S’il y a
bien une restauration qui m’attire le plus aujourd’hui c’est bien celle où le
produit est au centre de l’assiette avant l’utilisation de techniques devenues
plus que lassantes au fil des années. Ces techniques où l’on utilise des
éléments parfois chimiques pour produire des textures souvent a une époque
qualifiée de révolutionnaires, souvent du show, et à classer dans la vague de
ce que l’on appelait a une époque du moléculaire. Heureusement que de nouveaux
chefs se sont aperçus que l’on privilégiait souvent le dressage avant le goût,
le luxe dans l’assiette avant la qualité du produit et le côté instagrammable
des assiettes. Rares sont les établissements qui sont à l’écoute des éleveurs,
des producteurs, des agriculteurs, des artisans et qui ne se contentent pas d’aller
chez les grossistes alimentaires dont je tairai les noms. Aller chez un paysan,
supporter le local, cuisiner de saison, voila ce qui m’intéresse et avec bonheur
on voit une nouvelle génération de chefs qui ont bien compris que c’est une
évolution raisonnée, une opportunité de se différencier de certains
établissements, de revenir aux sources et avant tout de se faire plaisir mais
bien entendu contenter le client. Si j’ai adoré la proposition culinaire de
Daniel Baratier de l’Auberge sur les bois, voici une première nouvelle table
qui mérite toute son attention et située à Lucinges en Haute-Savoie.
Je dis première car prochainement il y aura un second établissement avec une cuisine commune mais j’en parlerai un peu plus tard. Ici on se concentre sut « Le Bistrot de Madeleine » qui peut également donc être associé à « L’Auberge de Lucinges ».
Pas des inconnus à la tête de cet établissement car il s’agit de l’étoilé Benjamin Breton et Pierre Lelièvre qui sont bien connus des milieux gastronomiques Genevois, puisqu’ils étaient respectivement chef et directeur du Fiskebar du Ritz-Carlton Hôtel de la Paix.
Une ouverture je crois au mois de septembre de ce que l’on peut qualifier de « partie bistrot » avec « Le Bistrot de Madeleine », puis au mois de mars 2022, la partie gastronomique avec « L’Auberge de Lucinges ». Une première offre de cuisine de tous les jours, de grand-mères, de produits de superbe qualité. Des plats un peu oubliés ou tout simplement que l’on ne trouve plus à part quelques exceptions, souvent dans les bouchons lyonnais ou les établissements type brasseries parisiennes, bref une cuisine canaille, gourmande, mais tout de même très pointue et réalisée avec ces produits locaux auxquels je me référais précédemment. Par exemple le cochon de la ferme de Biodup à Arbusigny de chez Nicolas Dupanloup que pour donner un exemple, et quel exemple !
Je me rappelais du précédent établissement qui s’appelait Manwyss, mais le lieu a complètement été revu et se trouve avoir été décoré de manière très plaisante.
Le vrai bistrot avec tables et chaises de bois, une décoration avec des objets glanés ci et là chez de probables antiquaires ou marchés aux puces ; vieux siphons ou cafetières, anciennes boites et bouteilles, d’anciennes gravures et photos, le tout déposés sur une bibliothèque murale surplombant une banquette de cuir rouge ou sur le mur adjacent.
Un comptoir, des liqueurs, des balances d’époques, des lumières bien adaptée qui confèrent un certain charme au lieu. Puis la classique et très belle trancheuse Berkel dans un coin.
La carte est intentionnellement courte et ce n’est pas plus mal. Carte de cuisine bistrotière mais qui change presque tous les jours en fonctions des arrivages, le tout servi dans des assiettes rappelant ces superbes moments familiaux et cette vaisselle d’une autre époque. Cuisine canaille donc avec une excellente terrine de chevreuil et de coing. Une texture assez proche d’une rillette, des morceaux de coing comme accompagnement, point trop sucrés ni vinaigrés, des oignons rouges eux légèrement vinaigrés mais doux, quelques pousses dans un esprit feuilles de moutarde ou semblables.
Un très bon pâté en croute cochon Mangalitza, foies de volailles, pistache et boudin noir. Le fameux cochon de BioDup, ce porc laineux assez proche du sanglier. Son style de vie qui allie lenteur et alimentation naturelle ne permet pas des élevages autres qu’artisanaux, ce qui explique son coût supérieur à celui des autres types d’élevages porcins plus traditionnels. Bien gouteux, une pâte bien équilibrée, oignons rouges sucrés, graines de moutarde et cornichons.
Le pain maison est lui un vrai régal et servira aussi a saucer dans les plats qui suivront.
Première assiette chaude avec l’Œuf 61 degrés de chez Julien, siphon lentille et lard fumé. Un vrai plaisir gourmand que de mélanger le tout. Quelques croutons et pousses.
L’apothéose avec cette chasse, cet incroyable filet de cerf, betterave, chou rouge, jus de cerf au poivre sauvage. Rarement j’ai pu manger un cerf aussi tendre, juste poêlé avec ce fond de sauce ou demi-glacé très parfumé, jamais gras. Chou rouge bien doux comme il se doit et une découverte avec une purée de betterave. Je n’y avais pas pensé mais préparer ce légume de cette manière est très pertinent. La saveur du poivre amène une touche presque inattendue car cela sublime l’ensemble.
Comme supplément, une purée de pomme de terre bien crémeuse qui nous ramène en enfance avec du jus au centre.
Comme dessert, des choux craquelin façon profiterole, glace tonka, grué cacao, sauce chocolat 85%. Chocolat bien entendu local puisque provenant de chez Cocoa Valley.
Nous terminerons avec café et de superbes madeleines…
Question cave, le choix est plutôt impressionnant avec quasiment que des vins nature ou en biodynamie. A vrai dire, c’est Pierre qui après m’avoir « interrogé » sur mes préférence nous recommandera une très belle bouteille avec un vin de Touraine, La Grange Tiphaine, Clef de Sol Coralie et Damien Delecheneau. Un beau rouge fruité et épicé. Son élevage en barriques et l’assemblage de 55% cabernet franc, 45% de côt (en fait du Malbec) lui confèrent un caractère fort et des tannins subtils.
Une très belle prestation, un repas bien réconfortant avec des assiettes des plus gourmandes, on se réjouit d’y revenir et bien entendu de découvrir en 2022 l’établissement frère mais gastronomique qui offrira une série de menus.
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