Si vous skiez sur Val-Thorens, impossible de manquer la piste « Jean
Sulpice » …le parcours est fléché ! Et si vous ne me croyez pas,
regardez les panneaux en haut des remontées quelles qu'elles soient !
Une fois arrivé en bas de la piste, derrière télésiège
et benne, « l’Oxalys » se trouve presque perdu au milieu de la piste.
Nous ne savons plus finalement si nous somme dans le village de Val-Thorens ou
sur les sommets. Quelques virages et vous voilà arrivés à bon port.
Mais soyez rassuré, même si le lieu est
joignable à ski, la route qui monte de la vallée arrive directement à
Val-Thorens et vous pourrez évidement laisser votre véhicule devant l’établissement.
Par beau temps en pleine saison la terrasse
est ouverte ; une fantastique terrasse avec une incroyable vue sur les
montagnes.
Cela faisait plus d’une année que je rêvais de découvrir la cuisine de
Jean Sulpice mais comme ce-dernier se trouve en haut des montagnes, une
planification bien rigoureuse est nécessaire. Venir de préférence lorsque l’on
peut skier pour ceux qui pratiquent ce sport et en tenant compte du logement
car Val-Thorens et ses environs est probablement le domaine de ski le plus
fréquenté qu’il soit. Ce qui signifie que le logement doit également être prévu
à la même occasion.
Une fois entré à l’intérieur de ce grand chalet au bord de la piste,
vous arriverez tout d’abord dans un lobby un salon et un bar. Le bois est
omniprésent mais le décor est plutôt contemporain que Savoyard.
Et à droite l’entrée du restaurant qui laisse aussi présager un décor
plutôt assez moderne.
Une réception avec une paroi où l’on peut trouver une probable collection
entière des guides
Michelin, les ouvrages du chef sur une table et un bouquet
de fleurs printanier.
La salle principale est de belle taille avec un certain nombre de tables
qui sont bien disposées, permettant d’avoir suffisamment de place pour ne pas
être trop prêt des voisins. Une décoration assez étonnante avec tout d’abord
cette moquette noir et blanche, des murs recouverts de peintures florales
stylisées et deux sections distinctes. La première avec un plafond boisé et la
seconde sous une grande voute. Les éclairages sont étudiés afin de créer une
ambiance douce dans cette salle.
Et sur un côté de la salle une grande baie vitrée et au plafond des
lustres rappelant une constellation et le ciel étoilé par beau temps.
Comme dans la plupart des nouveaux établissements qui vont à l’essentiel,
les tables sont sans réel dressage, simplement en bois avec juste les services et
autour des chaises en cuir.
Dans un coin de la salle, le cellier avec une très belle sélection de
flacons.
Nous aurons la chance d’avoir une table qui nous permettra d’avoir une
belle vue sur la salle.
Pour immédiatement vous séduire visuellement et gustativement, une chips
ou galette de polenta à l’ail des ours. Une jolie couleur verte pâle, une
ressemblance avec la texture des « krupuk » indonésiens, un léger
goût de cette herbe de saison au léger parfum aillé.
Quelques branches de sapin sur lesquelles nous trouveront des rissoles
au beaufort. Souvent les rissoles en Savoie sont sucrées mais ici elles sont évidemment
salées, croustillantes et délicatement farcies de la préparation fromagère.
Nous poursuivons avec un assortiment d’amuse-bouche avec tout d’abord un
sablé de sarrasin aux herbes. Une fine galette avec un fin mélanges d’herbes
finement ciselées, une bouchée pleine de fraicheur. A côté une clémentine au
bleu de Bonneval, bleu typiquement savoyard, fabriqué dans la
vallée de la Maurienne au village de Bonneval. Celle-ci est verte car le célèri
branche a été utilisé pour la teinte. Un très beau et ingénieux travail de ce
fromage.
Et comme troisième bouchée ou plutôt petit plat, un magnifique risotto
de célèri. Finement découpé comme du riz, il a été travaillé avec du vin jaune
et du comté. Quelque chose de vraiment très gourmand. Voici une belle entrée en
matière avec trois préparations très différentes et complémentaires.
Nous choisirons le menu dégustation «pleine pente » inspiré de la
carte avec 6 plats et 2 desserts à 169 euros.
Première entrée avec l’œuf aux cèpes. Celui-ci est simplement présenté
dans sa coquille et semble plutôt être quelque chose de classique mais c’est en
plongeant sa cuillère que l’on découvre une impressionnante séries de strates
et textures différentes. On nous suggère donc de prendre les bouchées en omettant
aucuns des éléments de l’œuf. Une formidable association de goûts autour du
champignon, des saveurs très gourmandes, une entrée qui est des plus
réjouissante.
Surprenante suite avec les orties à l’ananas. Poêlées puis agrémentées
de fines lamelles du fruit amenant une touche douce à l’herbe. Arrachée, totalement oubliée en
cuisine, l'ortie est pourtant une plante que l'on avait l'habitude de consommer
régulièrement dans les campagnes il y a quelques centaines d'années. Le goût de
l'ortie est doux et agréable et ressemble à celui des épinards. Ici sublimée
avec l’ananas.
Service du
pain qui arrive visiblement du four car très croustillant. Il est confectionné
par un boulanger des Ménuires selon une recette de Jean Sulpice et fini sur
place. Avec celui du beurre fumé de l’incontournable et magnifique maison
Bordier.
En cette
saison, l’asperge est à l’honneur et un des meilleurs produits est l’asperge de
Sylvain Erhardt du Domaine
de Roques-Hautes. Ici incroyablement préparée car l’associer avec un tartare de
féra fumée est plutôt inattendu mais le plus étonnant sera cette fine sauce au
fromage de l’Etivaz, un fromage AOC d'Alpes Vaudoises aux goût
beurré et fruité inimitable. Une assiette partagée entre classicisme et
créativité.
Comme la précédente assiette, une nouvelle manière d’apprêter un
prestigieux ingrédient, l’huitre, qui ici est chaude. De provenance du bassin
de Marennes d’Oléron en Charente-Maritime, cette huitre papin-poget est appréciée pour son goût, réputée
pour sa finesse et douceur en bouche. Juste pochée, elle est déposée
sur une crème de topinambours, un peu de foie gras, des brisures de noix de
grenoble et une sauce au vin jaune. Nous
revenons à ce genre de met comme le précédent œuf, à savoir une très grande
gourmandise, des saveurs qui se complètent parfaitement. On reste une fois de
plus étonné de voir qu’une huitre peut parfaitement s’associer à ces autres
ingrédients.
Nous
poursuivrons avec la truite au lait de sapin et carottes. Le
filet a été prélevé sur le poisson, cuit ensuite de manière extrêmement précise
car encore légèrement moelleuse à la limite du cru. La peau de la truite est
roulée et déposée au-dessus. Le lait est une infusion subtilement parfumée et
la carotte est travaillée comme un tartare qui lui est parcimonieusement citronné.
Une assiette que je qualifierais de très pure car c’est le produit qui est
avant tout mis en valeur.
Un des plats « signature » du chef avec la fantastique
langoustine en sauce livèche. Snackée quelques instants, cette langoustine de Porcupine
viennent de grandes profondeurs au large de l’Irlande. Elle est recouverte partiellement de petits
dés de pain frit pour la texture croustillante et entourée d’une exquise sauce
à la livèche, aussi appelée ache des montagnes, une plante très aromatique.
Nous changeons
de registre et passons la frontière avec un coup d’œil probable sur l’Italie avec
les « plin » aux escargots et herbes.
Les agnolotti del Plin sont des raviolis typiques de la région des Langhes dans
le Piémont. Ici farcis avec un escargot et un probable beurre travaillé d’une
multitude d’herbes comme persil, menthe, ciboulette, coriandre, aneth et
estragon. On déguste le « plin » entièrement car l’intérieur est
légèrement liquide autour de l’escargot très moelleux. Un de ces plats avec
lequel on pourrait faire un repas tout entier. Absolument parfait.
Quoique de plus compliqué que de surprendre avec une pièce de bœuf !
Soit une viande peut se suffire a elle-même mais le travail ici est exemplaire.
On vous présentera cette viande dans un cassoton où dans le fond on trouvera du
genièvre et des branches de bois brulé pour infuser le bœuf.
La viande sera ensuite tranchée et déposée sur une gamme d’herbes
fraiches et fleurs sauvages. Parfums, légèreté car le fond de sauce ajouté qui
est un jus de bœuf ne sera pas trop riche ou écraserait les saveurs de cette
magnifique viande et une association à nouveau parfaite avec les herbes.
Au choix, un plat à base de fromage ou un plateau de fromage d’une grande
richesse principalement avec des productions de Savoie. En dehors du persillé de Tignes et du bleu de
Termignon, le maitre d’hôtel nous aura fait découvrir d’autres fromages accompagnés
de noisettes du Piémont et d’une délicieuse marmelade d’oranges.
Ceux qui préfèrent une assiette cuisinée, le beaufort, esprit d’un
alpage. Une mousse d’une grande onctuosité et très légère préparée avec ce
fromage, recouverte d’une série d’herbes fraiches, accompagnée de croutons de
pain et d’un caramel de betterave.
Nous continuerons avec les desserts, le premier autour de la rhubarbe et
de la reine des prés qui a un léger goût d’amande. Une crème, les fruits, tout
en harmonie et délicatesse.
Et le dessert « signature », la pomme, meringue, miel de
montagne er antésite. Visuellement une boule qui est réalisée en meringue.
Creuse avec de la pomme en compote, une sauce au miel et antésite qui est un célèbre concentré à
la réglisse, qui a été créé en 1898. Un dessert très visuel et technique qui
rappelle plein de souvenirs d’enfance une fois en bouche.
Et pour terminer une boule au chocolat et mure qui au dernier moment est
flambée à la Chartreuse, qui fondra rapidement dans l’assiette.
Avec ce fabuleux repas tout d’abord une Roussette de Savoie Anne-Sophie 2009
de chez Jean-François Quénard. Un étonnant vin recommandé par l’excellent et
sympathique sommelier ; un vin avec un nez des parfums de fruits secs et de notes
beurrées, une bouche est minérale et longue.
Puis en vin rouge, un fabuleux Collioure Côté Mer, Domaine de la
Rectorie 2014, un vin avec une bouche ample, vive et gourmande, une matière
chaleureuse sur des saveurs de fruits mûrs et d'épices.
Puis passage en cuisine où nous sommes conviés et fort sympathiquement accueilli par Jean Sulpice et sa brigade.
Et une photo de groupe avec cette jeune et brillante équipe de
cuisiniers.
La cuisine de Jean Sulpice est en même temps céleste et terrienne.
Céleste par ce côté épuré et essentiel, recherchant avant tout de sublimer
chaque élément, chaque ingrédient. Terrienne car attachée aux récoltes
végétales, herbes, plantes et saveurs animales. Des assiettes toujours belles
et qui sont souvent très poétiques, très bucoliques mais sans jamais tomber
dans les travers « du fleuriste » comme on trouve de plus en plus sur
certaines tables. Des saveurs toujours très précises sans superposition de goûts
qui finalement masquent la saveur primaire des ingrédients.
Un service jeune, absolument dévoué et enthousiaste chez qui l’on
ressent une grande admiration pour le chef. Une table assez unique dans son
genre car ce fut un voyage gustatif et odoriférant qui a aucun moment ne m’a
rappelé un des autres chefs qui utilisa également abondement les produits de la
nature dont les herbe dans sa cuisine.
Une grande table qui vaut définitivement le voyage à elle seule.
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