Le quartier
de El Raval semble un peu se gentrifier selon une expression à la mode. Pendant
longtemps ce fût l'un des lieux les plus malfamés de la capitale catalane, mais
aujourd’hui devient tellement tendance que les Barcelonais ont même inventé un
verbe pour dire se promener dans El Rava « ravalejar ».
Certaines rues peuvent sembler être glauques et d’autres ont été squattées par
de nouveaux établissements tels que des bars ou restaurant qui deviennent les
lieux où il faut se montrer.
Ne soyez
donc pas étonné que même des chefs réputés ayant d’autres établissements dans
la ville ouvrent un établissement dans ce quartier. Un de ces chefs réputés
Carles Abellan resté quinze ans chez El
Bulli y
a ouvert un établissement appelé « Suculent ». Ce chef catalan a un
peu révolutionné la scène des tables proposant des tapas en y apportant une certaine
dose de créativité. Sa table la plus
réputée étant Commerç24 déjà ouverte il y a quatorze années et qui s’est
retrouvée étoilée au Michelin. C’est aussi lui qui ouvra en 2007 l’excellent
Tapaç24 dans le Paseo de Gracia où j’ai eu l’opportunité de manger deux fois il
y a quelques mois et probablement parmi les meilleurs tapas créatifs de
la ville.
Et cela ne
s’est pas arrêté là en raison du succès grandissant de ces établissements, des
ouvertures d’autres établissements comme « Bravo » et justement « Suculent »
sans compter un autre « Tapaç24 » à Montréal. Il faut de suite préciser
qu’il ne s’agit en aucun cas d’une chaine de restaurant mais d’un concept
répliqué pour chaque établissement. En réalité plutôt un business model car
chaque lieu a son style et propose des cuisines un peu différentes. Ce que l’on
retrouvera de commun sera plutôt la rigueur que l’on trouve dans les assiettes,
des ingrédients choisis, des produits de qualité, la créativité des mets, un
service de qualité et des décors toujours très agréables.
« Suculent »
se trouve en plein centre d’El Raval, sur la Rambla qui est un poumon d’oxygène
au cœur du quartier. Une large avenue où l'on peut rencontrer des gens de
provenances sociales, culturelles et géographiques bien diverses. C'est aussi
une des rues préférées des jeunes locaux ou étrangers qui voient changer le
quartier jour après jour. D’ailleurs on observera qu’à chaque nouvelle visite,
de nouveaux bars ou tables viennent s’ajouter tout autour de la Rambla.
Il existe
en réalité deux parties pour « Suculent », la taverne et le
restaurant lui-même. La taverne étant plus un lieu pour prendre un apéritif tel
qu’un vermouth avec quelques bouchées dans une atmosphère informelle. Le restaurant attenant lui n’est pas
réellement un restaurant mais plutôt ce que je qualifierais de gastrobar. On y
accède par la jolie devanture boisée qui donne dans le bas de la Rambla à
quelques mètres de la taverne.
Comme d’habitude
chez Abellan, le décor est soigné et ce n’est pas un bar en plus… Un très beau
comptoir devant lequel l’on peut se restaurer éclairé par des lampes industrielles
et derrière une structure boisée où se trouvent bouteilles et verres.
Les tables
face au bar plutôt élevées sont dans un vieux
bois de récupération conférant à l’endroit un côté un peu rustique et
traditionnel mais avec une touche contemporaine très tendance. Dans un coin des
catelles représentant une ancienne marque de bière donnent une touche un peu
rétro à cette salle en longueur dans les tons verts. Il y a presque quelque
chose d’un peu d’un pub britannique probablement lié à cette couleur.
On mange
donc soit au bar ou alors à l’une de ces tables. L’endroit n’est pas non plus
très grand et une réservation est obligatoire.
La carte n’est
pas énorme mais est complétée par les assiettes du jour inscrites sur une
ardoise à droite du comptoir. Des mets dont les intitulés sont tous plus
attirants les uns que les autres, quelque chose de constant dans les
établissements de ce chef. En faisant notre sélection quelques délicieuses
olives nous seront amenées.
Une
tradition que de commencer avec le classique Pain de Cristal aux tomates. On
vous servira un peu partout cet accompagnement mais très rares sont les
endroits où le pain est de qualité. Il faut impérativement que cela soit ce
fameux pain très aéré comme ici recouvert d’une excellente huile d’olive
vierge.
Les Croquettes
à la queue de bœuf et trompettes de la mort sont un modèle du genre et illustre
le côté créatif du chef avec l’adjonction de champignons amenant un côté plus
goûteux aux croquettes.
Une autre
assiette qui nous impressionnera, l’« Ajoblanco » avec des sardines
fumées et œufs de truite. L’« Ajoblanco » est à la base une une soupe
froide à base d’amande, de mie de pain, d’ail et d’huile d’olive, typique de
l'Andalousie et de l'Estrémadure. Ici utilisée plus comme une sauce sur
laquelle on retrouvera une manière de préparer des sardines qui m’était
inconnue à savoir crues mais surtout fumées avec quelques œufs de poisson sur
le dessus. Des saveurs très prononcées comme l’ail, l’amande et le fumé en font
une magnifique assiette.
Nous serons
également impressionnées par les Huitres grillées à la joue de jambon ibérique.
Les huitres sont tièdes et cuites à moitié afin de conserver un peu de
mollesse, ont une saveur légère de fumé et recouvertes d’une onctueuse sauce à
base de pistaches avec quelques copeaux de ce jambon. Un traitement de l’huitre
très intéressant et gourmand.
Le plat
suivant peut sembler étrange mais cela restera probablement celui qui nous aura
le plus impressionné, les Calamars au foie gras. Une incroyable association de
saveurs terre-mer qui s’avéra d’être une parfaite justesse en bouche.
Et pour
terminer un plat probablement plus traditionnel mais excellent, le Poulpe
grillé au pois chiche et boudin noir. Tendre et tranché, le poulpe se retrouve
sur le dessus d’une potée de pois chiches dans lesquels est incorporé le boudin
plus comme un assaisonnement que des morceaux entiers ainsi que de l’oignon
caramélisé.
Impossible
de ne pas tester un dessert suite à la justesse d’un tel repas et cela sera un
riz au lait de coco, mangue, citron vert et piment. Le genre de dessert pour
lequel on risque de se réveiller la nuit et se diriger vers le frigo… Un riz
cuit à la perfection, crémeux, pas trop sucré et ces mangues parfumées rehaussées
par le côté parfumé du citron et la touche pimentée.
Pour
accompagner ce repas, un Priorat Gotes 2013 qui s’est avéré être magnifique
avec une couleur rouge cerise, des arômes de fruits murs et presqu’un côté
toasté.
A nouveau
une table de Carles Abellan qui fait mouche avec d’excellentes assiettes, un
décor très agréable et contemporain, une ambiance informelle, un peu plus de
confort et de service que par exemple chez Tapaç24. Probablement l’une des plus
belles tables de El Raval.
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