Probablement
une des premières tables de cette année qui est un vrai coup de cœur et qui
illustre qu’Annecy est l’une des destinations où l’on trouve de magnifiques
restaurants. Situé dans un coin de ville un peu à l’écart, on n’arrive pas ici
par hasard car nous sommes dans un quartier résidentiel appelé quartier des
Romains. Bien entendu, pas de tourisme de passage et pas de clientèle arrivée en
ne regardant qu’au travers des fenêtres. On vient ici pour la bonne raison que
l’on sait que l’on va vivre une expérience plutôt assez unique.
Je ne sais pas si le terme de néobistrot plutôt à la mode est adapté ou non, mais toujours est-il que le concept est bien calqué sur les dernières tendances, à savoir aller à l’essentiel dans une assiette, pas de superflus, mais surtout des plats de saison avec surtout du produit local et de qualité. Donc attendez-vous à quelque chose de moderne, de plats élaborés avec une grande intelligence, de l’émotion et des dressages contemporains. J’entends par là, pas de chichis ou de découpes académiques genre école de cuisine dans les assiettes. Tout est beau, épuré, et presque zen.
Zen d’ailleurs comme le décor. Une salle assez dans un genre scandinave pour ce qui concerne le mobilier, la cuisine est ouverte permettant d’apprécier la vue sur les dressages. Il y a aussi quelque chose de presque familial et amical comme si l’on mangeait dans une grande pièce à vivre. En fait deux demi-salles, une première face au comptoir de la cuisine et la seconde le long des baies vitrées qui donnent sur la rue.
Table de bois clair, arrangement simple, c’est parfaitement dans l’esprit de ce qui va suivre.
C’est un duo qui mène la barque avec le chef Alban Chanteloup et le sommelier Aymeric Velluz qui me reconnait car auparavant il eut travaillé à l’Auberge de Lucinges, très jolie table récemment étoilée. Alban est passé au Clos des Sens de Laurent Petit et ensuite eut voyagé.
Ce soir est une soirée un peu particulière pour plusieurs raisons. Tout d’abord c’est la Saint Valentin et bien entendu le menu du soir est probablement adapté à la situation festive et ce-dernier inclut quelques ingrédients plus luxueux qu’à l’accoutumée, ce qui n’est pas forcément une obsession pour le chef. Menu en sept temps à 96 euros pour cette soirée spéciale.
La particularité de la cuisine de ce chef est exactement ce que je recherche, Le produit au centre de l’assiette, de l’harmonie pour les associations, de la saisonnalité, des cuissons précises et que je qualifierais de contemporaines, mais surtout l’élimination systématique du gras. Que l’on ne me dise pas « que le gras c’est la vie » car mettre du gras ne rend pas obligatoirement les plats meilleurs. Ici tout est parfaitement équilibré et en réalité vous ne constaterez même pas que les plats sont d’une incroyable légèreté mais aussi d’une grande gourmandise ! Par exemple les sauces seront de très belles concentrations qui mettront toutes les assiettes en valeur, Une cuisine instinctive liée aux produits des amis maraîchers locaux et qui change constamment.
Le pain
tranché au fur et à mesure est excellent, exposé sur une table étagère dans un
coin. Il s’agit de gros pains au levain appelé Aristide provenant de la
boulangerie du même nom. Pain de campagne au levain de seigle, farines de
blé T80 et T110 et de seigle complet du Moulin Marion, eau filtrée, sel de
Camargue.
Pour démarrer un superbe bricelet salé comme il y a longtemps que je n’en avais pas mangé un comme celui-ci, que l’on trouve parfois en Suisse ou en Haute-Savoie.
Dans une vaisselle choisie, soignée un moelleux oignon confit, caramélisé, avec une sauce à base de brocoli et de la moelle de bœuf. Principalement végétal et l’on se régale.
Premier vin espagnol vraiment magnifique, La Banda del Argilico 2022 de Ismael Gozalo. Cépage Verdejo, Vin blanc sans appellation d'origine élaboré par la cave Microbio Wines à Nieva (Ségovie) qui est un vin savoureux, volumineux et long. Il ressort pour son nez expressif et pour l’élégante touche saline en bouche qui le rend long et profond. C’est un vin austère et franc.
Un plat magique avec les tagliatelles de seiche associées a des filaments de céleri et du caviar osciètre sur le dessus. En règle générale, le caviar c’est vraiment rarement bien associé à certains plats et plus un prétexte pour faire grimper l’addition ou plaire à une certaine clientèle, mais la je dois dire que cela plat est mémorable.
Retour sur les produits de la mer avec un poisson qui est délicieux, rarement proposé, ici un merlu à la cuisson parfaite car encore nacré, de l’endive légèrement caramélisée et un et une sauce à base d’agrumes.
Toujours l’océan avec de remarquables noix de Saint Jacques juste poêlées, accompagnées de navet et de la très odoriférante truffe de Forcalquier râpée. Ici aussi le fond de sauce est puissant et délicat.
Second vin mais cette fois-ci rouge. Un vin de Marius Long d’un nouveau domaine créée en 2020 à Padern dans les Hautes Corbières. Petit nouveau de Padern, dans le Languedoc-Roussillon, dans le sud de la France, et évoque des vins naturels méditerranéens charmants et épicés sans conventions. Inspiré par de nombreux stages dans différents domaines viticoles et régions, le biologiste de formation est retourné chez lui à Padern et a commencé son projet Sense Pressa sur 3 hectares.
En plat principal une fondante cannette de Barbarie, chou chinois et fruits d’automne/hiver. Si je ne me trompe pas, c’est de la volaille de chez Mieral, qui est bien engraissée, une texture sublime, ce fond de sauce d’une incroyable saveur et ces petites purées de légumes hivernaux.
Puis on se laissera tenter par encore un autre vin rouge au verre, un Grâm par le Goût des autres d’Aurélie Fried et Antoine Mazurier de Felletin.
Pour le dessert, avant tout une mise en bouche dont je ne me rappelle malheureusement plus de quoi il s’agissait…peut-être une crème type crème brulée ?
Mais le dessert d’anthologie ici c’est leur tarte au chocolat cubain, réalisée avec le torréfacteur de chocolat Nicolas Berger qui a comme objectif de « mettre à disposition des chocolatiers, des chefs pâtissiers et des restaurateurs, des chocolats de couverture d’exception avec lesquels ils pourront exprimer toute leur créativité aussi unique que personnelle. ». Et je peux vous garantir que c’est probablement l’un de mes meilleurs desserts au chocolat de ma vie !
Un repas vraiment superbe avec ces assiettes gourmandes, ces associations toujours très justes, cet équilibre gustatif, ces cuissons précises et cette légèreté maitrisée. Aucuns superflus, que du bonheur dans ce repas !