vendredi 31 décembre 2021

Mes adresses: Rawal Gin, Barcelone

 

Il y a quelques années en sortant d’une restaurant dans le Raval, nous étions allés prendre un dernier verre dans un lieu un peu particulier appelé la Pesca Salada car il s’agissait d’une ancienne poissonnerie. C’est là que se faisait en ville parmi les meilleurs gin tonic avec un barman passionné au nom de Sergi Lopez qui faisait d’originales associations avec entre autres un Rawal Gin avec un peu de piment de Jamaïque et de citron. Le temps passa et le barman quitta les lieux. Un de ses amis lui suggérant de créer sa propre marque de gin !

Sans connaissances particulières à part la préparation du cocktail, Il commença donc a créer de manière artisanale du gin chez lui, dans sa maison, un peu comme celles et ceux qui font leurs propres bières. Quelques temps plus tard, un peu plus confiant, il pris des cours je ne sais où afin de comprendre les processus de distillation, comment fabriquer cet alcool, comment se procurer les ingrédients nécessaires et comment le commercialiser.

C’est un peu par hasard que je vis une affiche quelque part mentionnant qu’il existant à Barcelone une distillerie de gin bio appelée Rawal Gin. A vrai, dire je ne me rappelle pas si ce fût une affiche dans un bar, un restaurant ou un commerce, mais le nom était gravé dans ma tête. Une recherche sur internet et je tombe rapidement sur cette mini-fabrique artisanale où justement Sergi Lopez produit son propre gin, tout seul et son alambic !

Sur son site, il est possible de réserver une visite qui a priori est le vendredi moyennant une somme de 12 euros mais qui bien sur inclut un cocktail sans négliger toute la visite et les explications sur le processus de fabrication. Sergi est quelqu’un de très flexible et probablement que si vous êtes plusieurs vous pourriez organiser une visite a un autre moment en fonction de ses disponibilités.

Pour visiter il faudra vous rendre dans le quartier de Poblenou dans un coin qui à l’époque se voulait industriel avec des entreprises de textiles jusqu’aux années 80. Ca l’Illa  (l’île) est donc situé entre les rues Bolivie, Puigcerdà, Maresme et Maroc, dans le quartier de Sant Martí. Malgré sa construction en deux phases, il a un aspect unitaire. Les différentes nefs occupent les quatre côtés de « l’île » et dans l’espace intérieur, les nefs sont en forme de U avec un bras plus long que l’autre ; le bras le plus long est attaché perpendiculairement au bâtiment de la rue Maresme et deux ponts relient cette structure centrale aux périmètres. La décoration des façades est liée à l’art déco. Elles sont en briques apparentes et ont un rythme régulier marqué par de grandes fenêtres quadrangulaires séparées par des pilastres à chapiteau lisse ; ces pilastres sont constitués de pièces rectangulaires qui peuvent être lisses ou avec une pointe en diamant. À l’intérieur, les structures sont enrichies d'arcs en plein cintre et de corniches décoratives. Faillites, vente des locaux et nouvelles occupations par divers artisans dans cette enceinte art-déco, dont Rawal Gin.

Un petit local, des cuves, des bouteilles et les l’alambique dans une pièce. Un coin pour l’embouteillage.


Une fois la visite faite, cela sera une présentation de Sergi des notions de base sur la distillation et ensuite comment le gin est produit.

La plupart de la fabrication d’alcool commence par un produit agricole qui subira un processus de fermentation. La base la plus courante pour la liqueur est un mélange de céréales par exemple, le maïs, le blé, le seigle ou l’orge maltée bien que les producteurs puissent utiliser de nombreux autres ingrédients à ce stade, comme la mélasse, le miel, les pommes, les raisins, les carottes ou les pommes de terre. Après avoir subi le processus de fermentation, cette base produit de l’éthanol, que les fabricants de gin tamisent hors du mélange solide, les laissant avec de l’alcool pur et liquide. C’est cet éthanol que Sergi achète et qui est de grande qualité et bio.


Après ce processus de première distillation, Sergi ajoutera de l’eau au produit pour obtenir l’alcool désiré en volume.

Etape suivante avec les baies de genévrier qui ont une saveur boisée et semblable à celle du pin. Elles sont le seul ingrédient botanique requis pour que la liqueur soit considérée comme du gin et sont généralement ajoutées pendant le processus de seconde distillation suivant une macération de 24 heures.


La plupart des fabricants de gin ajoutent différents ingrédients botaniques au cours du processus de fabrication du gin, y compris l’écorce d’agrumes (en particulier l’écorce de citron et d’orange amère), la racine de réglisse, la racine d’angélique, la racine d’orris, la cardamone, l’anis, la coriandre et la cannelle. C’est en fait un peu le secret de chacun des fabricants et le dosage leur est personnel. Ici aussi tous les ingrédients sont bio. Les plantes utilisées étant présentées sous forme de dessins-gravures sur l’un des murs de l’atelier.

A noter qu’il y a deux techniques principales de distillation, celle avec une macération préalable et celle appelée infusion de vapeur. C’est la première que Sergi utilise pour avoir une qualité constante de son produit.




Pour terminer il nous montrera comment élaborer un bon Gin and Tonic afin que chacun de nous puissions préparer le nôtre.


Bien entendu vous pourrez repartir avec vos bouteilles, et remercier Sergi de son superbe accueil, d’apprécier le sérieux avec lequel son produit est fabriqué et se féliciter d’avoir trouvé quelqu’un d’aussi passionné à Barcelone produisant un alcool d’exception.

 

jeudi 30 décembre 2021

Madre Taberna Moderna, Barcelone

 

Dimanche soir et période de fêtes, pas simple de trouver un établissement et je me suis décidé a aller diner dans un quartier pas franchement les plus tentant d’un point de vue gastronomique sachant que les alentours de la Sagrada Familia est plutôt exclusivement touristique et plein de chaines de fast-foods.  C’est un peu oublier qu’il existe tout de même la Casa Madre qui appartient à Leo Chechelnitskiy, le propriétaire du Babula Bar et Sasha Bar dans le Poble Sec ou je suis déjà allé.

La « Case Madre » ou « Madre Taberna Moderna » est un hommage à sa mère où l’on trouvera une cuisine réalisée avec honnête dans un quartier manquant de propositions avec âme et tradition, conçue par le chef Pol Bigorra, qui donne vie à des plats de tradition et de saveur. Des plats la plupart assez traditionnels fidèles aux souvenir de Leo mais tout de même avec une touche créative.


Après un restaurant russe au nom de Nazarovia, cette adresse réinterprète ainsi le design intérieur d’Interpala, l’endroit que la mère de Leo a ouvert en 1994 et où tant de tapas ont été servies jusqu’en avril de cette année, date à laquelle elle a ouvert le nouveau restaurant.  Mais Casa Madre n’est pas russe, mais très Barcelonaise, tant sur le fond que dans la forme.


Une entrée par le bar, une décoration avec un certain charme où l’on a l’impression que le lieu est ancien même si intentionnellement vieillit. Quelques vieux meubles, des fleurs, c’est bien pensé et assez différent de tout ce que l’on pourrait trouver dans le quartier, cela a du charme.


La salle de restaurant au fond a également son style qui pourrait laisser penser que nous sommes un peu chez des privés, dans un appartement.



Comme nous sommes le 26, il y a un menu de fête pour la somme de 40 euros boissons comprises qui nous permettra de ne pas trop devoir finalement choisir et qui est plutôt bien pensé. Une longue sélection de plats à se partager mais aussi un choix de plats principaux. Franchement c’est une proposition de qualité sagement tarifée.

Par exemple on commence avec un verre de Cava et des huitres Gillardeau dont la réputation n’est plus à faire et il faut reconnaitre plutôt rares à Barcelone.

Un peu une découverte que la Presa iberica, non pas et tant que viande mais je n’avais jamais gouté celle-ci en charcuterie.  La Presa iberica, fait partie de ces morceaux quelque peu secret mais dont on raffole une fois découvert. Consommée sèche, crue, ou grillée, elle dévoile des saveurs différentes que les consommateurs avertis pourront largement comparer et apprécier, à l’égal du jamón de bellota ou de la paleta, une partie riche en goût qui mêle des saveurs de noisette et de gland.

Un plateau de fromage sec D.O. Zamora, fromage de brebis, classique de Castille.

Pour accompagner, du pain au levain avec beurre au romarin et tomates.

De très bonnes croquettes de jambon ibérique avec même une tranche sur le dessus.

Des croquettes à l’encre de seiche et crevettes.

De la cecina de vache maturée.

Le plat de noël par excellence L’escudella i carn d’olla, l’un des plats typiques de la gastronomie catalane. C’est une variante des recettes classiques de ragoût avec de la viande et des légumineuses, telles que le cocido madrileño, le ragoût andalou, le cocido maragato ou le cocido montañés. Le ragoût catalan ou escudella, se caractérise par l’inclusion parmi ses ingrédients les « piles », une sorte de boulettes de viande allongées en forme de croquettes, faites avec de la viande, des œufs, du pain, de l’ail et du persil, qui sont cuites dans le bouillon. En outre, il est également particulier qu’au lieu d’utiliser des nouilles ou du riz, la soupe soit servie avec des coquilles de pâtes appelées « galets » cuites dans le bouillon. Comme un bon plat traditionnel de la Catalogne, dans l’escudella catalane sont utilisés en plus d’autres viandes, les saucisses noires et blanches qui sont servies coupées en tranches.

Un classique riz au four avec boutifarre et champignons type chanterelles.

On ne manquera pas le cochinillo au four. Recette de l’un des rôtis les plus traditionnels et les plus célèbres de Castille. Un rôti qui mélange la texture croquante et grillée de sa peau avec une viande juteuse qui ravit tout invité ou dîner. Depuis à Ségovie et Avila, c’est l’un des plats les plus célèbres de toutes les célébrations importantes. C’est l’un des plats qui triomphe le jour de Noël dans le centre de l’Espagne.

Puis une crème catalane maison.

Un assortiment de turrons et chocolats pour conclure le repas.

Tout au long fu repas un Lopez de Haro Rioja Crianza 2018 servit généreusement.

Une belle prestation que ce menu de fête servit avec efficacité, de jolis plats à se partager, un cadre de circonstance, une adresse a sérieusement considérer dans ce quartier.

mercredi 29 décembre 2021

Virens, Barcelone

Ce n’était pas la première fois que j’allais dans l’hôtel Almanac sur la Gran Via de les Corts Catalanes puisqu’il y a trois années de cela, j’y avais particulièrement bien dîné dans leur restaurant « Línia ».  C’est avec un concept totalement nouveau que l’hôtel s’est lancé avec le restaurant maintenant appelé « Virens » (vert en latin) du chef Rodrigo de la Calle qui a déjà une étoile Michelin à Madrid, récompensé en tant que chef révélation à Madrid Fusion, en 2011. Beaucoup plus tôt, en 2000, il déménagea à Elche où il travailla dans les cuisines de l’Hôtel Huerto del Cura et a réussi à s’établir en tant que chef exécutif. Il y rencontra le botaniste Santiago Orts et sa cuisine pris un virage à 180 degrés.



Un établissement un peu particulier car vous pénétrerez dans un monde végétal ! Ouvert en février 2020 mais fermeture par la suite pour les raisons que l’on connait.



Il faut bien comprendre que malheureusement en Catalogne et ailleurs en Espagne, les légumes ne sont pas vraiment au centre de l’assiette. Déjà ce n’est pas simple que de trouver de bons légumes à Barcelone et cela m’a mis plus d’une année à trouver quelque chose de qualité, bio et c’est principalement dans un marché à ciel ouvert et peu connu. Les vendeurs de fruits et légumes de la plupart des marchés fixes, ne proposent que rarement de la qualité. Puis dans la restauration, le légume n’est que très rarement au centre de l’assiette, parfois même inexistant. Les seules références de qualité gastronomique fût a un moment le disparu et excellent « 4Amb5 » et aussi chez « Xavier Pellicer ». A part cela, rien à signaler sauf peut-être le nouveau « Savia » de Tomas Abellan.

Mais attention, cela ne signifie pas que cela soit un « restaurant vegan ou végétalien » mais un restaurant avec un focus principal sur le monde végétal en travaillant gastronomiquement le légume. Donc ne pensez-pas être dans un club pour antispéciste ou un repère ou tout sera « veggie », mais plutôt une mise en valeur extraordinaire du monde des légumes et de manière gastronomique, sans oublier la qualité du produit lui-même. A noter que vous trouverez aussi un ou deux plats de poissons ou viandes.

Si aujourd’hui certains cuisiniers regardent le garde-manger de légumes avec des yeux différents, le mouvement n’est pas encore grandement généralisé en encore moins à Barcelone. La cuisine du chef Rodrigo de la Calle est lumineuse, jamais triste ou ennuyeuse. Tout sera cuisiné de manière ingénieuse ; des plats savoureux, avec des légumes croquants, des cuissons pointues, des fonds de sauce exceptionnels, des textures magnifiques. Comme je l’ai entendu, c’est de la gastrobotanique ou de la haute cuisine verte ! Une utilisation souvent de variétés oubliées ou inconnues du règne végétal avec l’utilisation des racines, tiges, feuilles, fleurs, fruits, graines et une application en cuisine.

Le design intérieur porte la signature de Jaime Beriestain Studio, (prestigieux cabinet d’architecture d’intérieur, une entreprise primée d’architecture d’intérieur et d’aménagement paysager), la salle à manger est un espace ouvert et verdoyant grâce au grand nombre de plantes. Mais en réalité, rien n’a changé depuis l’ancien « Línia ».  

Rodrigo de la Calle, qui est actuellement partage entre Madrid et Barcelone, confie la cuisine à Sergio Ruiz, qui exécute parfaitement les instructions du chef gastrobotanique lorsqu’il n’est pas en ville, bien que sa présence soit constante et fréquente.

Comme c’est la période de fêtes, le nombre de menus proposés est plus large et cela sera celui proposé pour les soirées du 24 et 25 décembre, dans lequel certains plats auront été proposés dans les menus classiques. Ici le menu à 80 euros.

Nous commencerons avec de fraiches et délectables fines tranches de navet marinées avec du vinaigre aux épices et quelques lamelles d’algues.

Un autre fait intéressant est qu’ici vous pouvez découvrir le monde de la fermentation. En 2013, le chef a commencé à peaufiner son travail avec des légumes fermentés et, deux ans plus tard, il s’est lancé dans les boissons fermentées en réussissant à créer un menu avec ses propres élaborations. Cela sera donc des boissons non alcoolisées ou avec une quantité très basse, éminemment des kombuchas aromatisés aux fruits, mais aussi de l’hydromel au houblon. Ils sont entièrement fabriqués dans le restaurant et sont périodiquement vérifiés pour les proposer à leur moment idéal. 

Puis de fins empanadas de kimchi avec une émulsion probiotique, oseille et capucine, une bouchée qui marque la ligne de travail de cuisson : la puissance des saveurs, le côté végétal et fermenté.


Sublimes croquettes d’épinards et de chou frisé ou kale du Maresme. Il faut les manger avec précaution, leur intérieur est très liquide, d’une couleur verte soutenue. Il est préférable de les mettre directement dans la bouche, sans les couper.

J’ai adoré le pain de seigle et le thé vert, qu’ils servent avec de l’huile Picual de temprano précoce et que, bien sûr, qu’ils fabriquent sur place.

Nous poursuivons avec des salsifis marinés avec du caviar de truite, capres et feuilles épicées.

Ensuite une texture de chou-fleur au wok avec maïs et mole poblano. Le plat manque un peu de relief et le mole aurait dû être ajouté de manière plus importante pour que cela fasse un peu moins « purée bébé ».

Un des plats phares, la moelleuse tatin de poireaux caramélisés et demi-glace végétal. Au fond un millefeuille, puis de la pâte de crème tombée, caramélisée, qui a passé plusieurs jours en cuisine avec une saveur intense d’oignon et de demi-glace sucré, végétal et quelques fleurs telles que des œillets chinois et des fleur d’ail pour décorer et donner une touche différente. Un plat difficile à décrire pour toute son élaboration, mais délicieux en résultat.


Le riz crémeux aux huitres à la braise aïoli de codium et espuma de mer, grillés est remarquable. Ce plat continue dans la ligne d’exaltation de la cinquième saveur et surprend par ce côté léger fumé. La texture est soyeuse, avec un effet beurré très moelleux et la cuisson du grain de riz est parfaite. Un plat très intense en saveurs marines. Et nous n’en sommes pas encore aux protéines animales.

Plat central avec un dos de turbot avec sa sauce pil-pil et filaments de chou rouge. Toujours cette maitrise des cuissons, ces associations parfaites, avec un clin d’œil à la cuisine basque.

Les desserts ne sont pas en reste avec l’étonnant mais délicieux Timamisu de topinambour et poudre d’orge toasté.

Puis une série de mignardises dont de fins bricelets, le caroubier mis à l’honneur avec des « alfajores » de caroube au beurre de cacao et de noix de coco et quelques chocolats.


Vins compris dans ce menu avec un cava Pedregosa Petit Cuvée ou encore vin blanc et vin rouge.


A vrai dire, un repas comme celui-ci ne laisse pas l’impression que de n’avoir mangé « que des légumes », au contraire c’est une expérience gastronomique remarquable, plutôt unique en ville, voir même de manière plus générale. Le travail est considérable non seulement dans la création des plats, la recherche d’associations nouvelles, les jeux de textures et les techniques utilisées.