Lever à 3 :30
du matin pour un avion partant à 6 :20 et arriver en début de matinée à
Nantes avec but final… Noirmoutier-en-l’Ile. Voici quelques années que je rêvais
de déguster la cuisine d’Alexandre Couillon à la « la Marine ». Un endroit perdu qui se mérite mais d’où l’on
sortira vraiment émerveillé.
Depuis
quelques temps ce sont les tables espagnoles ou plutôt je devrais dire Basques
et Catalanes qui avaient attiré toute mon attention mais quelques reportages ci
et là, m’avaient laisser penser qu’Alexandre devait être un cuisinier tout à
fait différent, original, passionné et presque révolutionnaire dans un paysage
culinaire assez souvent « endormi » en France. En tout cas ma
perception… Couillon fait partie de cette génération de nouveaux cuisiniers qui
ont compris que la cuisine a dépassé les frontières de l’hexagone et que « d’observer ce
qui se fait ailleurs… », n’a que du bon… Même tranche d’âge que les David
Toutain, Alexandre Mazzia et autre Akrame Benallal, mais sans peut-être ce côté
presque trop médiatique de ces derniers temps.
Donc direction
Noirmoutier qui est une île, reliée par un pont, d’une longueur d’environ de 18
km avec principalement des marais salants, des dunes et quelques forêts. C’est
au charmant petit hôtel « l’Ancre Marine » un peu à l’extérieur que
nous ferons étape, sachant que la table ne se trouve pas dans Noirmoutier-ville
même mais à quelques kilomètres où se trouve le port de pêche de l’Herbaudière.
« La
Marine » se situe dans le port et il ne sera guère difficile de trouver
une place de parking à quelques mètres de cette maison qui semble avoir été
récemment rénovée. Mur blanc et encadrement de fenêtres noirs donnent au tout
une apparence presque moderne.
C’est sur
le côté gauche de cette maison que vous entrerez et découvrirez un passage
confirmant ce modernisme avec son allée presque d’apparence métallique entre deux
murs bruts et arrivés à l’intérieur c’est l’étonnement.
Une architecture
moderne mais peut-être que l’on pourrait qualifier d’années 70 dans la
décoration avec ces fauteuils « style tulipe » blancs, ces formes
architecturales arrondies : tout ceci dans des tons noirs, rouges et
blanc. Au sol un coin moquette et un autre sur un revêtement brillant. Le « look »
idéal pour une femme serait presqu’une robe de Paco Rabanne qui introduit des matériaux industriels dans
la mode à la veille des années 70 et qui marquèrent une véritable rupture dans
les codes de la Haute Couture.
Cette salle
ne semble pas accueillir plus d’une vingtaine de couverts et nous aurons la
chance d’avoir une table prêt d’une des fenêtres.
Sur la table « le menu Marine
et Végétal » ; menu unique mais qui peut se décliner en trois
versions, tous les plats, 7 ou 4 plats. C’est le premier que nous prendrons à
148 euros.
Arrive
quelques mises-en-bouche avec une déclinaison autours de la pomme de terre. Il
faut savoir qu’Alexandre Couillon n’utilise principalement que des ingrédients
de la production locale et que la pomme de terre en fait partie avec entre
autre la « bonnotte » une variété précoce plutôt petite, ronde à
chair tendre et ferme. Il existe d’autres sortes également comme la « Sirtema »
et « l’Esmeralda ». Sur la
gauche un délicieux cornet de glace à la pomme de terre, une chips au centre et
sur la droite une purée aérienne. Une jolie entrée en matière pour aiguiser l’appétit.
Autre mise
en bouche, une chips d’algue avec sur le dessus une crème iodée réalisée à
partir d’huitre. Première sensation du grand large avec cette bouchée marine
très plaisante et visuellement engageante.
Pour suivre,
« peaux et œufs de poisson ». Comme une galette de riz soufflé mais
réalisé avec les peaux de poissons qui ont été frites et réassemblées avec sur
le dessus ces œufs et quelques pétales de fleurs ; le tout posé sur des
galets. C’est ludique et complète parfaitement cette succession de mises-en
bouche.
Nous serons
tout autant fortement impressionné par la tartelette de betterave au vinaigre
de myrtilles, crème de moules Bouchot et fleurs de bleuets. Visuellement
magnifique avec ces tons rouges et bleu, le tout déposé comme auparavant dans
une coupelle avec des éléments de la nature. Cela explose en bouche avec ce
côté marin mais aussi le croquant de la betterave et une touche d’acidité.
Impressionnante
bouchée avec la truffe au maquereau et café. Semblable à un cromesquis car l’intérieur
est légèrement coulant, on retrouve les saveurs du poisson mais avec un
fabuleux goût de café torréfié. L’association est prodigieuse pour ce « bonbon
marin ».
Puis une
planche de bois avec trois coupelles ou nous retrouverons des saveurs
complémentaires avec tout d’abord un yoghourt de crevette avec sur le dessus un
bouillon d’algues ainsi que des cristes marines frites comme une tempura. Les
cristes sont aussi appelées fenouil marin, se trouve être une plante vivace
avec des feuilles charnues et un léger goût de carottes. Le noir et le vert
visuellement attirent l’œil, les saveurs et textures des trois ingrédients sont
parfaites.
Seconde
coupelle avec un fabuleux velouté de tomate et fraise, mousse d’orange
sanguine, crème glacée aux petits pois. Dans le visuel on passe aux couleurs douces
avec une déclinaison de roses ; je trouve cette association de fruits magnifique
et en parfait équilibre gustatif.
Dernière
surprise avec des fèves dans un sirop et une julienne de pommes granny Smith.
Le sirop est légèrement mentholé, le tout est plutôt doux mais complètera cette
incroyablement cette magnifique succession d’amuse-bouche.
Nous n’avons
formellement pas commencé notre repas…mais nos premières observations sont que
la recherche gustative des produits de la mer est innovante et les saveurs sont
toujours parfaitement équilibrées avec une touche plutôt douce.
Comme nous
ne connaissons pas vraiment les vins de la région, sur la recommandation de
notre sommelier nous choisirons un exceptionnel Chardonnay du Domaine Saint
Nicolas Cuvée Maria de chez Thierry Michon. Une appellation Fief vendéens ;
un vin blanc charnu et droit, avec un petit côté beurré qui accompagnera
magnifiquement ce repas.
Première assiette
qui restera ancrée à tout jamais dans notre mémoire appelée « Coquillage
& Crustacés (bord de mer). Dans une assiette une association de palourdes,
de couteaux, d’algues, de poivron rouge, menthe, coriandre, palourdes rouges,
ormeaux, vinaigre et choux fleur cru râpé. Visuellement c’est très impressionnant
et je ne me rappelle pas d’avoir mangé un mélange de saveurs marines aussi
explosives en bouche. Chaque bouchée a un goût différent en fonction de ce que
l’on prend. A un moment plus doux, à un autre plus vinaigré, puis mentholé,
herbacé… On pourrait presque se remémorer le gargouillou de jeunes légumes de Bras
mais ici évidement réalisé avec des crustacés. Une autre preuve que les
produits sont travaillés de manière totalement inventive à notre plus grand
plaisir.
Nous serons
servis deux beurre de production locale ; le premier à la fleur de sel de
Noirmoutier et le second aux algues, accompagnés de quatre délicieux pains
maisons ; traditionnel, céréales, olives noires et citrons confits,
algues.
Seconde
entrée avec l’huitre au bouillon de lard et encornet. Une assiette blanche avec
l’huitre dans une presque gelée noire et une poudre de sucre rappelant l’extérieure
de l’huitre. Première constatation, cette huitre est exceptionnelle. Spécialement
préparées pour « la Marine », c’est une huitre de pleine mer bien
charnue et iodée dont la texture est épaisse et le goût divin. Je regrette que beaucoup
d’huitres soient affinées dans des eaux douces car l’on perd ces saveurs
intenses. La gelée "bouillon de marée noire" (encre de seiche) complète
le goût de noisette de l’huitre et la poudre (avatar de nacre de sucre) amène
de la douceur à l’ensemble.
Les deux
plats suivants seront vraiment au-delà de tout entendement tellement les
produits auront été travaillés selon les états de l’art. Je garderai un
souvenir impérissable de ces plats de poisson qui nulle part ailleurs m’auront
été servi avec autant de perfection dans les cuissons et les juxtapositions de
saveurs.
Un merlan
de ligne, cerise et fenouil. Le dressage laisse pantois, le poisson qui sort de
l’eau est cuit comme jamais je n’ai eu auparavant avec son intérieur légèrement
cru mais chaud ; le tout déposé sur une crème de fenouil et un jus d’herbe
avec l’intelligente idée d’ajouter une touche douce et acidulée avec la cerise
chaude. Quelques petites rondelles d’oignons nouveaux légèrement vinaigrés ajoutent
ici aussi une touche acide.
Autre
merveilleux poisson avec le cabillaud, tomate et lait de chèvre. Egalement cuit
à la microseconde ce poisson est exceptionnelle avec cette mousse délicatement
parfumée au fromage, les tomates confites toujours avec cette pointe de vinaigre
et le jus d’herbes du jardin. Des touches additionnelles avec cette crème d’amandes
fraiches et des fleurs parfumées de ciboulette et de tagète. Un poisson comme l’on
rêve de manger tous les jours…
Nous continuons
avec le homard, légumes à la braise et moules. Un petit homard pêchés du coin, lui
aussi avec une cuisson maitrisée qui signifie
encore un peu cru en sons centre, les légumes tels que petits concombre,
min-aubergines, petit poireaux et épinards de mer juste cuit à la braise conférant
à ceux-ci un goût légèrement fumé. Une sauce à base de moules mais légèrement
douce qui s’avéra être travaillé avec de la cacahuète. Alexandre étant né au
Sénégal, s’inspire d’une cuisine exotique et en prenant quelques ingrédients. C’est
très gourmand, les saveurs fumées et marines s’harmonisent.
Presque le
plat principal…et unique plat non basé sur des poissons ou crustacés, le poulet
fermier à la Mue, courgette violon, oursin et melon. A la manière du poulet de
Bresse, le poulet à la mue est nourri lors des dernier mois avec du pain trempé
dans du lait et ici réinterprété comme un peu le poulet aux écrevisses mais la
sauce est réalisée avec de l’oursin et aussi un jus de volaille. Très
intéressante association avec le melon mariné dans la cannelle, l’anis, du miel
et vinaigre. Je suis de nouveau sur le charme de cette assiette qui comme à l’accoutumée
associe produits terre-mer, douceur et
acidité.
Arrivent
les desserts qui sont souvent moins intéressant mais ici nous est amené une
première assiette étonnante à l’apparence presque Scandinave appelée « la
balade dans le bois de la Chaize » ; une vision forestière avec une
glace à la sève de pin, une gâteau au thé matcha qui reproduit visuellement la
mousse, des "cailloux" qui se désagrègent instantanément en bouche,
de la terre en chocolat.
Le dessert
de ce repas avec « foin et peau de lait à la sauge ». La peaux est
séchée comme des plaques et verticalement déposées dans cette fabuleuse crème
glacée parfumée au foin. Cela sent l’été…la chaleur…C’est enivrant..
Pour
terminer, les fraises au jus de betterave, estragon et rose. Une association de
fruits avec un jus qui aurait mérité d’être un peu plus prononcé en saveur et la
glace à l’estragon.
Ce repas s’achève
avec des mignardises telles que de la guimauve à la réglisse, un granité au
Ricklès-menthe, une verrine à la carotte-glace cardamome et orange, des tuiles
au poivre du Sichuan, des meringues aux algues, des tartelettes au sucre
vergeoise, des pâtes de fruit betterave et anis.
On ressort
de chez Alexandre Couillon en se disant que sa cuisine et plus qu’exceptionnelle,
ne s’inspire pas « des autres » et possède une personnalité hors du
commun. Je ne me rappelle pas d’avoir dégusté des plats à base de crustacés et
poissons autant magnifiés. C’est tout bonnement du grand art ! Un service
de qualité avec un côté presque familial ou amical avec la sympathique femme du
chef qui assure le service en salle. On ressort de cet endroit avec l’impression
d’avoir découvert quelque de nouveau et d’inspirant… Une très belle soirée qui
s’est terminée avec une belle discussion avec l’influent et extraordinaire chef
Alexandre… pour une table 2 étoiles Michelin amplement méritée.
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