D’entrée, une
de mes plus belles tables de 2023. Une adresse qui indéniablement va récolter
un macaron l’année prochaine et si ce n’était pas le cas, cela serait vraiment
incompréhensible au vu de la prestation de ce soir. Mais commençons par le début…
Cette table est l’association des chefs Germán Espinosa avec Diego Mondragón et Mariella Rodríguez. German fût le chef de la Fonda Espana dans laquelle je suis allé quelque fois et où j’avais particulièrement bien diné. German était dans l’un des établissements de martin Berasatagui puis décida avec ses amis Diego et Mariella de se lancer dans une nouvelle aventure. Diego travailla dans le passé chez les frères Roca, ensuite chez Jordi Cruz de Abac et finalement à la Fonda Espana. J’ai moins d’information sur Mariella qui n’était pas là ce soir mais d’après ma compréhension vient du Costa Rica où elle travaillait dans la restauration.
MAE, qui signifie « collègue » en costaricain, est une déclaration d’intention et de principes à part entière.
La proposition culinaire est une cuisine méditerranéenne avec quelques subtiles influences latino-américaines mais je précise bien influences car ce n’est vraiment pas une table de type fusion comme on en voit trop en ville. Des mets avec des ingrédients locaux avec parfois quelques éléments qui pourraient provenir de Colombie ou du Costa-Rica, origine de cette association sans oublier d’autres pays d’Amérique latine. Le respect de la tradition, beaucoup de technique, une dose de créativité et la coexistence de produits « d’ici et d’ailleurs » sont les principes de cette cuisine. Des chefs qui utilisent d’excellente matière première à base de légumes, de crustacés, de poissons et d’autres ingrédients plus méconnus tels que le savoureux pejibaye, la goyave, le lulo, la tomate arborescente ou le piment jaune qui interagissent en parfaite harmonie. Toutes les associations seront d’une grande intelligence et d’une grande finesse d’exécution.
Le local est celui qui fût à une époque celui de Freixa Tradicio qui par la suite devint, Merendero Tradicio dans le quartier de Sant Gervasi. Mais tout a été refait car le décor actuel est vraiment splendide, moderne, chic mais jamais non plus trop guindé. Une atmosphère détendue grâce à une harmonie visuelle créée par la combinaison de verts et de blancs qui donnent chaleur et intimité à l’environnement.
Quelques tables avec au milieu de la salle, un petit bar-cuisine où l’on prépare des entrées et des desserts, mais aussi finalise les dressages avec parfois quelques sauces.
Un exceptionnel menu gastronomique en dix étapes (65 euros, la version courte ; et la version longue, Gran Mae, 85 euros).
Quelques snacks
pour commencer qui vont de la méditerranée aux caraïbes, comme tout d’abord
leur feuille d’huître qui vous nettoiera le palais. Une huître
végétale à l’aguachile aux fruits de la passion qui réveille
les papilles d’une bouffée.
Suivie de crevettes croustillantes et tartare de calamars, œufs de truite et poudre de piment japonais.
Une exceptionnelle Saint-Jacques, cacahouètes et noix de coco. Une texture moelleuse, un côté également croustillant, quelque chose de très frais car on sent le coté légèrement citronné, du zeste de citron vert, de la mangue et la noix de coco épicée.
Un très bon cracker de pied de porc aux crevettes rouges et tomate, une sorte de mer et de montagne.
Un très élaboré jaune d’œuf frit avec un steak tartare et de la moelle. Mulet, pâte d’anchois et d’olives (comme un garum, le reste de sauce romaine du salage du poisson qui était sur le point de disparaître).
Eva, boulangère et pâtissière, nous propose du pain au levain d’une recette depuis 80 ans que Josep Maria Freixa leur a offert en quittant les lieux, réalisé avec une farine moulue sur pierre qu’ils apportent de France ; une fermentation à froid de 24 heures avec un résultat spectaculaire. Une partie du levain de l’ancien locataire des lieux, nul autre que Josep Maria Freixa, père de Ramón Freixa. Pain au levain, qu’ils mettent en valeur sur la table avec une huile d’arbequina de première pression à froid du petit moulin Molí del Pau et Olis de Bellaguerda.
Pain au levain mais aussi une prodigieuse brioche. De plus deux beurres travaillés avec un à la tomate.
Nous
continuons avec des mollusques, tomates cerise confites, algues et piment aji.
Ce sont des moules et coques, la sauce au piment est versée sur assiette au
dernier moment.
Une impressionnante et délicieuse huitre, gazpacho de poivron vert et pomme granny smith.
Nous continuons avec un bar mariné dans des algues kombu, avec une infusion de lulo, radis et herbes fraiches. Le bar séché à l’algue kombu, enveloppé, roulé et suspendu pendant 48 heures, quelques points de crème raifort et une infusion de lulo, qui est un fruit d’Amérique latine (naranjilla, un fruit commun en Équateur et en Colombie), selon sa maturité, il est plus citrique ou plus sucré et dans ce cas, ils l’ont utilisé plus comme un agrumes. L’assiette contient également de l’oignon et de la coriandre pour aromatiser.
Un espuma de chou-fleur au crabe et gelée de moules. Unecrème de chou-fleur moelleuse au txangurro et à la gelée de moules à la sphère de parmesan, sans aucun doute l’un des plats mémorables et fameux de ce menu.
D’excellents poireaux sur une vichyssoise fumée, ail noir et céleri. Cuits à la braise, émulsion d’ail noir, graines de moutarde et algues croustillantes.
Des tagliatelles de calamars avec une sauce pil-pil et des algues en pickles.
Un fabuleux merlu cuit à la vapeur dans des feuilles de bananier plantain et sauce aux cigales. En fait deux sauces, la première plus traditionnelle au crustacé et cava, et la seconde épicée à base de lait de coco, gingembre et citronnelle. Un autre plat vraiment mémorable.
Une somptueuse presa de porc ibérique, demi-glacé, crème de topinambours et millefeuille de patate douce.
Les desserts sont l’œuvre d’Eva López, qui prépare le chemin vers la douceur avec un granité très frais à base d’ananas, de concombre et de mousse de tepache (ananas fermenté ; une boisson mexicaine fermentée à base de maïs, semblable à une bière sucrée et à faible teneur en alcool).
Pour ensuite jouer avec une mangue aux textures, chocolat blanc, piment chipotle et gâteau de Santiago et menthe. Une vision personnelle du gâteau de Santiago, à la menthe, au chocolat blanc crémeux et à la mangue en trois textures : croquant, sorbet et naturel.
Les petits fours sont ici exceptionnels et c’est plutôt rare. Des marshmallow au citron vert, des bouchées avec une base de nachos écrasé pour servir de support, un chocolat à la Giandujia.
L’épatante et passionnée jeune sommelière Carla Viladric nous a recommandé une bouteille de Priorat Mas d’en Compte Celler Cal Pla 2018. Parfait pour les amateurs de vins blancs avec du volume, onctueux et avec des arômes fournis par le vieillissement en fût.
Un magnifique repas avec les chefs Germán et Diego qui préparent une cuisine avec beaucoup de bagages, audacieuse mais en même temps respectueuse de la tradition, où les produits du monde entier ouvrent la voie. Le service en salle avec le maître d’hôtel Emili Alcázar, est impeccable. Mae est un endroit dont nous entendrons parler très bientôt avec cette confluence de la richesse des saveurs de Barcelone, de Colombie et du Costa Rica. Le meilleur menu gastronomique du moment à Barcelone ? Probablement.
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