sur la liste faite par The 50 Best Bars in the World ! Ce qui est un exploit en soi. Bar donc comme cette nouvelle adresse, situés dans le quartier animé du Raval.  



C’est avec son partenaire d’affaires, James Bligh, que pendant la pandémie, ils ont profité de la sitation pour étendre leur empire Schmuck en ouvrant deux autres bars dans le quartier. Le premier était Fat Schmuck , un espace avec une terrasse qui a d’abord servi de lieu éphémère pour Two Schmucks pendant la pandémie avant de devenir l’espace permanent du deuxième concept Schmuck, qui a fonctionné comme une cafétéria et un bar à cocktails toute la nuit.



L’autre, le dernier effort du groupe, est Lucky Schmuck, qui pourrait être décrit comme leur bar alternatif. Cela serait un peu comme le frère cadet désordonné de deux Schmuck, le bar à l’esprit rebelle. Lucky Schmuck s’inspire des journées de travail d’Aljaff à l’époque d’Amsterdam, des salles de concert clandestines et des concerts punk-rock au début de sa carrière de serveur. Certains appelleront cela en anglais un « dive bar » ou un bar de plongée qui est généralement un petit bar peu glamour, éclectique et de style ancien avec des boissons bon marché, qui peuvent présenter un éclairage tamisé, un décor minable ou daté, des enseignes de bière au néon, des ventes de bière emballées, un service en espèces uniquement et une clientèle locale.  La définition précise d’un bar de plongée est quelque chose sur laquelle les gens sont rarement d’accord, et fait l’objet de débats animés.  Le terme « plongée » a été utilisé pour la première fois dans la presse aux États-Unis dans les années 1880 pour décrire des endroits peu recommandables qui se trouvaient souvent dans des sous-sols dans lesquels on « plonge en dessous ». 


Conçu pour être un bar de plongée avec une salle de karaoké, pas de service à table, il y a de la place pour accueillir jusqu’à 100 invités. On peut donc s’attendre à trouver des néons lumineux à l’intérieur du bar, une boule à miroir de discothèque, des tables rétro de style américain et un bar en bois de style maison, complété par des sols en rose bébé et carrelage bleu et des murs rembourrés en vinyle noir, une ambiance un peu 50’s. La salle de karaoké vers l’arrière du bar aura de la place pour 10 personnes.

L’offre de boissons comprend une liste de neuf cocktails aux côtés d’une sélection de bières artisanales, de whiskies, de rhums, de mezcals et d’autres spiritueux. Le menu de la nourriture, quant à lui, a été inspiré par les aliments de base américains classiques ou tex-mex.

De bonnes vibrations et un lieu de fin de soirée, le tout sur une bande originale indie et punk rock. C’est l’antithèse des bars à cocktails sérieux, révérencieux et d’inspiration clandestine comme l’on voudrait voire plus souvent en ville. Quelque chose de plutôt unique et une belle addition à la vie nocturne de Barcelone.

vendredi 24 juin 2022

Batea, Barcelone

 

Assurément l’une des ouvertures de restaurants les plus remarquées cette année, celle de Batea dans la Gran Via. Un endroit plutôt particulier auquel l’on ne s’attendrait pas mais finalement bien placé entre place d’Espagne et Eixample. En réalité, cette table est connectée à l’hôtel Avenida Palace. Malgré son propre accès depuis la rue, elle dispose également d'une entrée directe depuis l'hôtel.

Celles et ceux qui connaissent déjà l’excellent Besta de Carles Ramón et Manuel Núñez apprendront qu’il s’agit ici de leur nouveau second établissement.

Comme Besta, il s’agit donc d’une proposition gastronomique qui oscille entre Catalogne et Galice, Atlantique et Méditerranée, ouverte au mois de février de cette année. On rappellera que les deux chefs que sont Carles Ramon et Manuel Nunez propose chez Besta, une cuisine riche en propositions parfois créatives, parfois classiques, basées sur des produits de la mer de qualité, préparés tout autour de ce qui est saisonnier. Des recettes de ces deux régions d’Espagne exécutées avec maestria et qui ravissent les amateurs d’assiettes délicates. Manuel que l’on a connu chez Arume dans le quartier du Raval et Carles au La Bellvitja puis Gat Blau, Arallo a la Coruna.

Batea est également un restaurant de fruits de mers mais plutôt sous la forme d’un bistrot mais avec la particularité d’avoir ajouté Marta Morales pour la partie des cocktails.


L’intérieur est plutôt surprenant car ce n’est pas tout à fait à quoi l’on pourrait s’attendre d’un bistrot de fruits de mer car l’esthétique intérieure est plutôt vintage, baroque et solennelle et à la fois ludique, gaie et insouciante. On dira que cela peut plaire ou non… Des murs avec du papier peint rose et une longue banquette avec des coussins veloutés de la même couleur pâle.

Il y a également un bar où vous pouvez choisir de vous asseoir, ou alors à l'une des tables ou des confortables canapés.

En cuisine ce soir également Pedro Enrique Mendonça que j’aurai déjà vu chez Xavier Pellicer et Media Manga.

Une carte plus orientée petits plats à se partager et comme attendu, les meilleurs fruits de mer frais de Galice et de la Méditerranée, accompagnés d'une grande variété de cocktails, de vins nationaux et étrangers. Par exemple comme cocktail, le Spritz o'clock avec du Lillet blanc, gousses de pois, cava, un splash d'absinthe Pernod.

Tout démarre avec un plateau de fruits de mer servi avec élégance avec une série de coquillages, crustacés préparés de manière très sophistiquée. Tout est déposé sur des cailloux, donnant l’impression de se trouver bien évidemment au bord de l’océan.

On sera épaté les couteaux à l’émulsion de codium. Cette algue, le codium a une forme ramifiée et arrondie, d'une couleur verte intense, est aussi appelée ou tige de mer, elle est de plus en plus utilisée en cuisine, de par sa saveur surprenante, qui nous rappelle la bernache.

Toujours surprenant et original un coquillage appelé Carneiro au jus de piparra et piparra mariné. Il est également connu sous le nom de moelo ou escupiña, l'une des grandes inconnues des Rías galiciennes. Ce type de palourde est similaire à la coque, bien que sa taille soit plus grande, elle a une chaire très savoureuse avec un arôme marin. 

Et le troisième, la palourde à la béarnaise aux herbes.  La béarnaise est bien entendu une suce émulsionnée à base de beurre et de jaune d'œuf, assaisonnée d'estragon et d'échalotes, au cerfeuil, cuite au vin et au vinaigre pour faire un glaçage. 

Quelques très belles huîtres galiciennes Nº2 de la maison Aboca servies naturelles. Première impression qu’elles sont charnues et onctueuses. Elles fondent doucement dans la bouche libérant toute leur intense saveur.

On laisse derrière nous ces fruits de mer avec les croquettes nigiri sauce verte Nigiri au poisson du jour, dans notre cas du pageot. Une consistance en même temps croustillante à l’extérieur et très crémeuse (presque liquide) à l’intérieure avec cette saveur de salsa verde. C’est un poisson très commun en mer Méditerranée. Puis comme c’est baptisé Nigiri, on retrouve sur le dessus comme un sushi, une tranche de poisson avec un peu de zeste de citron vert et une sauce pimentée.

Une délicieuse coquille saint Jacques à la galicienne, un plat très typique dans le nord de l’Espagne. Normalement une sauce à l’oignon, au jambon cru et un bon vin blanc de Galice, principalement. Donc simple, bien que la sauce puisse être enrichie avec un peu de tomate et de paprika ou de safran. C’est un plat traditionnel, la recette « galicienne » peut varier en fonction de la région dans laquelle vous êtes.

L’excellent maquereau mariné aux légumes, un plat rafraîchissant parfait pour changer de registre.

De rares pétoncles noirs qui ressemblent a de petites coquilles Saint-Jacques, de couleur noire ou violacée.  Cru ou cuit comme ici, ce pétoncle noir est délicieux, très proche de la coquille Saint-Jacques, mais avec le parfum iodé de la praire ». Un bivalve rare qui trouvera sa place sur les meilleures tables, pour qui sait apprécier les mets originaux, simples et frais.

Ensuite un rouleau ou pain brioché aux crevettes blanches et émulsion de concombre mariné.  Une merveilleuse brioche moelleuse est garnie de crevettes, et elle est surmontée d'une mayonnaise préparée avec les saveurs infusées des têtes de crevettes. Ces têtes de crevettes sont également séchées pour faire une poussière concentrée.

De fraiches moules à la marinière légèrement épicées.

L’un des sommets de ce repas avec les Cigalitas à l'eau de Lourdes. Ces langoustines étaient originaires de Méditerranée, l'eau de Lourdes est un mélange de sel, d'huile, de vinaigre, de quelques agrumes (citron vert, citron, pamplemousse...). 

L’autre grand moment c’est avec l’incroyable l’omelette de Betanzos, baveuse comme il se doit ! La tortilla de Betanzos est un plat espagnol originaire de la commune galicienne de Betanzos. Ce plat est essentiellement une variété locale de tortilla de patatas ou d’omelette espagnole. À Betanzos, il se compose de pommes de terre, d’œufs, d’huile et de sel, ni plus ni moins, alors ne pensez même pas à déguster des oignons ou du chorizo dans cette délicatesse locale. La ville est devenue célèbre pour ses omelettes grâce à une femme locale, Angelita, qui les a toujours préparées sans oignons. Mais il y a plus car les œufs doivent être vraiment coulants (ce qui donne des omelettes vraiment juteuses), tandis que les pommes de terre locales de haute qualité doivent développer une couleur parfaitement dorée pendant le processus de friture. Je l’avais déjà mangée chez Besta mais ici elle est magnifiée par un fabuleux tartare de crevettes rouges, rehaussé à l'intérieur d'huile du même crustacé.

Le dessert n’est pas en reste avec un crémeux et presque coulant beau cheesecake à base de fromage galicien.

Superbe bouteille de vin blanc avec un Meridiano Perdido Vino Blanco Ecologico. Meridiano Perdido est ce qu’on appelle un vin d’herbe, un type classique de vin de xérès que certains producteurs récupèrent ces derniers temps et qui fait allusion aux vins à paître, c’est-à-dire au jour le jour. En général, ce sont des blancs d’albariza qui ne sont pas fortifiés et ne passent pas par des soleras ou des criaderas, bien qu’ils puissent être fermentés en bota et développer un voile de fleur, bien qu’ils soient plutôt des vins jeunes. Dans ce cas, nous sommes confrontés à l’un des vins de ce type qui donne plus à parler sur le marché, et est fabriqué par le vigneron Joaquín Gómez Beser dans la municipalité de Cadix de Trebujena.

Batea veut offrir le meilleur de la mer et de la Galice, sans oublier où il se trouve, Barcelone et la Méditerranée. Un projet qui semble bien démarrer au vu de la qualité de la prestation. Ce n'est pas seulement un endroit pour déjeuner ou dîner, mais aussi pour aller prendre un cocktail avec des huîtres, ou un petit plateau de fruits de mer, comme celui que nous avons partagé. Ils ont brillamment réussi à moderniser le concept d'une Marisqueria typique. Traditionnellement, les marisquerías sont assez chères, et le mot "cool" n'est peut-être pas précisément le mot que nous leur associerions. Les ingrédients ici sont de premier ordre, tout comme chez Besta, et le service est tout aussi exceptionnel.