vendredi 13 septembre 2013

Gile Restaurant, Istamboul



Voici probablement l’une des nouvelles plus belles tables de Turquie ouverte il y a quelques mois que l’on peut qualifier de « nouvellle cuisine Turque gastronomique ». Certes la cuisine turque est magnifique mais rares sont les établissements qui proposent quelque chose de différent, de repensé, de totalement innovant et presque de déstabilisant. Et ceux qui pensent attirer la clientèle principalement se reconvertissent la plupart du temps en tables à influence japonaise ou italienne reflétant les malheureuses tendances actuelles. Rappelez-vous l’Espagne il y a une vingtaine d’années qui proposait une cuisine certes bonne mais plutôt grasse et peu variée. Regardez aujourd’hui où ce pays maintenant se positionne dans le palmarès gastronomique mondial avec les frères Rocca, Berasatagui et autres Quique Dacosta. Ce phénomène pourrait aussi bien se produire en Turquie mais la route sera longue…

Gile est rondement mené par deux chefs Cihan Kıpçak et Üryan Doğmu qui ont travaillés au préalable  ensemble à La Mouette, la terrasse de l’hôtel Tomtom Suites. Au préalable Üryan sorti diplomé du Culinary Institute of America travailla en Floride et à Hawai avant d’arriver chez probablement le plus célèbre de des chefs de la nouvelle génération à Istanboul, le  Suédois-Turque Mehmet Gürs du Restaurant Mikla.

Le chef Cihan avec qui j’ai eu la chance de converser est une personne plein d’enthousiasme et qui a bien conscience qu’il faudra un changement de mentalité en Turquie pour que les épicuriens comprennent que la cuisine qu’ils réalisent surpasse et de loin la plupart des établissements bien installés. Le plus surprenant est que Cihan a démarré sa carrière en Suisse  à Hôtel de Ville et du Maure d’Avenches qui semble à ce jour a fermé, puis fréquenta entre autre le réputé Mimolett d’Istamboul. C’est quelqu’un d’humble qui connait parfaitement les tendances culinaires mondiales, fréquente les chefs européens qui sont à la pointe dans la recherche culinaire. Aujourd’hui le problème étant pour lui que la clientèle Turque aisée est plutôt focalisée sur le coté festif, « matuvu » et « alcool » que certains établissements proposent au détriment de la recherche et du contenu sophistiqué de l’assiette. 


Gile Restaurant n’est pas situé le long du Bosphore et ne possède pas une vue. C’est un établissement moderne situé dans le quartier récement rénové de Akaretler, non loin de Besiktas. Une rue plutôt chic sur quelques centaines de mètres où un investisseur à pensé être judicieux de rénover les anciens bâtiments des employés qui travaillaient au Palais Dolmabahçe, ancien centre administratif de l'Empire ottoman de 1853 à 1922.


Nous n’avons pas considéré de nous installer comme les locaux sur la terrasse qui longe une rue plutôt bruyante et passante car nous avons préféré dîner dans un espace assez proche d’une gallerie d’art dans le concept. 



Des salles aux murs blancs, avec des peintures pour le moins surprenantes, de jolies tables bien dressées de nappes blanches et sur un coin un bouteiller visible grace à une vitre avec une impressionante sélection de vins turques mais qui s’avérà être plutôt chère.



Nous n’avons pas choisi pour une fois le menu dégustation simplement parceque nous ne savions pas a quoi nous attendre, peut-être par crainte au vu des tarifs plutôts élevés mais ce n’est que chose remise. Notre choix s’est porté sur un certain nombre de plats à la carte plus temptant les uns que les autres.

En guise d’amuse-bouches nous est apporté une glace au maïs présentée sur quelques grains, parsemée de sel noir volcanique. Sachant que les vendeurs à la sauvette proposent dans les rues des épis de maïs en cette saison, l’idée d’ammener une glace semble être de bonne augure. Une impression crémeuse en bouche pas trop douce et relevée de ce coté salé en fait une pré-entrée magnifique.


Il faut tout de suite mentionner que la vaisselle est de toute beauté, principalement fabriquée par un céramiste au nom de Mehmet Kutlu (http://mehmetkutlu.triask.com/). Un peu d’huile d’olive et du beurre pour accompagner de délcieux pain maison dont l’un aux oignons et ail. 

 
        
Second amuse-bouche, deux cubes de poisson crus recouverts de lamelles de radis accompagné d’une sauce au yoghourt et un peu de wasabi. C’est frais, léger, avec évidement un coté turque mais avec une inspiration asiatique.


Le premier plat que j’aurai sélectionné restera ancré à tout jamais en tout cas visuellement dans mes pensées. Une présentation de toute beauté d’un foie de style Albanien, proche du foie gras poelé et probablement l’un des plus beaux plats que l’on puisse manger en ville. Albanien car il existait dans le passé un boucher albanien qui avait la réputation de magnifiquement préparer le foie d’agneau en deux cuissons : poêlé et ensuite passé au four. Des tranches de foies marinées dans des épices, rapidement saisies et accompagnées d’un coulis de betterave et d’oignons rouges, de quelques goutes d’huiles de persil,  d’oignons fanes grillés au charbon de bois et de quelques oignons grelot caramélisés dans le vin de Mahlep. Des associations qui explosent en bouche qui en feront un grand plat.


Pour l’autre convive, un « burma », de l’agneau haché avec des noix dans une feuille de phyllo, betterave, crème d’aubergines noires et yoghourt infusé à la menthe. L’assiette arrive comme une palette de peintre avec un délicat feuilleté accompagné  de ses diverses sauces les unes plus onctueuses que les autres s’harmonisant parfaitement avec cette pâtisserie salée. Le noir de l’aubergine s’expliquanr par l’utilisation de la peau lors de la confection de la crème. Pas de mauvaises assocations mais de la justesse à l’extrême pour ce plat déstructuré.


Un entremet magnifique avec cette glace au céléri sur quelques cubes du même légume, recouverte de zestes de citrons sucrés.


En plat principaux, du jarret d’agneau cuits 24 heures, marinés dans de la mélasse de capadocce et coings acides, salade de raisins à la menthe et purée de pommes de terre parfumée à la moelle. L’assiette en céramique ressemble a de la lave en fusion sur laquelle est délicieusement dressé la viande fondante en bouche réhaussé par le coté frais et sucré du raisone et l’onctuosité de cette crème de pommes de terre allégée. Un plat extrêmement gourmand.


Une épaule d’agneau cuite 41 heures, caviar d’aubergines caramélisé, beignet traditionel Börek au fromage travaillé, jus d’agneau à la réglisse, tomates et betteraves. Une magistrale réinterprétation d’un plat turque avec des saveurs magnfiques. La viande a été cuite selon les nouvelles techniques à savoir « sous vacuum » ; une cuisson considérée comme la méthode la plus saine, savoureuse et consiste à cuire l’aliment à basse température dans un sachet, avec comme seule adjonction des épices. La viande est très tendre, peu grasse et vraiment goûteuse admirablement entourée d’accompagnements juste à propos.



Les desserts arrivent avec tout d’abord une brillante invention : une Panna Cotta « Ayran » avec un sirop à l’Earl Grey et du sucre citroné crystallisé. L’Ayran est cette boisson traditionelle turque à base de yoghourt et de sel. Ici transformé dans une panna cotta sur laquelle on verse le sirop. Le mélange est tous simplement  jubilatoire.



Autre dessert le « Cezerye » ; des baies sauvages marinées, crème de noix de coco et de carotte avec des noix croustillantes et un sorbet noix de coco. L’assiette ressemble à nouveau à un tableau coloré avec une cascade de fruits élégamment parfumée et complétée par le coté croustillant du fruit sec et la glace au goût plutôt discret. La crème complète le tout en ammenant un coté suave à ce dessert.


En discutant avec le très qualifié maitre d’hôtel et sommelier Gürkan Özkan de mon expérience un peu mitigée de la glace au mastic dans un autre établissement, ce dernier me propose aimablement de goûter la leur, composante d’un autre dessert. Le mastic étant une résine du pistachier avec un goût un peu fumé, et de résine. Je suis plus séduit cette fois par cette crème glacée qui m’avait un peu laissé indifférent.

Grace à cet excellent  sommelier, nous avons choisi un vin tout à fait plasant appelé Plato Güney Platosu Denizli 2011 Kalecik Karasi. 



Le travail et cuisine de Gile est stellaire, les idées sont la et judicieusement abouties sans tomber dans des extrêmes inutiles. De l’innovation culinaire dans la cuisine Turque qui j’espère sera appréciée, reconnue a sa juste valeur car voici un nouveau duo de cuisiniers surdoués dans la lignée des Mikla, Müzedechanga et autres Lokanta Maya. La route est longue mais en continuant comme cela, la reconnaissance internationale viendra tôt ou tard…


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