La
Catalogne est surement l’une des régions les plus en vogue en ce moment avec El
Celler de Can Roca et le « futur nouveau El Bulli » ainsi qu’un certain nombre d’autres tables
réputées. Dans le paysage gastronomique espagnol, il y a ceux qui sont à la une
de tous les médias et ceux qui sont peut-être un peu plus discrets. C’est dans
cette catégorie là que je situerais Sant Pau à Sant Pol de Mar.
Un petit
village le long de la méditerranée qui reste quand même plus beau que
l’environnement avoisinant car les villes balnéaires entre Barcelone et Tossa
de Mar sont vraiment selon moi très peu attirantes. C’est donc là que je
souhaitais découvrir la cuisine de Carme Ruscalleda, trois étoiles au guide
Michelin, Relais et Châteaux, une des
plus belles tables en Europe. En réalité cinq étoiles car elle possède
également une table avec deux étoiles à Tokyo, ce qui la place comme la
« femme la plus étoilée du monde » !
Sa cuisine
est réputée pour être principalement influencée par les recettes traditionnelles
catalanes mais avec une vision très ouverte de celle-ci en y ajoutant des
touches asiatiques ou autres types de cuisine. Des influences japonaises liées
au fait qu’elle possède cette seconde adresses à Tokyo. Un souci du détail, la recherche de
la perfection…. Tout pour m’attirer. Une cuisine inspirée par ses parents et
même un ouvrage intitulé « Cocinar para ser feliz » d’une centaine de
recettes dédié à ses parents Ramon et Nùria.
Maintenant
comme je l’ai précédemment signalé il s’agit d’un trois étoiles et je ne
pourrai m’empêcher de comparer avec d’autres établissements du même niveau. On
peut ou ne pas être d’accord avec le classement du Michelin, je vous dirai clairement
ce que j’en pense.
L’établissement
se trouve le long de la mer dans une ancienne maison de village qu’il faut
atteindre par des ruelles plutôt étroites après être sorti de la route
nationale. Ne pensez-pas qu’il soit
facile de se loger dans le coin et si vous êtes à la recherche d’un délicieux « hôtel
boutique » à quelques kilomètres de là, faites-le moi savoir…
Possibilité
de parquer son véhicule dans le garage juste en face du restaurant ce qui est
plutôt pratique. Avant d’entrer dans ce celui-ci, passez par la voute à droite afin d’arriver dans une cour plutôt
surprenante car les cuisines se trouvent au rez-de-chaussée et sont vitrées ce
qui permet de lorgner en arrivant !
Deux rampes d’escaliers de chaque côté
vous permettra de rejoindre la salle de restaurant. Le jardin ou cour donne sur
la route qui a une vue sur la mer mais il y a le train…
Donc une
fois de retour et à l’intérieur vous serez soit dans salle à manger plutôt assez classique avec du
mobilier choisis soit dans la salle au ton jaune soleil avec des chaises de
bambou.
Ce qui me surprendra le plus c’est de voir face à la baie vitrée,
quatre ou cinq fois dans la soirée le
train arrêté a quelques mètres de la barrière de la cour. Je ne remets pas en
cause le choix de l’endroit si historiquement il y a une valeur sentimentale,
mais pour un trois étoile et un relais châteaux, je m’attendais à quelque chose
de différent…
L’intérieur
est donc plutôt élégant avec un nombre de tables restreint, ce qui est plutôt
agréable. Le service est avenant mais incomparable à d’autres établissement du
même niveau. Je serai peut-être un peu critique…ce n’est pas réellement du
service trois étoiles. Rien d’alarmant mais j’ai vu beaucoup mieux et bien plus
personnalisé. Tout au long peu d’explications des assiettes et juste le nom du
plat comme exemple.
Le menu dégustation
est offert à 159 Euros. Un menu qui a première vue effectivement semble
proposer des mets d’influence catalane avec parfois une touche japonaise.
Un pain
entier nous est alors présenté et qui nous sera servi pendant le repas. Un pain
blanc sans aucun intérêt et sans saveur particulière. Pas de beurre...pas d’huile.
Nous
commencerons par les mises-en-bouche d’avril avec tout d’abord la croquette de
shiitake de Sant Cebrià de la Valetta. Arrive sur une assiette un petit
mouchoir ficelé que l’on ouvre et au milieu duquel se trouve cette croquette.
Légère, gouteuse, il n’y a rien à dire. Le goût de shiitake ? Pas sûr que
je puisse réellement identifier cela. A ce moment je me dis que « ce n’est
finalement qu’une croquette » et que je m’attendais un peu à autre chose
qu’une simple friture…
Même
observation avec les « Xiulets », haricots-sifflets en tempura. Cela
reste pour moi trois haricots verts que l’on trempe dans une sauce type
romesco. A ce moment je me dis qu’il ne faut pas trop comparer avec d’autres
tables car autrement je risque de vivre une déception.
La
troisième bouchée s’est avérée être vraiment splendide ; l’éponge de tupi
crémeux, tomates cerises confites et
origan frais. Une magnifique coupelle avec une fine feuille de pâte feuilletée
sur laquelle le fromage monté est déposé en gouttes, des morceaux de tomates
caramélisées, le côté parfumé végétal de l’origan. Des saveurs explosives en
bouches qui reflètent bien le sud.
Sur les
conseils du sommelier nous prendrons un magnifique vin, un Quatre Xarel-lo QX
Penedes Mas Candi 2012. Un vin réalisé avec le cépage Xarel-lo, légèrement
fumé.
Première entrée
avec le miso, foie gras, légumes, champignon, umeboshi et citron. Une très
belle assiette avec le bouillon vraiment parfumé, les cubes de foies poêlés
encore moelleux au centre et saisis à l’extérieur. Quelques herbes odoriférantes,
les prunes salées et petits légumes sur le dessus. Jolie associations de
saveurs pour un plat qui lorgne vers le japon.
Seconde entrée avec
les petits pois de maresme, seiche ; « le plat du marin ». Arrive
une coupe avec comme base une poêlée de délicieux petits pois de la région dans
une fond bien travaillé et sur le dessus la seiche finement émincée. C’est très
bon, simple… Peut-être un peu trop
simple. Il n’y a strictement rien à reprocher à ce plat mais cela reste quand
même un peu trop évident.
Le plat suivant me
convaincra beaucoup plus avec une déclinaison d’artichaut. Poêlé, en crème et
croustillant avec une langoustine cuite à la perfection, à savoir encore
légèrement crue. C’est une assiette que je pourrais qualifier de classique mais
c’est vraiment très plaisant.
Malgré « l’histoire locale et la célébration des
marins » qui mangeaient ce plat dans le passé ; un toast passé dans
une sauce de poisson et grillé, ici accompagné d’une gambas, je ne suis que
partiellement séduit car il s’agit d’une bisque, avec un toast imbibé et une
crevette. C’est ce que j’appelle « mono saveur ». C’est bon mais sans
surprise à nouveau.
Un plat finalement à
nouveau assez simple ou rustique avec de la lotte dans une sauce à la verveine citronnée
et pétales de pommes de terres violettes. Les cuissons sont parfaites, la sauce
est parfumée mais cela manque un peu d’émotion culinaire.
Le plat principal
étant au choix nous avons pris les deux.
Le filet de poulain
des Pyrénées rôti avec quelques légumes est vraiment très tendre, parfaitement
cuit, joliment dressé avec quelques légumes comme des asperges sauvages,
carotte et navet.
Le magret de canard de
Challans, navet, pistache, yuzu et sake sera tout aussi bien préparé. Des
produits de grande qualité et une sauce vraiment délicieuse au goût si
particulier du citron yuzu. Au centre des quatre tranches de magret, une
julienne de navet.
Second flacon de vin
rouge. Cette fois-ci un Pater de Montsant de 2010, Grenache noire. Un vin de
catalogne à la couleur rubis intense avec des arômes de groseilles et cerises.
Intéressante approche
pour le fromage car à chaque moi est proposé un fromage unique et différent.
Cette fois-ci un fromage de lait cru de vache vieillis trois mois du Portugal,
plus précisément des Açores, de
l’ile de Sao Jorge. On s’attendrait à un fromage espagnol…eh bien non.
Le plus intéressant
sera la déclinaison toujours autour des mêmes ingrédients.
Filaments de
courgette, amandes toastées et sucre brun.
Confiture de
courgette, sucre brun et amandes caramélisées.
Petites courgettes
confites enrobées d’amandes granulées et d’un caramel de sucre brun liquide.
Arrive le prédessert
avec un « trou normand » ou plutôt catalan… Un sorbet fruit de la
passion et un alcool aux herbes. Pas de grand intérêt.
Une mousse de bananes,
huile d’olive et sel que je trouverai agréable mais sans plus.
Et enfin quelque chose
de plus élaboré et vraiment très intéressant autour de l’olive noire et verte
de l’Aragon, de Séville. Une déclinaison à base de chocolat, de cake et de vin
doux. Un dessert qui sort vraiment du
lot.
Nous serons vraiment
surpris à la fin de recevoir un train… dans lequel se trouve un assortiment de
mignardises franchement les unes plus décevantes que les autres.
Un bonbon au chocolat mou, un marshmallow au yoghourt
citronné, un rocher au chocolat blanc, une gelée au Lemoncello, un feuilleté à
la courge et cheveux d’ange, un financier à la noix de coco, un Sacher, un crumble
à la framboise, un stick à la réglisse. Un assortiment totalement dépassé à mes
yeux en 2014 et vraiment sans grand intérêt.
Alors comment conclure…
Tout d’abord, je n’ai pas vraiment eu l’impression
de manger une cuisine de trois étoiles. C’est une cuisine basée sur la cuisine
catalane, cela s’est sûr, mais cela
manque singulièrement d’audace et de découverte. Une cuisine timide dans les
saveurs nouvelles mais parfaitement maitrisée comme dans une école hôtelière
mais est-ce que cela suffit en 2014 ? Il y a surement une clientèle pour
ce type de cuisine mais lorsque l’on a eu la chance de visiter d’autres tables
en Espagne, eh bien c’est à un niveau bien moins aventureux et intéressant.
Evidement Carme Ruscalleda est un symbole et je dirais même une icône en Espagne
ce qui probablement ne fera pas changer le Michelin d’avis. Cela aura été pour
nous un repas en demi-teinte et qui ne restera pas ancré longtemps dans notre
mémoire.
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