Choisir une
table à Rome reste plus qu’un défi lorsque l’on compte le nombre de trattorias
ou d’osterias. Si l’on reste dans un registre classique et non de cuisine
moderne, quoique cela soit plutôt rare en Italie, il n’est pas évident de
trouver l’endroit idéal car souvent tout le monde trouve « bon » le
premier établissement qui sert des pâtes correctes. Je caricature un peu mais
ce sont les faits. Grace à un cercle d’amis tous unanimes, me voici parti à la
découverte de « Roscioli » dans le quartier de Campo de Fiori. Selon
la description, plutôt une épicerie spécialisée dans les charcuteries, fromages
et vins. Un peu méfiant, je m’attends à un établissement plutôt style « bar
à tapas » comme en Espagne et non pas à vivre probablement l’une de mes
plus belles expériences culinaires italiennes.
Tout d’abord
soyez sûr d’avoir une réservation car sans celle-ci, aucune chance de trouver
une table. Ce sont par dizaines que j’ai des gens être aimablement refoulés.
Soit à faire par internet, par téléphone ou encore venir quelques jours à l’avance.
Sachez que l’attribution des tables se fait en fonction de la séquence de ces
réservations. Plus celle-ci est tardive, plus vous vous trouverez « vers l’entrée »
et prêt du passage, ce qui n’est pas réellement un problème en soit.
L’entrée de
« Roscioli » où se trouve un certain nombre de personnes qui
attendent ressemblerait plus à un commerce qu’un restaurant et justement, à la
base il s’agit d’une épicerie de produits fins.
Une fois à
l’intérieur vous serez plutôt surpris de constater qu’il s’agit effectivement d’un
magasin mais qui a été transformé en restaurant. A gauche les vitrines
réfrigérées, à droite un mur de bouteilles à la vente et le passage au centre
converti en salle à manger. En fait plutôt un passage où l’on a ajouté des
tables pour la soirée.
Comme je l’expliquais,
si votre réservation est tardive, il y a de fortes chances que cela soit dans
ce passage que vous vous trouverez et l’accueil se trouvant dans celui-ci, vous
aurez un certain va et vient de personnes sans réservations. Cela ne nous a pas
réellement gêné.
Vous aurez
finalement la chance de soit pouvoir avoir une vue sur la sélection de
bouteilles, soit d’apprécier l’incroyable sélection de fromages, charcuteries,
préparations et conserves derrière les fenêtres réfrigérées.
Ce qui est
le plus surprenant également c’est de s’apercevoir que les sélections de
produits ne sont pas qu’Italiens mais aussi Espagnols ! Je ne me serais
jamais imaginé il y a une dizaine d’années de trouver alignés des jambons de
Parme à côté de Bellota ou autres jambons crus. Idem lorsque l’on voit une
série de boite d’anchois cantabrique de chez Nardin qui sont surement parmi les
meilleurs au monde. Ici c’est la qualité avant tout et l’on n’est pas focalisé
seulement sur les produits de la botte.
Tables le
long de ces vitrines avec comme seule décoration les produits, des boites de
conserves, des flacons et une collection de pâtes. Vous êtes carrément encerclé
par de la nourriture !
Pour les
réservations prises probablement très à l’avance, le fond du commerce propose
soit de manger au bar soit une autre série de tables plus à l’écart du passage.
En attendant
de recevoir la carte, nous avons pris le temps d’apprécier la vaste gamme de
fromage italiens qui sont vendus la journée car en dehors des heures de repas, il
s’agit d’un commerce et les tables du couloir d’entrée sont supprimées.
Avant même
que de recevoir la carte, nous voici apportés une corbeille de pain et pas n’importe
quels pains ! « Roscioli »
c’est une épicerie fine mais aussi dans la rue perpendiculaire une fabuleuse
boulangerie-pâtisserie et encore un peu plus loin un café pour le matin.
Probablement une demi-douzaine de pain aux textures différentes telle que
focaccia, pain aux figues, aux céréales, etc… Tous plus appétissants les uns
que les autres.
La carte
est absolument somptueuse car il ne s’agit pas seulement que des produits
vendus à la découpe et servis sur assiettes, mais aussi une très belle
sélection de plats cuisinés comme dans tout établissement prétendant être un
restaurant. Donc des entrées, des plats principaux et des desserts. A noter que
l’on trouvera également des assiettes plutôt espagnoles en ce qui concerne les
charcuteries mais ce n’est pas pour cela que nous sommes venus. Une partie
plutôt froide avec charcuteries et fromages, une section poissons, les pâtes,
viandes et desserts. Tout peut évidemment se partager.
Première
découverte avec quelque chose que je n’avais eu la chance d’apprécier auparavant
et qui restera à tout jamais un souvenir dans ma mémoire, la Burrata des Pouilles
avec des tomates cerise séchées, poivre noir de Malaisie. La burrata qui n’est
pas vraiment une mozzarella et est un fromage incroyablement onctueux. Si
traditionnellement, la burrata est une boule de fromage garnie de crème, à base
de lait de bufflonne, souvent on la retrouve proposée en grande distribution,
au lait de vache, parce que moins coûteux à la production. Originaire de la
région des Pouilles comme ici, elle est née de la volonté d’un fromager de ne pas
gaspiller une mozzarella de la veille. Il a imaginé pour cela de la farcir de
crème et de restes de mozzarella effilochée avant de la fermer d’un nœud.
Depuis les boules de mozzarella continuent d’être farcies manuellement au cœur,
du duo crème et mozzarella effilochés, ce qui explique entre autres son prix
élevé. Ici les tomates sont tout aussi exceptionnelles car sucrées, moelleuses
et pas trop huileuses. L’association de ces deux produits exceptionnels en font
une entrée totalement jubilatoire.
Autre
entrée appelée fromage frais des Pouilles en morceaux avec des courgettes à la
mode « scapece » de la poutargue de mulet et de l’huile d’olive à la
menthe. Plutôt très ressemblant à la burrata mais peut-être encore plus crémeux
mais ici servi avec une excellente garniture de courgettes tièdes préparées à
la mode napolitaine. Sautées en rondelles dans de l’huile, de l’ail, un peu de
vinaigre et de la menthe fraiche. Le fromage est recouvert de poutargue (aussi
appelée boutargue et en italien « botargo ») est une spécialité des
pays méditerranéens. La poche d'œuf de poisson, le plus souvent de mulet (muge)
comme ici et parfois de thon, est salée et séchée pour donner une spécialité
rare, luxueuse et unique au niveau gustatif. On appelle aussi ce produit le
caviar de la Méditerranée. A nouveau l’association de tous ces éléments est
absolument divin.
Pour un
premier repas romain, comment ne pas prendre les célèbres « Cacio e pepe »,
pâtes fraiches avec du Pecorino romain, « cacio » de Moliterno,
Pecorino de Sogliano del Rubicone et poivre de Malaisie. Ces pâtes (les
tonnarelli), sont cuites de manière très précise car même si fraiches elles
sont « al dente » et probablement le minutage doit être d’une
incroyable rigueur. Comme le dit le nom, c’est une recette avec seulement trois
ingrédients : des pâtes du pecorino romano et du poivre noir. Originaire de
Rome, il s’agit d’un plat très ancien, car le fromage a été l’un de premiers
condiments pour les pâtes, avant la sauce tomate. Les produits sont exceptionnels,
le dosage est parfait et il faut une sacrée dextérité pour un bon mariage de
tous les ingrédients. La sauce doit comme ici être réalisée à froid avec l’eau
de cuisson des pâtes, une opération pas toujours évidente. Un plat
magnifiquement cuisiné, un incontournable de la cuisine romaine à déguster à
tout moment !
Autre grand
classique avec les boulettes de viande à la romaine en sauce tomate, ricotta
fumée, polenta aux châtaignes. Une viande parfumée avec un mélange très
équilibré, une texture souple, le fromage sur le dessus est un ajout immanquable,
la sauce est incroyablement subtile car pas trop épaisse ou sucrée et n’écrase
pas en bouche l’équilibre gustatif. En accompagnement ces petits cubes de
polenta juste poêlés.
Et un
dessert partagé avec les petits pains traditionnels romain appelés « Maritozzo »
avec de la crème et une glace au café. C’est un petit pain doux qui de nos
jours est d’habitude farci à la crème
fouettée. Pendant la Rome papale,
le « Maritozzo » était aussi lié à une pratique, désormais oubliée,
qui consistait à cacher une petite bague en or à son intérieur pour la donner à
son amoureuse. Aujourd’hui le « Maritozzo » est un gâteau typique à
consommer pendant la petite déjeuner, même s’il est désormais remplacé par le
croissant. On appréciera également la délicieuse crème glacée pour l’accompagner.
Et
finalement une tarte tatin à la papaye avec une glace à la lavande. Joliment
présentée, fine et point trop sucrée ni grasse, elle sera parfaite elle aussi
avec cette crème glacée subtilement parfumée.
Avec les
cafés, quelques biscuits traditionnels que l’on trempera dans une sauce
chocolatée.
La carte
des vins étant sans limite aussi bien au niveau de la sélection que des prix,
nous nous sommes fait conseiller un Mamuthone Giuseppe Sedilesu, Cannonau de
Sardaigne 2012. Un très beau nez de prune, d’abricot sec, d’orange amère et d’épices.
En bouche plutôt puissant et suave.
Probablement
l’un des repas italiens classiques des plus remarquable qu’il m’a été donné de
déguster. Un lieu où les produits sont d’une exceptionnelle perfection, la sélection
de plats chauds impressionnante avec une cuisine essentielle, des cuissons d’une
diabolique précision, une ambiance particulière et hautement festive.
Probablement l’une des plus belles tables de Rome.
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