mercredi 31 juillet 2019

Para el Mal de Amores, Barcelone


Cela sera bien la première fois que j’écris un billet sur une adresse qui a déjà disparu mais au vu de la prestation servie, mérite bien quelques mots et des photos. Le but étant tout d’abord de montrer ce qu’est « une réelle cuisine Mexicaine » ici à Barcelone, ensuite donner l’envie de connaitre « l’autre adresse », puis finalement d’encourager les propriétaires à rouvrir quelque part d’autre en ville.


A l’origine il s’agit d’un restaurant mexicain situé à Terrassa appelé « Mexterra » et qui d’ailleurs existe toujours, ce qui pourra vous donner l’envie d’y faire un déplacement. Un ami du chef et de sa femme ayant une arcade appelée « Domestico Market » sur l’avenue Diagonal plutôt dans le genre design, ameublement et objets de décoration à la vente, proposa à ce couple d’occuper l’arrière du magasin afin d’ouvrir un petit café avec de la restauration bien entendu mexicaine. Des préparations réalisées à Terrassa mais quotidiennement amenées à Barcelone, des plats finalisés et dressés donc sur place au dernier moment. L’arcade étant si j’ai bien compris en vente, ce couple a donc quitté celle-ci mais projettent d’éventuellement de rouvrir on l’espère quelque part d’autre. En attendant, eh bien cela sera donc « Mexterra ».


Si je tenais à rédiger ce billet c’est parce que c’est probablement la seule fois ou j’ai mangé une vraie et authentique cuisine mexicaine à Barcelone, réalisées selon les vraies recettes du pays, avec de très bons produits mexicains et surtout ces recettes ne sont que peu ou non trouvables ailleurs. Je dirais même que les yeux fermés, on pourrait se croire au Mexique chez « Para el Mal de Amores ».

La plupart des établissements en ville ne servent que de pâles copies, se focalisent sur le bon marché avec la plupart du temps de très médiocres tacos et des guacamoles sans aucune saveurs. De plus, on se méfiera également des pseudos mexicains qui sont plus des tex-mex qu’autre chose. Donc il ne reste pas grand-chose à part un « Hoja Santa » qui reste seul car son « Nino Viejo » lui a aussi disparu, mais attention, nous ne sommes pas tout de même dans la même gamme de prix et encore moins dans un contexte de cuisine classique.

Un petit coin de cuisine bien charmant à l’époque un peu trop éloigné de l’entrée ce qui peut-être posa un problème mais finalement à ce jour cela ne reste que secondaire. Un chef à l’écoute et qui connait sa cuisine sur les bouts des doigts, qui bien évidemment est Mexicain et dont les connaissances culinaires sont incontestables.


C’est dans un coin que l’on observera cette machine qui constamment mélange la margarita du jours qui se trouve être à base aujourd’hui de tamarin. Oui…les margaritas comme cocktails sont souvent nature, à savoir simplement à base de citron vert mais elles peuvent parfois être parfumées d’autres fruits ou ingrédients comme hibiscus et ici tamarin. Le verre est tout d’abord passé au tajin, mélange d’épices que l’on ajoute sur les bords. Le breuvage est parfaitement dosé, sans trop de sucre et bien acidulé.


Pour accompagner, quelques totopos accompagné d’une des ces fabuleuses sauces pimentées qui sont ici fraiches et bien entendu « maison ». Le totopo (et non nachos qui n’a rien avoir) est un produit à base de maïs plat, rond ou triangulaire, similaire à une tortilla grillée, frite ou cuite au four, qui peut être préparé avec de la masa de maïs nixtamalisée.


La carte avec en plus les plats du jour, c’est plutôt de la « street food » mais celle-ci est bien entendu complètement sublimée. Par exemple cet exemplaire et savoureux cochinita pibil avec du xnipec. Le pibil est une technique de cuisson consistant à emballer du porc (ou une autre viande) dans des feuilles de bananier, à le faire mariner à l'orange amère et à l'achiote - une sauce rouge douce, légèrement poivrée, à base de graines, une plante trouvée sous les tropiques.  Et cuire au four dans un puits pour barbecue creusé à la main pendant plusieurs heures. La viande devient tendre et feuilletée, avec une saveur de fumée subtile, et est généralement servie empilée dans des tortillas molles. Vous verrez souvent ce plat garni d'oignons roses marinés et de poivrons fraîchement grillés. Cette préparation populaire, que l'on retrouve sur les menus du Yucatan, est justement ce Cochinita Pibil comme ici, élaborée normalement à partir d'un cochon de lait entier fumé à la poêle. Probablement qu’ici, il s’agit d’épaule de porc effiloché, marinée et braisée dans cette pâte d’achiote, du jus d’orange et du citron vert. Idéal pour bien évidemment remplir des tacos ou enchiladas, mais le plat est servi avec des totopos. Servi également avec du xnipec, une salade aussi du Yucatan réalisées avec des piments habaneros, des tomates,oignons et un peu de jus d’orange.


Pour suivre des enchiladas en sauce verte comme rarement mangés et même au Mexique ! Plat très typique crée avec des tortillas que l’on remplit de blanc de poulet effiloché et épicés par exemple avec du cumin, un élément liquide comme du bouillon et de la crème, que l’on passe au four avec du fromage sur le dessus et accompagné ici d’une magnifique « salsa verde ». La sauce verte est acidulée et riche, réalisés avec des piments verts toastés que l’on laisse mijoter avec des tomatillos, des oignons, de l'ail, des jalapeños et des épices style cumin. Un peu de coriandre fraiche sur le dessus avec comme accompagnement des « frijoles » vraiment très bien cuisinés.  Il s’agit haricots noirs que l’on cuit longtemps avec par exemple des oignons, de l’ail, de la tomate, du cumin, de l’origan, du vinaire, etc.. La recette varie en fonction des régions.


Pour accompagner nous nous verrons proposés une sauce additionnelle pimentée, elle aussi « maison » dont je ne me rappelle plus le type de piment, éventuellement des Anchos.


Le chef voulant nous faire plaisir…nous offre quelques Chapulines…sauterelles frites mexicaines, croquants, avec une saveur de grillé et de levure presque semblable aux chips de pomme de terre. 


A cet instant nous aurons tellement apprécié cette délicate cuisine, d’une incroyable fraicheur et légère, que nous prendrons un plat additionnel, un excellent Aguachile. Entrée mexicaine de l’état de Sinaloa, simple, rafraîchissante et relevée consistant en un plat avec des crevettes, marinées dans du jus de citron vert, avec oignons rouges, concombre, coriandre et piments. La sauce traditionnelle qui va avec est basée sur des piments serrano et parfois aussi des piments piquin, alors ce plat est supposé être relevé ! Réalisé à l’instant, il sera accompagné de tortillas au maïs bleu et de tortillas frites.


Puis une fine tartelette au citron avec une base de galette, mousse citron et meringue.


Petite dégustation au comptoir de Tequilas et Mezcal dans la bonne humeur, un moment vraiment privilégié avec ce couple ravi de servir une cuisine originale et authentique.



Voila…l’histoire s’arrête malheureusement ici car probablement l’arcade va fermer mais comme je l’ai déjà mentionné, on a bon espoir que l’adresse ouvre à nouveau dans un autre quartier. En attendant…Terrassa. Je tenais à montrer ce qu’une fine et sérieuse cuisine Mexicaine se doit d’être car ce n’est qu’ici que j’ai retrouvé les réelles saveurs du pays. Espérons de pas attendre trop longtemps…pour une réouverture.

dimanche 28 juillet 2019

Capet, Barcelone


Retour chez l’un de mes chefs préférés, Armando de chez « Capet » qui à chaque fois nous surprend avec ses nouvelles assiettes. Au fil du temps, le lieu devient de plus en plus fréquenté et la carte est en constante mutation au fil des saisons. Je ne cesserai de répéter que l’essentiel dans l’assiette c’est le produit, surtout à Barcelone ou les établissements ne sont pas toujours très à cheval sur ces derniers. Mais chez « Capet », nous serons toujours ravis de découvrir ces justes combinaisons d’ingrédients, ces saveurs nettes, cette fausse simplicité car cela n’est pas donné que de sublimer un plat qu’avec souvent peu d’ingrédients. Quand je dis peu, cela signifie de ne pas encombre de diverses pointes de sauces, d’herbes inutiles ou de poudres absurdes…


Pour ceux qui ne seraient encore jamais venus, il y aura toujours un menu « dégustation » qui est annoncé sur l’ardoise murale ainsi que les suggestions du jour. On trouvera toujours quelques plats catalans bien classiques pour ceux qui le souhaitent mais ce sont les plats originaux qu’il faudra bien entendu cibler. 





En guise de bienvenue, un petit extra qui si je me rappelle bien est un frais salmorejo avec quelques morceaux de sardine fumée. D’entrée, c’est ce que j’appelle la « touche Armando » ; le respect des plats locaux, la fraicheur et les ingrédients de choix. On notera également l’ajout d’une petite sauce herbacée.


Ici, l’excellent pain provient d’un ami de Nuria en salle et d’Armando et qui leur est fourni quotidiennement.


Commençons tout d’abord par ce magnifique Ajo blanco aux noix, couteaux marinés, légumes vinaigrés et pralin. Au cas où…C’est une soupe d’origine andalouse qui se sert bien fraîche, super agréable quand il fait très chaud. D’apparence un peu crémeuse, elle résulte du mélange d’amandes, de pain, d’huile d’olive et d’ail, passés au blender, assaisonnés et allongés de vinaigre et d’eau. Mais ici tout d’abord la recette a été transformée car l’on utilise non pas des amandes mais des noix ! Pourquoi pas ! Une approche en deux temps… L’assiette arrive avec les morceaux de couteaux qui ont marinés dans le sel, le pralin, les légumes au vinaigre et une huile de ciboulette.


Puis l’on versera sur le dessus cet Ajo blanco directement à table. Ce qui est remarquable c’est ce jeux de textures car souvent c’est plutôt de la sardine ou maquereau qui sont ajoutés el le couteau amène quelque chose d’encore plus plaisant en bouche. En suite la combinaison de la douceur de cette crème froide, la fine acidité des légumes pour un coup de fouet en bouche, la saveur de la noisette qui arrondit le tout. Comme quoi la créativité culinaire un classique espagnol est sans limites.


Superbe assiette tout d’abord très visuelle pour ce maquereau avec un escabèche de piment jaune Aji, petits maïs, avocats, oignons fane et œufs de truite. Beaucoup de fraicheur en bouche pour ce plat qui lorgne un peu vers une adaptation d’un ceviche. Je dis cela en raison de l’utilisation de ce piment péruvien en sauce au-dessous (on se rappellera qu’Armando vient d’un pays proche), le poisson découpé en fines tranches, mais le résulta n’est pas si proche. Pas d’acidité comme dans le ceviche mais plutôt beaucoup de rondeur en bouche avec le côté herbacé du jus et une fine astringence avec les œufs. Oignon, coriandre fraiche et avocat sont aussi des rappels des classiques plats sud-américains. Attention, aucunement un plat « fusion » et une belle création du chef.


Nous poursuivons avec une délicieuse salade de figues et anchois. C’est la aussi que lorsque l’on y pense bien, associer ces deux éléments n’est pas très commun mais le résultat absolument idéal. Le poisson en filet frais, le goût doux du fruit, mais on n’en restera pas là ! Les feuilles de menthe et les pignons grillés subliment cette assiette. Un petit côté presque moyen-oriental, ce genre de saveurs que l’on peut trouver dans les cuisines du Levant. Et un peu de salade frisée pour la mâche.



Un plat un peu plus roboratif avec ce rouleau de chou farci à la tête de porc croustillante, mayonnaise chipotle et coriandre. Chou encore légèrement croquant, la texture de la farce est fine et aucunement gélatineuse, un demi-glacé comme sauce avec des saveurs bien intenses de fond de viande. Je serai moins convaincu par cette mayonnaise qui ne fait qu’ajouter du gras à l’assiette. Question de goût.


Un des plats de résistance comme l’on dit avec le ris de veau à la braise, endives pourpres aigres-douces, concombres, moutarde aux herbes. Une belle pomme de ris bien caramélisée, l’endive pour une fine amertume qui balance bien avec le côté acidulé du fond de sauce.


Puis comment ne pas résister avec ce cochon de lait avec son chutney de cerises. Plat à la base plutôt andalou et finalement tellement peu fréquent à Barcelone, avec sa peau croustillante et sa chaire fondante en bouche. Le chutney gagnerait en saveur s’il avait été un peu plus acidulé car le goût de l’oignon est un peu trop présent. Je ne sais pas si l’on trouve des griottes en Catalogne mais cela serait vraiment la cerise idéale pour ce plat. Un autre gouteux fond de sauce,  agrémenté de ces petits oignons qu’Armando ajoute fréquemment avec beaucoup de justesse.



Nuria toujours très présente et bonne conseillère en vin nous recommanda un Merula 12 Vi del Terrer de Sapera, vin rouge cépage Merlot avec des arômes puissants, des épices, du chocolat et confit.


Ne prenant pas de dessert, cela sera un vin doux, un Dolc d’Edetaria 2012, a base de grenache et syrah de Terra Alta, d’une grande intensité et complexité aromatique, des notes de prunes noires, de confitures de figues, de cerises à la liqueur, des touches épicées et grillées. 


Venir chez Armando et Nuria reste toujours un moment assez unique à Barcelone et l’on en sort toujours complètement séduit par tant de passion et de motivation dans la cuisine, le choix des produits et des recettes, la manière de faire plaisir au client. L’adresse incontournable.


mercredi 24 juillet 2019

La Tanda, Barcelone


Rares sont mes coups de cœur pour les nouveaux établissements se ressemblant un peu trop les uns aux autres dans l’offre gastronomique mais lorsque l’on découvre une adresse comme celle-ci, on se réjouit déjà de la prochaine visite. Adresse qui se trouve dans le quartier de Poblenou et ouverte ce mois de mars, avec un propriétaire au nom de Llorenc Roca qui semble avoir un lien avec l’établissement de la même rue, « El Menjador de la Beckett » et en cuisine, un ancien « Alkimia » de Jordi Vila, au nom de Miquel Carrasco. Une ouverture sans trop de tapage sur la toile et qui ravira celles et ceux à la recherche d’un lieu des plus convivial, d’une cuisine de marché absolument parfaite, sans ingrédients superflus ou d’influences « à la mode ». Tout ce que l’on demande lorsque l’on voit les innombrables adresses qui ouvrent puis qui ferment… proposant les mêmes plats sur la carte.


Petite rue non loin de la Rambla, devanture signalée avec des stores noirs, un peu de promotion sur une ardoise afin de plus ou moins expliquer ce que l’on trouvera à « La Tanda » et la volonté d’entrée de vouloir présenter quelques produits à l’extérieur comme dans un magasin de fruits et légumes.


Une très jolie salle un peu genre taverne avec une décoration de fort bon goût et quelques attentions comme des fleurs sur le comptoir, un éclairage plutôt doux, des tableaux, un côté rustique contemporain avec une unité au niveau des tons utilisant le rouge à bon escient.





On appréciera ces tables rustiques en bois, cette vaisselle disparate de plus en plus à la mode, le côté esthétique du dressage de ces tables.




En consultant la carte qui tient sur une page et les ardoises murales qui énoncent les plats additionnels du jour,  on s’aperçoit que l’on trouve un certain nombre de classiques mais il s’agit d’une cuisine qui revient à l’essentiel, celle du produit au centre de l’assiette, de saison et qui ne masque pas les saveurs par trop de complexité. Un retour un peu aux sources de la cuisine Catalane réalisé de manière très pertinente avec un certain nombre d’idées.


Par exemple cette excellente salade russe assez délicate et faite « maison » avec en plus de l’habituel des crevettes fraiches décortiquées, des câpres de qualité et de l’œuf haché sur le dessus.



Ou alors cet impressionnant tataki non pas de poisson mais de veau et poivrons. La viande très tendre est découpée en lamelles d’une belle épaisseur, juste saisie quelques instants sur les côtés et déposée sur un tapis de poivrons rouges avec un peu d’huile d’olive et des flocons de sel. Comme je le disais, simple en apparence, mais de la qualité !


De superbes « canyuts » en Catalan ou ce que l’on peu aussi appeler petits couteaux du Delta, nettement supérieurs aux couteaux traditionnels. Bien entendu rares, de ce Delta de l’Ebre, beaucoup plus fins en bouche car nettement moins caoutchouteux, ils seront servis comme il se doit, cuits à la plancha avec un peu de zestes de citron vert sur le dessus.


De très belles Saint Jacques avec du jambon et de la tomate. Parfaitement cuites, lustrées, un très bon jambon au centre et un peu de tomate confite. Jubilatoire car les produits sont excellents, la cuisson idéale.



On ne pourra pas manquer de prendre ces impeccables ris de veau aux câpres et Parmentier. Le ris est braisé de manière exceptionnelle car vraiment croustillant a l’extérieur et moelleux en son centre. La sauce est concentrée et n’est pas comme souvent un beurre indigeste à peine travaillé, quelques câpres et le tout sur un très bon écrasé de pommes de terre. Je me demande si ce n’est pas le meilleur ris de veau que j’aie mangé en ville.                                                              



Le gâteau au fromage est une merveille dans son genre, cuit mais pas trop ressemblant à ce que l’on pourrait trouver dans d’autres établissements lorgnant vers les recettes du pays basque. Crémeux et gourmand.


Un choix de vins actuels avec un certain nombre de vins naturels. Nous choisirons un Demontre La Gutina Vins i paisatge. Un vin travaillé avec des méthodes écologiques, une intervention minimale dans les vignes et aucune intervention dans la cave où ils fabriquent leurs vins de manière artisanale. Vin rouge, cépages Grenache noir et Carignan.


Une nouvelle adresse qui sort du lot et qui a compris que pour rejoindre le top de la restauration à Barcelone, il faut arrêter de proposer cette inutile et lassante cuisine « fusion » qui n’a aucun sens mais revenir aux valeurs des choses, les produits, les simplifications dans les assiettes sans ajout d’ingrédients superflus, les techniques pointues de cuisson, la saisonnalité. Celle et ceux qui apprécient les établissements tels que Gresca, Agreste, Capet, Nairod, Monocrom et autres tables axées sur le choix du produit, seront probablement ravis de trouver une nouvelle adresse aussi sympathique dans Poble Nou.