lundi 28 décembre 2015

Russ & Daughters Cafe, New-York



Remarquable ville que New-York pour sa diversité culturelle et gastronomique. Ne pas passer d’un style de cuisine à un autre serait vraiment dommage et ne pas découvrir des cuisines presque introuvables ailleurs serait presque un crime de lèse-majesté… Aujourd’hui c’est une cuisine probablement mal connue en dehors de la grosse pomme, celle que l’on pourrait qualifier de juive Ashkenaze, celle d’Europe centrale, Alsace, Allemagne de l'ouest et du sud. C'est une cuisine de pays froids, nourrissante, à base de produits simples et que l'on peut trouver en toutes saisons : pommes-de-terre, oignons, choux et betteraves, poissons farcis, ragoût de bœuf, poulet.

C’est donc chez « Russ & Daughters » que nous nous sommes rendus aujourd’hui pour déjeuner. A l’origine un traiteur ouvert en 1914 et qui existe encore au 179 East Houston St dans le Lowe East side où vous pourrez acheter des produits comme dans une épicerie, mais là c’est au restaurant qu’il faudra vous rendre au 127 Orchard St non loin de l’épicerie.



A l’origine un immigrant juif polonais au nom de Joel Russ qui arriva à Manhattan en 1905 et qui ouvrit cette épicerie où l’on pouvait trouver des harengs en tonneau et autres produits de la mer. Aujourd’hui toujours en activité cette épicerie mérite une visite après votre repas à l’autre adresse.

En fait le restaurant ne semblerait avoir été ouvert qu’en mai 2014, plus d’un siècle après le succès de son épicerie. Un lieu absolument fantastique que le tout New-York souhaite visiter ; probablement un peu un côté mode mais indéniablement cet endroit est une vraie réussite. On ne peut pas réserver et il est recommandé de venir y déjeuner tôt en espérant avoir une table dans les prochaines 45 minutes. Que cela ne tienne, le quartier est un joyau d’architecture et une balade ne sera pas du temps perdu.


On y trouvera donc les produits de l’épicerie mais évidemment servis à votre table. Les divers harengs, les saumons et l’esturgeon tant appréciés de la clientèle.  Si vous êtes allés à l’épicerie au préalable, vous comprendrez que le décor intérieur que j’ai trouvé magnifique est inspiré de l’épicerie. Tout le long des murs, des alcôves avec le nom des produits en gros caractères noirs avec un éclairage derrière, une structure en même temps moderne mais aussi un peu art déco avec ces demis-angles muraux, les tables comme dans un « Diner », le bar blanc et métal. Tout est décoré méticuleusement, la clientèle plutôt branchée apprécie comme nous d’ailleurs ce lieu presque en même temps moderne et d’un autre temps. Un peu difficile de qualifier l’ambiance mais il y a quelque chose de vraiment magique ici. Peut-être le côté de l’histoire juive new-yorkaise qui a été transformée en un lieu actuel et design.






Si vous observez avec plus de détail ces alcôves au-dessus de chaque table vous apprendrez probablement un peu de cette cuisine juive avec des termes probablement peu connus des européens comme « gaspenova » qui qualifie l’origine d’un saumon, «  kapchunkas » qui sont des poissons non éviscérés conservés dans le sel et qui sèchent, considérés comme une délicatesse, ou encore « Schmaltz Herring » un terme yiddish qui signifie que le hareng a été péché juste avant de pondre des œufs car ils sont plus gros et gras ; généralement ceux-ci sont conservés en saumure. En dessous une série d’impressionnantes photos noires et blanches du début du siècle.




La possibilité de manger le long du bar si vous le souhaitez mais le fond de salle nous a semblé plus agréable que l’on atteint en passant tout d’abord devant la vitrine des poissons qui seront servis et ensuite la cuisine ouverte qui donne sur cette salle.




Vous y trouverez un ensemble de banquettes comme dans un « Diner » avec des tables de marbres au centre. Ce fond de salle est vraiment beau avec un côté presqu’un peu marin lorsque l’on regarde l’enfilade des tables, ces couleurs blanches, bleues et le coté métallique.




Comme boisson, je vous suggère de faire votre repas avec l’un des « Bloody Mary » car je ne me rappelle pas d’en avoir vu de meilleurs. Il se déclinent d’ailleurs en quatre version différentes, les unes plus excitantes que les autres. Celui a la vodka infusée au fenugrec et cèleri est un pur délice.


L’autre à la vodka infusée au poivre fumé et complété par du sel fumé est encore plus bouleversant en saveur et accompagnera parfaitement ce repas.


La carte est en fait votre napperon en papier et le choix sera cornélien. Une série de « Noshes » qui peuvent être considérés comme étant des snacks ou repas léger. Des « Boards » planches avec diverses sortes de sandwichs et bagels. Du caviar si cela vous tente. Soupes, salades, plateaux à partager, divers harengs er des œufs sous toutes leurs formes.

Cela sera donc un partage de différents plats comme tout d’abord le Foie haché aux oignons souvent aussi appelé « gehackte leber ». Au XIXème siècle, cette recette était au départ réalisée lorsque l'on recevait une poule ou une oie avec son foie et sa graisse de manière à utiliser tous les abats c'était des repas très festifs, les volailles coûtaient à l'époque bien plus cher que le bœuf. Ici il s’agit de foie de poulet haché avec des œufs durs, des oignons et monté avec la graisse de ce poulet. Servi avec des « matzo », le pain azyme qui est un pain non levé, constitué d'eau et de farine.  Cette farine, dans la cuisine juive rituelle, est élaborée avec un blé protégé de toute humidité ; on l'appelle alors « farine de matza ». La pâte ne doit absolument pas lever et, pour ce faire, doit être pétrie pendant moins de 18 minutes puis mise au four immédiatement. Sur le côté des oignons rouges vinaigrés. Une réalisation parfaite de ce plat.




Nous prendrons le plateau de harengs car il s’agit de l’assortiment complet de ce qui se vend à l’épicerie. Chacun aura sa spécificité avec le « Schmaltz » décrit plus haut, le « Pickled » au vinaigre, un plus nature et le « rollmops » mariné dans une sauce contenant de l'eau, du vinaigre blanc, du sel, un peu de sucre. En accompagnement des oignons blancs au vinaigre, du pain pumpernickel, ainsi que trois sauces crémeuses et douces que l’on retrouve également en Suède, une à base de crème, une seconde de curry et la troisième aux échalotes. Simplement magnifique !




Pour continuer, de fabuleux « Latkes » traditionnellement servie pour la fête de Hanoucca, qui sont des galettes de pommes-de-terre et d'oignon très proche de ce que l’on appelle « röstis » en Suisse, servi comme il se doit avec de œufs de saumon sauvage et de la crème fraiche acidulée. Absolument délicieux.



Et ensuite une salade composée avec du poisson blanc fumé, de l’avocat, des œufs, des betteraves, des pommes, des morceaux de pain « matzo » et une sauce au babeurre. Une salade d’une très grande fraicheur, légère, dans laquelle nous trouverons également de l’aneth et même de la roquette.



Si je ne me trompe pas, il s’agit d’un lieu non « kosher » mais il semblerait que prochainement soit ouvert un second établissement au musée juif qui lui le sera. Toujours est-il que ce lieu est vraiment superbe avec cette sélection de produits de qualité, ses recettes séculaires et l’ambiance qui y règne. Une expérience culinaire magnifique à vivre et revivre…

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