Voici
probablement une de mes « tables de 2015 » qui n’est pas encore
vraiment médiatisée mais qui risque surement de l’être d’ici peu de temps.
« Llama Inn » est un restaurant péruvien de New-York ou plus
précisément Brooklyn ou même Williamsburg. Maintenant j’ai envie de dire que
« péruvien » est un peu limitatif et si je dis « nikkei», cela
fera trop penser au phénomène de mode actuel avec des tables comme
« Pakta » de Barcelone. Pour être plus juste je devrais dire
« d’inspiration péruvienne et créative ». Ouvert il y a très peu de
temps à savoir au mois de Novembre, le chef n’est surement pas un inconnu car
il s’agit de Erik Ramirez ancien sous-chef de « Eleven Madison
Park », célèbre 3 étoiles où officie « notre chef Suisse, Daniel
Humm ». Puis travailla chez « Nuela » en 2009 et qui se
transforma en « Raymi » où il devint le chef exécutif. Un cuisinier
qui voyagea également au Pérou, passant de cuisines en cuisines, rencontrant
les célèbres Diego Muñoz de «Astrid y Gastón » et Virgilio Martinez de
« Central », deux des tables parmi les plus médiatisées de 2015. De
son voyage, il s’inspire de ce qu’il a vécu mais en pensant y ajouter une
touche très personnelle.
Son
établissement se situe dans une rue que je pourrais qualifier de plutôt
particulière car ressemblant plus à ce que l’on verrait dans une série
policière américaine la nuit que à quoi ce que l’on s’attend. Face à un pont un
peu lugubre sur lequel se trouve une rue passante, en dessous du parking si
vous êtes en voiture et vous voilà face à un coin de rue où se trouve le
restaurant.
Un bâtiment
qui ressemblerait à un garage ou un entrepôt de briques complètement transformé
avec de grandes fenêtres encadrées par des structures métalliques de métal
noir.
Une entrée
sur le côté et vous voici face à une porte en bois qui vraisemblablement est
ancienne et peut-être provient du pays du chef.
Une fois à
l’intérieur vous serez grandement surpris par la beauté du lieu avec ce côté
ultra-moderne, un bar central, un plafond très haut, une structure un peu
octogonale avec des tables tout autour du bar toujours le long des parois
vitrées. Dans un coin de cette salle la cuisine ouverte où vous pourrez
contempler l’équipe à l’œuvre.
L’œuvre
d’art qui se trouve dans une niche circulaire est particulièrement magnifique,
une composition de fils de laine qui s’entremêle et de diverses couleurs.
Laines réutilisées pour les grands lustres centraux au-dessus du bar.
Ce qui est
vraiment très bien pensé sont ces diverses manières de pouvoir festoyer. Soit à
des tables conventionnelles, soit sur des banquettes perpendiculaires aux
fenêtres ou même encore face à celles-ci comme si vous vous trouviez face à un
bar. Une architecture vraiment très bien pensée entre élégance et
décontraction. Un design imaginé par la société de Joseph Foglia.
Je vous
encourage de démarrer votre soirée au bar car les cocktails péruviens sont tout
bonnement fabuleux. Une très belle série de « pisco », eau de vie de
raisin que l’on déguster comme de simples alcools forts mais je vous recommande
les cocktails. Par exemple le « Llama Del Rey » dont le nom se peut
être une référence à la chanteuse… Un mélange de pisco de la marque Barsol
appelé « mosto italia » car distillé avec des raisins italiens, du
vin rouge, de la « chicha morada » une boisson non alcoolisée
fabriquée à base de maïs violet, l'une des diverses variétés de maïs péruviens,
de zacapa un rhum produit au Guatemala, de citron vert, d’ananas grillé et de
poivre rose. Un mélange absolument raffiné et unique dans son genre.
Le
« Flying Purple Pisco » avec du « macchu pisco quebranta »,
une touche de purée de pomme de terre pourpre, du blanc d’œuf battu, du citron
et citron vert. Un autre fabuleux cocktail.
Et encore
un autre cocktail avec le « Tia Julia », avec du « macchu pisco
quebranta », du « cocchi americano » un vin apéritif produit par
Giulio Cocchi Spumanti de la province d’Asti en Italie, du citron vert, de
l’ananas grillé, de la muña qui est une tisane péruvienne et du vin pétillant. A
nouveau impressionnant de justesse dans les saveurs et inédit.
Pour
accompagnement, ces petites graines de maïs grillées bien plaisantes.
Allez
observer quelques instants l’impressionnante équipe en cuisine qui travaille
avec rigueur et sans perdre un seul instant. Vous pourrez voir le chef Ramirez
avec sa casquette de joueur de baseball à l’envers sur sa tête.
La cuisine
péruvienne a subi un certain nombre d’influences comme le Japon et la Chine. C’est
pour cette raison qu’une majorité des plats proposés utiliseront certains
ingrédients de ces deux pays. Nous connaissions déjà le terme
« nikkei » pour décrire cette fusion Pérou-Japon mais j’apprends
également que le terme « chifa » symbolise la fusion Pérou-Chine.
Sur les
recommandations du serveur nous choisirons une suite de plats à partager. Nous
démarrerons avec un Ceviche de « fluke » qui est un poisson plat type
limande ou plie réalisé avec des bananes plantain, du dashi, ail doux, oignon
rouge, citron vert et coriandre. Première observation, la vaisselle est
magnifique et la présentation magnifique. La marinade est absolument magnifique
car les saveurs parfaitement équilibrées entre acidité et le côté salé du
dashi. Le poisson est d’une remarquable fraicheur et le jeu de texture parfait
avec le croustillant des chips de banane, le moelleux du poisson fraichement
mariné pour ne pas le « cuire », le croquant de l’oignon. Un ceviche
vraiment formidable.
La Salade
de quinoa, banane, avocat, bacon et noix de cajou est une autre merveille.
Jamais je n’avais autant apprécié cette plante herbacée originaire des Andes.
Il y a un exemplaire équilibre entre tous ces ingrédients avec à nouveau
magnifique jeu de textures associant le moelleux, le croquant et le liquide de
la sauce. N’étant originellement pas conquis par cette pseudo-céréale. Me voici
presque médusé par un plat aussi savoureux.
Arrive une
planche de bois avec des « anticuchos » qui sont en fait des petites
brochettes le plus souvent réalisées avec du cœur de bœuf.
Celle-ci aura
mariné avec de l’ « aji panca » qui est un piment péruvien puis qui
sont ensuite piqués sur une brochette, et grillées sur un grill
« Robataya » ou « Robatayaki » qui est un appareil japonais
similaire au barbecue que l’on connait. Etonnement ce cœur ressemble à de la
viande de bœuf et en aucun cas n’aurait le goût d’un abat. Délicieux, c’est accompagné d’une sauce
rocoto, la plus célèbre au Pérou, dont les ingrédients sont les piments rocoto
mélangés avec de l’huile, du jus de citron vert péruvien, parfois du lait, de
la coriandre ou du persil.
Autre
brochette de poitrine de porc char siu avec une mayonnaise épicée. La viande a
été enrobée des 5 épices chinoises, de sauce soja, d’ail, de poivre noir comme
pour les barbecues chinois. Un exemple d’un plat « chifa » qui s’est
avéré à nouveau parfait.
Une
Crevette à l’adobo, un met souvent servi dans la région de l’Arequipa, qui
consiste en une marinade d’ail et citron vert, mais aussi souvent de paprika et
d’origan. La crevette est parfaitement grillée conservant encore un côté
moelleux à l’intérieur.
Et comme
dernière brochette, du Poulet avec du soja fermenté et « aji verde »,
une sauce au piment vert péruvien et de coriandre fraiche. La volaille est
encore légèrement juteuse, parfumée et agrémentée de cette délicieuse sauce
subtilement pimentée.
Le plat qui
nous aura totalement bluffé sera le Collier de chèvre, pommes de terre, navet,
coriandre, « chicha de jora », quinoa rouge. A priori on pourrait
être réticent à manger de la chèvre mais il faut se rappeler que c’est du « cabri »
et très ressemblant à de l’agneau. La présentation est absolument magnifique,
la viande fond en bouche, la sauce est divine car montée au « chicha de
jora » qui est une boisson fermentée type bière réalisée avec du maïs. Quelques petits légumes parfaitement cuits et
ces galettes de quinoa croquantes qui ajoutent un côté croustillant à chaque
bouchée. On ne peut s’empêcher de finir cette sauce avec cette touche de purée
de coriandre. Un très grand plat !
Met suivant
avec de l’omble de l’arctique, des pommes de terre des Andes, du cacao, des cacahouètes,
et une sauce créole. Un peu semblable à l’omble chevalier, le poisson est cuit parfaitement,
l’accompagnement étant une compotée a base des ingrédients susmentionnés relève
la chaire fine de ce plat. Un poisson sublimement rehaussé par d’étonnantes
saveurs.
Et pour
terminer, à nouveau un plat tout à fait surprenant, une Salade de lentilles,
champignons maitake et huitre, œuf poché et chou kale. Le chou a été sauté afin
d’amener une touche croustillante en bouche. Au-dessous, la salade de lentilles
accompagnées des champignons magnifiquement assaisonnés et un œuf coulant. Des
saveurs distinctes et gourmandes avec toujours ces impressionnants jeux de
textures.
Comment ne
pas considérer un dessert suite à une telle découverte culinaire ! Un
sacré challenge que de proposer un dessert nommé Chocolat, café et lucuma, un
fruit tropical. Les desserts chocolatés peuvent souvent être quelconque mais
ici grâce à un probable tour de magie, on tombe à nouveau dans le sublime. Ce dessert
est réalisé avec du chocolat péruvien, transformé en une crème glacée pas trop
sucrée, un biscuit au café et le lucuma émietté sur le dessus. Probablement l’un
des meilleurs desserts chocolatés cette année.
Avec ce
repas nous avons préféré choisir des boissons non conventionnelles. Avec un fabuleux
cidre 1911 Cider 7 de la maison Beak & Skiff
et une bière de Williamsburg, la
Brooklyn Greenmarket Wheat.
On ressortira enchanté de cette expérience en pensant que ce fut l’un
des cinq meilleurs repas de cette année. Une cuisine péruvienne sublimée, un
chef qui sans aucun doute va devenir une référence dans la matière, un
établissement tout bonnement magnifique.
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