vendredi 16 novembre 2018

Vinogrado, Barcelone


Voila l’adresse dont on va rapidement parler au vu de la qualité de la prestation reçue il y a quelques jours de cela. Vous ne trouverez pas vraiment beaucoup d’information sur cet établissement à ce moment mais cela ne saura tarder. Situé dans Sarria, on peut tout d’abord apprendre que l’établissement a été créé par deux partenaires russes ; le chef et le responsable de salle qui lui en tout cas est à peu près depuis une quinzaine d’années à Barcelone, maitrise parfaitement la langue et bien entendu l’anglais. Un pari que de lancer une nouvelle table dans ce quartier mais lorsque l’on dîne si bien, la distance n’a plus vraiment d’importance.  Ouvert donc ce mois de Juillet, c’est vraiment l’adresse qui amène une autre bouffée d’air frais dans une restauration encombrée de plats et d’assiettes souvent semblables, où l’imagination fais souvent défaut, ce qui n’est pas le cas ici.


En cuisine, un jeune chef au nom de Sergio Vinogradov et qui semble avoir donné le nom de cet établissement, presque celui de son nom de famille et qui s’après ce que j’ai compris est auto-didacte. Ne parlant pas encore d’autres langues, c’est à peu près tout ce que j’ai pu collecter comme information. Ou alors la seule, c’est qu’il ne souhaite pas avoir une table « comme partout ailleurs » mais faire découvrir de nouvelles saveurs qui sont peu habituelles à Barcelone, probablement le plus souvent plus continentales. Et en salle, le très accueillant et sympathique Evgeny Díkarev qui est partenaire et qui nous aura accompagné tout au long du repas avec beaucoup de professionnalisme.


Un local qui a très bien été pensé car plus chic qu’à l’accoutumée avec un décor un peu classique ou plutôt je dirais « club à l’anglaise », une ambiance reposante, des arrangements confortables, une atmosphère sereine, peut-être même un peu romantique. On appréciera ces alcôves, ces grandes toiles modernes sur les murs de couleur taupe, ces fauteuils assez inhabituels et cet important détail, ces valets de nuit en bois pour normalement porter vos costumes, cravates et pantalons, mais ici utilisés pour vos vêtements.






Au bout d’un moment, on aurait presque l’impression de se trouver chez des particulier ou du moins dans un appartement avec plusieurs salons.


A l’entrée, un bar plus conventionnel mais approprié pour prendre un cocktail si on le souhaite et probablement déjeuner puisque l’on trouvera quelques tables juste devant.



Si l’on jette un rapide coup d’œil sur la carte, on pourrait avoir une impression de trouver une cuisine un peu « fusion » mais en regardant à deux fois les composantes de chaque assiette, on s’aperçoit que les ingrédients sont souvent soigneusement sélectionnés, les inspirations multiples à savoir françaises, italienne, asiatiques. Ensuite les compositions souvent très intéressantes et originales.

Par exemple ce délicieux et onctueux pâté de foie de poulet au madère avec un praliné de pistaches caramélisées. Je ne me rappelle pas d’avoir trouvé une seule fois…un plat avec du foie à Barcelone et encore moins en pâté. Une inspiration française des plus agréable et qui change enfin des saveurs locales souvent identique. Sa texture est parfaite car il a été monté avec un corps gras, l’assaisonnement équilibré avec cet alcool qui a un peu été perdu de vue, le côté un peu doux et croustillant des pistaches amène un très plaisant goût et un complément de texture en bouche. Le pain de coca toasté est parfait, légèrement huilé, la petite crème de persil apporte de la fraicheur.



Et du pain à la tomate mais non pas classiquement servi comme partout ailleurs mais avec un coulis de tomate particulièrement bien assaisonné avec également une très bonne huile d’olive.


On remarquera immédiatement que les dressages sont soignés et ce n’est pas le prochain plat qui contradirera mon propos avec la salade tiède d'anguille fumée au fromage à la crème et lanières de concombre à la sauce asiatique. Un plat vraiment original, assez poétique dans sa présentation et son assiette verte et qui s’inspire selon moi de plusieurs cuisines. La première qui est évidente, le Japon avec cette anguille laquée. Normalement la technique c’est de griller ses filets sur la braise en les couvrant d’une sauce sucrée-salée à base de mirin, de sauce soja et des arêtes de la bête, selon la technique appelée kabayaki. On la sert ensuite généralement sur un bol de riz mais ici on l’a associée avec une crème de fromage battue en dessous qui amène de la fraicheur et qui se marie très bien avec ce poisson fumé. On pensera tout de suite au chef russe et au fait que dans son pas d’origine, on est friand de poissons fumé associés et où la crème fraîche est essentielle ! Puis pour compléter l’assiette, un superbe mélange de salades type mesclun, ce qui est plutôt rare ici, ces quelques concombres marinés qui à nouveau peuvent être un rappel en même des concombres à la russe mais aussi bien entendu l’Asie avec sa marinade et la chips de riz sur le dessus. Beaucoup d’idées, d’originalité et de plaisirs gustatifs.




Assiette suivante à l’aspect très frais, les raviolis « maison » ouverts au poulet fermier, morilles et tomates séchées. En réalité cela aurait aussi pu être une forme de lasagnes, avec une très bonne pâte aux probables épinards, une sauce à base de volaille découpée en fins petits morceaux, des morilles ce qui est à nouveau inhabituel ici et très agréable associé au poulet, de la tomate pour une touche un peu douce. Au dessus des herbes fraiches avec un clin d’œil nordique puis que l’on trouve de l’aneth, des craquants au parmesan. Belle assiette de pâte peu conventionnelle.


Autre très beau plat inspiré par le sud, un risotto de courge du jardin au canard confit et sauce madère. Risotto crémeux cuit à la perfection avec une touche de courge dans la sauce. Courge également sur les côtés, puis cette très bonne idée que d’ajouter du confit de canard caramélisé en petit morceaux non pas directement dans le riz mais sur le dessus, quelques gouttes de madère pour une saveur additionnelle dans l’assiette.


Le riz est vraiment de superbe qualité et bien entendu se trouve être un Carnaroli, un produit d’excellence, unique en son genre, aux grains fermes et de grande dimension ; il est particulièrement adapté à la préparation de risottos raffinés comme ici.


Et nous ne serons pas en reste avec à nouveau de très surprenants desserts plein de technique et de sensibilité comme par exemple cet unique cheesecake à la texture vaporeuse au lait frit et framboises du jardin. Pas le cheesecake auquel l’on s’attend car celui-ci comme le dit l’intitulé est plus une mousse avec de la framboise fraiche, une partie lyophilisée et un sorbet du même fruit. Un peu de zeste de citron vert, une poudre biscuitée. Sacrée belle réalisation.


Et une incroyable texture pour cette exceptionnelle glace au sésame noir à absolument ne pas manquer. La perfection dans sa texture et saveur, avec un craquelin toujours au sésame noir sur le dessus.


Comme vin, une bouteille de Priorat Scala Dei Rouge 2017, de couleur grenat, robuste, avec une saveur dense, riche, et un arôme très intense, et souvent avec le très présent reflet minéral du sol.


Une très belle entrée dans la gastronomie Barcelonaise avec une cuisine d’auteur, des saveurs autres, des associations pertinentes, des dressages de qualité et tout ceci dans un cadre très plaisant flirtant légèrement avec le côté un peu « boutique » et presque « club de gentilhommes ».


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