lundi 20 juillet 2015

Karaköy Özsüt, Istamboul



Voici encore l’un de ces moments magiques que l’on peut vivre à Istamboul, un moment où l’on rencontre des personnes qui ont le feu sacré, un homme qui devient en peu de temps presqu’un ami. Rashit  Özsüt  est le patron d’un petit établissement de Karaköy qui m’a demandé pas mal d’efforts pour être trouvé. Son établissement appelé « Karaköy Özsüt » s’appelle en réalité  « Haci Hasan Fehmi Özsüt » mais les habitués l’appelleront du premier nom.  C’est relativement simple de le trouver si l’on sait…et que l’on ne se fie pas à l’adresse de la rue d’à côté qui s’appelle  Kemankeş Mah. Il faut prendre à droite au bout du pont de Galata en regardant la tour et sur le premier square, l’établissement se trouve au coin.

Voilà un siècle an pour an que la famille Özsüt  possède cet établissement qui de l’extérieur ne se distingue d’aucun autres établissements de la rue ou du quartier. 


Un café, une cafétéria, un snack, un peu de tout cela à la fois. Les travailleurs passent devant, y prennent un petit-déjeuner ou alors un rapide repas de midi mais on y viendra pour principalement les desserts comme des puddings  et son fabuleux « Kaymak » et je pèse mes mots en disant fabuleux…


Un petit café avec quelques tables en bois, une banquette murale et une série de photos et de portraits qui intriguent et qui en disent long.



Des photos avec le café il y a bien longtemps et même un parent posant élégamment habillé devant la devanture.


Cette famille Özsüt  possède à la campagne une ferme où ils élèvent des buffles d’eau que vous pourrez justement voir dans des photos encadrées contre une sorte de mezzanine. C’est donc à Sariyer au nord d’Istamboul que furent initialement élevés ces animaux mais aujourd’hui, l’élevage se fait plus au nord non loin de la mer noire à Tekirdag.


Rashit avec une veste blanche comme un cuisinier est là tout souriant, heureux de pouvoir échanger quelques mots et ensuite de raconter son histoire, sa vie,  soit en anglais soit en allemand car ce-dernier a séjourné à une époque en Allemagne. Il va vous parler de sa famille, de sa femme, de son établissement malheureusement peu fréquenté par les jeunes turcs qui préfèrent aujourd’hui les « fast-food », puis de son élevage mais surtout de la manière dont il prépare son dessert. Un personnage avec une forte personnalité, quelqu’un d’heureux, radieux et souriant.


Il sera ravi de nous présenter son père, son oncle, son frère sur de vieilles photos où l’on peut encore voir ces personnages porter le « fes », une coiffure rouge de forme conique mais plate sur le dessus, porté à l’époque Ottomane ; personnages qui auront démarrés ce café en 1915 où l’on sert donc ce fameux « Kaymak ».



Il s’agit d’un dessert réalisé à partir du lait de buffle. Celui-ci est cuit une première fois à 85 degrés  laissant intentionnellement quelques bactéries et ensuite refroidis pendant une nuit, puis recuit une seconde fois. Après le second refroidissement, on enlève la couche supérieure du produit. En anglais cela s’appelle de la « clotted cream » et en français, la meilleure traduction que j’ai pu trouver, le babeurre ou peut-être la crème caillée. Enfin quelque chose entre le beurre et de la crème fraiche épaisse avec une légère acidité.

Produit biologique que l’on peut observer derrière la vitrine réfrigérée accompagné d’autres dérivés du lait de buffle comme par exemple son fromage frais. Le « Kaymak » y est présenté comme des rouleaux de cette crème que l’on récolte sur le lait. Préparé selon les anciennes traditions et selon la recette de son grand-père.


Mais avant de le déguster, Rashit nous amène tout d’abord quelque chose de totalement nouveau ; une noix confite. Il s’agit de noix vertes qui sont encore molles que l’on fait bouillir dans de l’eau chaude et qui ensuite sèchent au soleil. Elles sont ensuite conservées dans le miel. Un fruit confit vraiment délicieux qui pourrait accompagner quelques desserts.


Le « Kaymak », on le sert avec du miel qui se soit d’être parfait pour un tel dessert et ici il est simplement formidable. On peut le manger avec du pain au petit-déjeuner ou simplement comme un dessert comme aujourd’hui. Servi sur une assiette, Rashit fait dégouliner le miel sur celui-ci avec un de ces instruments de bois prévus à cet effet. 



Une expérience vraiment inoubliable car en bouche on appréciera  le côté crémeux et délicat du « keymak » avec sa légère acidité, avec le goût fleuri et doux du miel.

Rashit  Özsüt est l’un des derniers personnages qui prépare ce produit à Istamboul selon la tradition avec du lait frais provenant de sa ferme. Un produit qui risque de disparaitre lorsqu’il prendra sa retraite car il faut être passionné et focalisé sur la qualité pour un tel degré de perfection. Il ne sert pas sa clientèle dans le but de s’enrichir mais sans aucun doute pour honorer son histoire et surtout pour contenter sa clientèle qui se réjouit continuellement de déguster son produit. Un moment exceptionnel aussi bien au niveau gustatif qu’humain.

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