Etant allé
dans plusieurs excellents restaurants thaïlandais les jours précédents, je
souhaitais découvrir une des nouvelles tables dont on parle en ce moment :
« Le Du » et qui risque de devenir selon les chroniques locales, un
restaurant difficilement accessible car on commence à « faire la file pour
trouver une table ». Evidement il faut se méfier de ce genre de rumeurs et
les déceptions sont très fréquentes lorsque l’on porte aux nues immédiatement
un nouvel établissement qui n’est ouvert seulement que depuis Novembre 2013.
Malgré le
nom qui sonne évidement Français, ce
n’est pas un restaurant Français. « Le Du » signifierait
« saisons » en thaï.
La cuisine
que l’on y sert semble difficilement catégorisable et probablement le plus
proche serait une appellation telle que « cuisine thaï nouvelle et
inventive » ou quelque chose dans le genre. L’établissement est le
partenariat de trois personnes ; le gérant-manager Khun Tao et les deux
chefs Ton et Tae qui ont travaillés plusieurs années aux Etats-Unis dans des
restaurants étoilés. Ces deux chefs sont diplômés du « Culinary institute
of America » et travaillèrent dans des établissements forts réputés tels
que l’Eleven Madison Park et le WD-50 de New-York, parmi tant d’autres. Ce qui
me laisse supposer qu’ils ont « vu du pays » et qu’ils ont
théoriquement une ouverture d’esprit. Je ne suis pas venu déguster une cuisine
thaïlandaise revisitée mais m’attends à quelque chose d’un peu nouveau… Ayant
été à la « Table de Tee », je suis plus que méfiant mais j’aime
prendre des risques.
Pas facile
de trouver l’endroit où ils sont nichés, entre Silom et Sathorn road. Le
meilleur moyen c’est de repérer les sorties de la station du BTS Chong Nonsi, sortie 4..et vouy y êtes presque.
On marche sur le trottoir de droite et c’est la première ruelle. Impossible de
manquer car sur le mur une grande enseigne lumineuse « Le Du » sur un
mur de béton.
A première vue un lieu tout à fait récent, moderne et plutôt
sobre dans une ruelle qui semble un peu en dehors de toute animation. En regardant
de près, l’intérieur semble vraiment très moderne et chic. Une entrée en bois,
une porte coulissante automatique et vous êtes à l’intérieur.
L’endroit
tout de suite doit plaire et n’est pas du tout à quoi je m’attendais. Une salle
dans les tons gris et blanc, des tables modernes en bois, des gerbes de fleurs,
un côté plutôt très contemporain comme cela pourrait être dans beaucoup de
grande ville ou du moins dans des lieux plus passants.
A droite en
entrant un joli bar plein de bouteilles de vins exposées et au fond la cuisine
qui est visible à travers des baies vitrées. Derrière une brigade toquée s’affaire…
Je précise « toquée » car cela hausse le niveau en tout cas ici. Mon
impression première….c’est l’étonnement. Tout laisse penser que nous sommes
dans un établissement qui se veut gastronomique.
Installé
sur la banquette avec du bois brute dans mon dos je suis plutôt impressionné
par l’approche et la qualité du service. Comme les chefs ont séjournés aux
Etats-Unis, l’anglais n’est évidemment pas un problème ni pour eux ni pour ce
service.
En
regardant le menu, je suis tout de suite surpris par les intitulés des plats
qui finalement ne décrivent pas vraiment ce que vous allez déguster. Ce sont plutôt des plats « surprise »
où l’on ne peut que vaguement s’imaginer de quoi il s’agit. Il existe un menu dégustation
en quatre plats a 990 BHT mais celui en sept plats me sembla être plus que
tentant, a 1600 BHT. On ne vient pas ici pour
« toucher la nourriture » mais avant tout pour se faire
plaisir car a priori, cela à l’air vraiment bien !
Une fois le
menu choisi avec mon souriant serveur, je consulte La carte des vins est
relativement belle car il faut savoir que le Chef Ton est aussi un sommelier.
Je choisis une bouteille de tempranillo espagnol à un prix tout à fait
raisonnable.
Arrive le
premier plat et je reste un peu cloué sur ma banquette.. Il s’agit de loup de
mer sauvage, pomme rose, granité de citron vert, concombre et meringue à la
coriandre. Une coupe ronde qui me ferait presque penser à un cocktail en
regardant les fleurs et la glace pilée.
Il s’agit
en en fais de strates avec le poisson cru en petits cubes, des pommes
croquantes sur le dessus coupées de la même taille mélangées avec du concombre
avec sur le dessus un granité très citronné et des petites boules parfumées à la coriandre. Je goute et
j’ai failli hurler… ce plat est tout bonnement fabuleux. Des rappels avec un
ceviche, des mélanges de textures et de températures, des saveurs prodigieuses
Cela explose en bouche comme rarement vécu auparavant. Quelle idée géniale de s’inspirer
d’ingrédients thaïs et de créer quelque chose de complètement bluffant.
Je continue
avec une soupe allium ; poireaux grillé, parfait glacé et graines de
tournesol. Le terme allium fait référence aux fleurs de la famille des oignons,
ciboulette, ail et poireaux. Arrive une assiette florale avec une composition
plutôt étonnante avec une lamelle de courge, les poireaux caramélisés au-dessous,
des fleurs, le parfait en petite boule. Le serveur verse ensuite une crème de
poireaux japonais. Une surprenante combinaison dans une soupe crémeuse avec un
fin goût citronné et quelques saveurs fumées. Je reste vraiment sidéré par
autant de créativité et me dis que ces cuisiniers font évoluer la cuisine thaïlandaise comme les espagnols en
Espagne ou Scandinaves en Scandinavie.
Troisième entrée
avec les huitres aux deux manières ; frite et en saumure, mangue,
gingembre, sabayon de citron vert, granola d’échalotes. Probablement la plus
grande émotion de la soirée car ce plat est une simple merveille. Jeux de
textures, températures, consistances, saveurs… c’est d’une perfection totale. Des
goûts fortement citronnés avec le sabayon qui accompagne génialement le goût de
friture. Une très grande assiette.
Pour suivre
un congee de coquilles Saint-Jacques sèches, jaune d’œufs, émulsion de
gingembre, chips de champignon et jambon du Yunnan. Oubliez ce que vous
connaissez des traditionnels congee qui sont des soupes épaisses à base de riz
un peu semblable au porridge. Cette préparation se fait avec le mélange de tous
ces ingrédients à la dernière minute. C’est à nouveau déstabilisant d’avoir des
saveurs aussi variées telles que les champignons oreille d’huitres et ce jambon
avec toutes ces autres saveurs. A
nouveau un plat impressionnant.
Ensuite du
mérou poché, sauce XO au bacon, émulsion de cèleri, céleri pressé, riz soufflé,
sauce galanga. On mélange la préparation XO qui enrichit le goût du bouillon de
poisson. C’est très subtil, le poisson est d’une très grande finesse, les
épices sont parfaitement équilibrées Je
n’ai pas du tout eu l’impression de déguster un plat thaïlandais aménagé ou
revisité mais une création bien étudiée absolument équilibrée en saveurs.
Pour terminer
le poulet, purée de courge épicée, oignon rouge, jicama au vinaigre, concombre
mariné aux épices et chips de choux rouge. L’entourage de la volaille est créé
à base de feuilles brulées et broyées ensuite mélangées avec des épices. La
sauce adoucit le tout et les touches croustillantes de chou rouge sont là pour
apporter du relief au plat. Encore une très belle création.
Comme
dessert, un sorbet Bael, compote de fruit, biscuit au poivre noir et beurre de
noisette. Le Bael est une sorte de fuite entre coing et orange qui a un subtile
parfum qui s’harmonie parfaitement avec le biscuit croustillant beurré et
poivré. Quelle maitrise dans ce plat !
Je me suis
dit tout au long de ce repas qu’il y avait des nations qui savaient se remettre
en question comme l’Espagne ou les pays scandinaves et qu’aujourd’hui ce sont
les pays phares au niveau gastronomie mondiale dépassant selon moi largement ce
qui se fait en France malgré quelques rares initiatives qui se comptent sur les
doigts des deux mains.
L’Amérique
du sud se réveille…pourquoi pas l’Asie ? Ma première table ou je ressors sur
ce continent en me disant que quelque chose s’est passé… Une cuisine
éblouissante qui n’est ni fusion, ni un « j’ajoute » quelques saveurs
thaïlandaises à mes plats de tous les jours, mais quelques chose de totalement
repensé. Il y a fort à parier que « Le Du » est l’initiateur d’une
nouvelle génération de cuisiniers asiatiques qui ont repensés leur cuisine, qui
ont connaissance de ce qui se passe ailleurs et qui ne veulent pas être laissés
pour compte… J’espère que le succès viendra et au vu de ce que j’ai dégusté ce
soir je ne comprendrais pas que cet endroit ne soit pas la cible de tous les
épicuriens voyageurs dans les douze mois qui viennent…
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