samedi 31 mai 2014

Konstantin Filippou, Vienne



Il y a à peu près une année de cela que j’avais fait une très belle découverte en allant diner chez le tout nouveau restaurant de Konstantin Filippou. J’en étais ressorti totalement éblouis par sa cuisine si inventive mais en même temps rationnelle et toujours à la recherche de l’équilibre parfait des saveurs, textures avec un visuel éblouissant. Une table à l’époque pas encore connue et de retour à Vienne, je me réjouissais de pouvoir revivre ce moment.

Konstantin Filippou est ce que j’appelle un personnage vraiment atypique et c’est bien pour cela que l’on ne peut être qu’intrigué lorsque l’on va pour la première fois chez lui. Avec son apparence presque d’un acteur de « Game of Thrones », c’est selon moi l’un des très grands cuisiniers en 2014. Quelqu’un qui a des idées bien précises sur ce que la cuisine doit-être, quelqu’un qui ne risque de ne pas faire de concessions, intègre et qui mènera ses projets jusqu’au bout. 

Autrichien mais aussi Grecque, il vous fera faire un voyage culinaire pendant quelque heures ; un moment que je classifierai dans les plus belles découvertes de ces dernières années. Son cursus est plutôt varié et riche avec de très belles références comme évidemment Steirereck ici à Vienne mais aussi Arzak à San Sebastian et Gordon Ramsay à Londres. Filippou a un sacré bagage derrière lui expliquant probablement aussi son énorme talent.

C’est au coin d’une rue que se trouve sa table et depuis l’extérieure on n’est pas trop sur d’ailleurs de savoir si l’on est arrivé au bon endroit. Quelques photophores sur le trottoir signalement néanmoins qu’il doit y a voir quelque chose… 


L’intérieur comme la première fois me séduit énormément car le style est vraiment harmonieux avec des couleurs exclusivement grises et noires. 




Une atmosphère presque cléricale avec un côté minimaliste très réussi.  


Un hall de réception ou vous serrez accueilli par l’un des membres du personnel tous habillés de noir et quelques instants après vous serez installés dans la salle en longueur au bout de laquelle se trouve  une place de dressage des assiettes et où l’on peut aussi manger en couple. 



Sur un côté les cuisines avec quelques fenêtres où l’on peut observer l’équipe en cuisine.



Dans la salle principale, de simples  tables de bois avec le basique… set de table, couverts, verres et serviettes. Rien de superflu, juste ce qu’il faut pour diner…

Le concept du service est plutôt surprenant et original car c’est tour à tour que les cuisiniers arriveront en salle tous habillés de noir avec leurs toques afin de présenter et finir le dressage des assiettes soit sur le plan en fond de salle soit devant vous.  Cela « casse » un peu le côté traditionnel où généralement la cuisine envoie en salle les assiettes servies par le personnel de salle. Je trouve cela vraiment épatant !    

Avant même de regarder la carte voilà un des cuisiniers qui vous amène des amuses bouches sur la table. Le ton est tout de suite donné avec un ingrédient commun aux trois bouchées ; les œufs de poisson qui mettent en éveil vos papilles gustatives. Une approche presqu’un peu osée mais vraiment juste.

Trois petites bouchées avec une explosive et gourmande brandade de morue couverte d’un espuma au safran et du caviar d’omble. La légèreté de cette purée de pommes de terre avec les côtés épicés et les œufs au goût très marqués vous surprennent magnifiquement. 



Une feuille d’endive avec des œufs de truite, de l’olive râpée amène à nouveau un goût marin mais cette-fois avec une touche croquante.


Un chips de seiche qui contient un tartare de dorade et surhaussé d’un autre caviar de poisson complète ce tableau avec d’autres saveurs marines.


Trois présentations soignées avec des éléments variés tel que planche ou boule de bois et assiette creuse bombée. La  vaisselle a toujours été à mon souvenir une composante importante  de chaque met.

Les menus nous sont présentés, le 1 et 2. Deux menus qui chacun proposent 4 ou 6 plats et que l’on peut éventuellement changer selon les possibilités. Nous retiendrons donc le menu 2 à 6 plats à 91 euros avec deux changements afin d’apprécier plus de plats.

Cela commence avec un parfait de foie de canard, poire, porto, cerfeuil et caille. Je me rappelais d’avoir eu une entrée la première fois dans les mêmes idées et me rappelais de cette incroyable association de purée de poire au milieu du foie. La présentation a changé avec un rouleau qui ressemble à un cigare farci du parfait et en sons centre la poire. Sur les côtés les cuisses de cailles poêlés, un fond de sauce  et je crois un dôme à base de porto. Une entrée délicieuse selon l’autre convive.


J’ai choisi le « corned beef », concombres vinaigrés, huitre, algues et caviar. Une présentation vraiment magnifique avec une fine tranche de bœuf dans laquelle se trouve ce « corned beef » qui semble être une sorte de tartare assaisonné, l’huitre Gillardeau qui avec son goût de noisette équilibre parfaitement la viande, les diverses tranches de légume très légèrement vinaigrés pour apporter une pointe d’acidité et la gelée d’algue pour amplifier le côté marin. Un plat qui équilibre intelligemment les ingrédients terre-mer.


Plat suivant, les escargots, livèche, betterave, cœurs de poulets. Pour moi c’est typiquement le genre de plats que Konstantin réussit à merveille avec une association d’élément un peu étranges sur le papier mais qui se traduit  par quelque chose d’exceptionnel. Visuellement dans cette assiette noire, le plat est vraiment mis en valeur. Une couronne où l’on alterne les escargots moelleux, les morceaux de betterave fondante, les étonnants cœurs de poulet plutôt fins en bouche, des peaux de poulet comme des chips sur le dessus, un petit cône d’une préparation hachés des cœurs surmontée de moelle et au centre une sauce onctueuse, très parfumée à la livèche. Tout se marie parfaitement, c’est gourmand et on en reprendrait…


Nous continuons avec de la langue d’agneau, fromage de chèvre, artichauts et olive. Je n’ai pas gouté ce plat provenant du menu 1 mais j’ai compris que c’était tout aussi prodigieux qu’auparavant.


Je n’ai pas pu résister avec les ris de veau, oignon rôti, Tarragone et chicorée. Un plat haut en couleur avec ces riz parfumés et décorés de truffe noire, cet oignon central caramélisé, ce fond de sauce que l’on aimerait finir avec un morceau de pain… Sur les côtés quelque feuilles très parfumées et la chicorée. Un repère de saveur plus classique, complètement revisité, même léger et d’une très grande gourmandise.


Le plat suivant est dans son apparence impressionnant ;  déjà par l’assiette qui nous est présentée presque semblable à un détail d’un tableau de Gustav Klimt mais aussi la justesse de la cuisson du crustacé. Une langoustine recouverte une fine lamelle de poitrine de porc, quelques lamelles de chou-fleur, du quinoa séché et une onctueuse sauce à base d’oursin. 


En plat principal, le pigeon, chou rouge, salsifis noir et cèleri. Je suis totalement bluffé par la cuisson rosée mais aussi la découpe qui permet de déposer sur le dessus des monticules purée de chou, les cuisines confites, le salsifis élégamment entouré de panure et frit, ce fond de sauce réalisé à merveille. C’est un magnifique plat avec des saveurs classiques mais qui est repensé avec des cuissons parfaites et des saveurs bien marquées.
   
            
Pour terminer un dessert qui m’impressionnera tout autant car peu sucré et avec des saveurs qui ne m’auraient pas vraiment interpellées si j’avais du imaginer devoir en faire quelque chose… Fromage blanc, cassis, réglisse et olive. Une association de compote chaude de cassis, d’une crème glacée à la réglisse et d’une sphère réalisée avec de l’olive noire dans laquelle se trouve une préparation de fromage blanc travaillée. Sur le dessus un anneau croquant également réalisé avec la baie. Je resterai impressionné par l’équilibre en bouche entre réglisse et cassis qui sur le papier poudrait vraiment surprendre.



Il existe des « wine pairing » avec les menus mais comme ceux-ci propose des vins de plusieurs pays nous avons préféré nous  concentrer sur un excellent vin autrichien, un Zweigelt Russenacker 2011 du domaine Andert.  Un vin avec des arômes de mures et cassis, un peu confit au nez et un avec un léger côté acide dans le palais, parfait pour accompagner ce repas.


Un repas à nouveau exceptionnel, plein d’idées et qui arrive à démontrer que l’on peut révolutionner une cuisine en préservant les saveurs traditionnelles en les retravaillant sans tomber dans les exploits parfois un peu trop exagérés du « technico émotionnel ».  Que des saveurs essentielles, des harmonies gustatives et des plats avec un très beau visuel.

Nous avons eu la chance d’échanger quelques idées avec Konstantin Filippou en fin de repas qui nous a confirmé que nous avons un très grand cuisinier. Quelqu’un avec beaucoup de tempérament, des idées bien précises, une connaissance parfaite des tendances actuelles en Espagne-Scandinavie et surtout quelqu’un avec beaucoup de sensibilité. Un très beau et mémorable repas.


vendredi 30 mai 2014

Figlmüller, Vienne



Une fois atterri et arrivé dans le hall d’arrivée de l’aéroport de Vienne, la première chose que vous allez voire en attendant votre bagage, c’est un « Wienerschnitzel »…. Un panneau publicitaire de dizaines de mètres illuminé vantant les mérites de « Figlmüller », le temple du schnitzel dans la ville !


Clairement, la première chose à dévorer en Autriche en arrivant, c’est un « Wienerschnitzel » car haut et fort, je peux clamer qu’il n’y a nul endroit ailleurs où il est aussi bon. Souvent servis en Suisse, en Allemagne et même ailleurs, cela restera toujours une pâle copie.

Il y a bon, très bon….et mauvais « Wienerschnitzel ». Ce que j’appelle le vrai, c’est d’abord du veau et non du porc. D’ailleurs sauf erreur, seul celui réalisé avec du veau a droit à l’appellation. Un veau qui doit être tendre, que la croute de chapelure soit fine, croustillante et « détachée » de la viande.

Mais le plus important, c’est que celle-ci soit cuite dans une poêle et non une friteuse comme dans beaucoup d’endroits. Ensuite, malgré que l’on puisse contester la santé de cet ingrédient… c’est au beurre clarifié qu’il doit être préparé car seulement comme cela il a ce goût parfait.  

Donc nous voilà parti pour ce célèbre « Figlmüller » en plein centre et tout prêt de la cathédrale Saint-Étienne (Stephansdom en allemand…je ne sais pourquoi Stephan devient Etienne..). En fait, il y a deux établissement a quelques dizaines de mètres l’un de l’autre. Celui dans le passage plus ancien semble avoir plus de charme mais est évidement souvent complet. Soit vous attendez, soit vous allez à « l’annexe » juste à côté. Le premier étant complet sur internet, j’avais réservé au second.

Un bâtiment avec les murs jaunes et un joli intérieur probablement assez récent mais bien décoré avec des bouteilles  et boiseries pour respecter le côté traditionnel et gourmet viennois.






Une fois assis, cela sera une bière locale Ottakringer tout à fait plaisante.


Ici comme vous le comprendrez, on vient y manger le schnitzel mais il y a évidemment d’autres spécialités viennoises à la carte. Première observation, lorsque vous voyez sur le menu le « Figlmüller  Schnitzel», il s’agit de porc et évidement est moins cher que le  « Wienerschnitzel ». Donc à vous de faire votre choix…

Une fois notre « Wienerschnitzel » servi, il arrive en deux tranches au lieu d’une plus grande pour le porc. Sans aucun doute c’est un bon schnitzel mais probablement pas le meilleur que j’aie mangé. La viande est tendre, la panure est fine mais le goût n’y est pas. Il est cuit dans l’huile et rien ne remplacera le beurre  pour ce plat.


Là où c’est la grosse déception, c’est avec ce mélange de salade de pommes de terre et de salade composée. Une assiette ou se mélangent des pommes de terre dans une sauce beaucoup trop sucrée avec de la mâche sur laquelle a été ajouté du vinaigre balsamique… Je ne sais combien de salades de pommes de terre viennoises/autrichienne/allemande (assez semblables) j’ai du manger, mais celle-là est loin d’être un modèle du genre.


Certes l’endroit est plaisant bien que hyper touristique. Je n’ai pas vu beaucoup de personne parler allemand aux tables. On dira que le « Wienerschnitzel » est bon… mais lorsque je suis à Vienne, je ne « veux » que du très bon ou de l’exceptionnel… Celui de chez "Vestibuel" en fait partie.