Istamboul
est vraiment une ville en pleine transformation pour sa gastronomie. En une
année, le nombre de nouvelles tables qui proposent une cuisine soignée et
parfois revisitée est plutôt impressionnant. C’est donc une nouvelle enseigne
que nous avons découvert ce soir, « Sahrap Pera ». Comme à l’accoutumée, ces nouveaux lieux se
trouvent dans le quartier de Beyoğlu et sa rue Meşrutiyet Cd.
Sahrap Soysal vient
d’ouvrir il y a quelques semaines de cela son premier établissement. Probablement
peu connue en dehors de la Turquie mais ici c’est une star du tube cathodique !
Cuisinière, auteur et gastronome, elle eut présenté une émission sur Kanal D de
2000 à 2003, « 1001 Recipes » sur Fox, écrit dans des quotidiens, a remporté
plusieurs fois le trophée annuel du « Gourmand World Cookbook Awards » et en 2004 fût honorée pour avoir publié un ouvrage intitulé « Best Local
Cookbook in The World ». Ses ouvrages tels que « Cookery Tale »,
« The Dervish Table » et plein d’autres devraient pouvoir être achetés
chez vos libraires favoris mais la plupart sont écris en turc ou en anglais. Et
je dois probablement avoir manqué un certain nombre d’autres références. Des
ouvrages culinaires qui illustrent comment préparer les meilleurs plats des
diverses provinces turc où elle passa son enfance.
C’est donc
après tant d’années que son premier établissement a vu le jour comme font la
plupart des chefs célèbres qui sont plutôt dans les médias. 2015 une année
décisive et c’est depuis Mai que vous pourrez venir apprécier sa cuisine. Deux
mois d’existence et déjà les louanges des critiques culinaires et un succès
croissant auprès de la clientèle.
Une petite
rue pavée en pente et sur la droite une terrasse surélevée ayant pignon sur
rue. C’est donc non loin de la station Sishane que ce nouveau lieu se trouve.
Cette
terrasse plutôt joliment décorée avec ses bacs à fleurs est donc une
alternative à l’intérieur et peut-être préférable lors de grande chaleur mais
nous avons préféré découvrir la salle principale.
Une salle
au haut plafond avec une décoration plutôt turque et bourgeoise qui pourrait
ressembler à l’intérieur de certains appartements appartenant à la classe aisée
de la ville. Une mezzanine, du mobilier de bon goût, des éclairages assez doux.
Un des murs
ressemblerait d’ailleurs plutôt à une bibliothèque du salon d’un particulier.
Et cette
salle se prolonge en une série de tables séparées par de hautes banquettes. En fait
rien de vraiment très actuel dans la décoration mais on est plutôt
confortablement installés.
Ce soir Sahrap
est absente ce qui qui peut être parfois le cas lorsqu’elle présente ses
émissions mais aujourd’hui c’est pour une autre raison que nous expliquerons
son mari Nuri Soysal et un de leur fils qui s’assurent que tout se déroule parfaitement
en salle.
Le menu est
basé sur les années de recherche de Sahrap sur la cuisine Anatolienne car elle y
a passé un certain temps avec ses parents, son père y travaillant en tant qu’ingénieur
civil. Ce sont donc plus de milles recettes qu’elle a pu recenser et sa passion
pour cette région sera un fil conducteur pour sa cuisine. On y découvrira des
classiques turcs tels que des feuilles de vignes farcies mais aussi un certain
nombre de mezzés plus difficiles à trouver ou d’associations oubliées. Comme exemple,
elle utilisera de la pomme dans une salade de pourpier. Nous remarquerons
immédiatement qu’ici la cuisine est plutôt très traditionnelle et sans
modernisation de plats mais justement c’est ce que nous sommes venus chercher;
la perfection dans des plats turcs qui ne sont pas toujours parfaitement
préparés.
Le pain
recouvert de graines de sésame qui nous est immédiatement servi, chaud, est
délicieux. Il servira à accompagner notre série de mezzés.
Comme dans
la plupart des établissements, on vous apportera l’équivalent d’un beurre pour
ce pain, ici une boule de fromage recouverte d’un peu d’huile d’olive et de
piment.
Un des plus
intéressants plats sera la glace de lentilles, une interprétation du « mercimek
köfte », des köfte à base de
lentilles que l'on mange froides. Ces köfte se retrouvent dans toutes les
régions de Turquie, plus ou moins épicées. Ce plat turc est très agréable l'été
car il se mange froid. Il est en effet très courant pour les femmes au foyer
turques de se retrouver l'après-midi pour boire du thé et de grignoter ce met.
Ici il sera préparé avec des graines de fenouil et des oignons caramélisés. Le
tout ressemble à une glace mais n’est pas gelé.
La salade
de pourpier avec des pommes acides, servie avec du yaourt et des noix. Un met
connu en Anatolie comme la « salade des filles polies »… Très fraiche
et comme il se doit, préparée au dernier moment. La pomme amène une touche
légèrement acidulée très agréable et croquante.
Les feuilles
de vigne farcies à la manière Egéenne, cuites avec du jus de citron sont
absolument délicieuses.
La salade
de poulpe avec des sedums qui sont des plantes sauvages de rocaille qui stockent
de l'eau dans leurs feuilles. Le poulpe est tranché, mélangé avec des carottes
encore croquantes et mélangé avec cette plante qui a dû être blanchie. Selon
moi ces branches ont également dû être assaisonnées de vinaigre. On dira que le
met est plus intéressant que vraiment gourmand.
Ensuite une
salade verte de Sahrap, à base de roquette, épinards, pourpier, tomates séchées
et fromage Tulum. Une bévue car les ingrédients ne sont pas ceux qui sont
énoncés dans la composition de cette salade. Une remarque et le tir sera
immédiatement rectifié.
Dans le
choix de plats principaux nous pourrons trouver les classiques Manti anatoliens
avec une sauce tomate et du yaourt. Ayant eu l’occasion de manger ceux-ci
ailleurs, je les ai trouvés un peu fades. La farce n’avait pas un goût assez
prononcé ou net.
Le foie d’agneau
parfumé avec une sauce épicée et pimentée à la tomate fut excellent, cuit à la
minute et encore moelleux.
Retour de
la salade verte de Sahrap plus proche de sa description dans le menu. J’ai eu
un peu l’impression que c’était une salade avec « la verdure du moment… ».
C’est alors
que le fils de Sahrap fait le tour de salle avec des mentis d’un tout autre
genre. Il les propose aimablement et sans aucune majoration du prix de votre
repas. Un geste de générosité et simplement reflétant la passion qu’à cette
famille à partager leurs plats. Nous nous sommes vus offert des Manti Siron qui
sont une sorte de raviolis venant de la partie est de la mer noire. La
différence principale avec ceux d’Anatolie réside dans le fait qu’ils sont
réalisés avec de la « yufka », un type de pâte en feuille. Aucune
farce mais la feuille est simplement enroulée et recouverte de yaourt et de
menthe séchée.
En plat
principal le Kebap avec une purée d’aubergine, un des plats préférés de Mehmet
le Conquérant selon l’intitulé. Mais il me semble que ce plat est aussi
intitulé « le délice du Sultan », une purée d’aubergine avec sur le
dessus un ragoût d’agneau. Un plat dont l’origine serait aussi peut être le Sultan Abdul Aziz 1er. En
l’an 1860, ce Sultan convia l'impératrice Eugénie, l’épouse de Napoléon III, à
venir découvrir son pays. A l’occasion de ce voyage, le souverain turc
s’empressa bien sûr d’offrir à son invitée les plats les plus appréciés au
palais. Eugénie fut immédiatement séduite par le "succulent Hünkar Begendi
"ou "Favori du Sultan ", ou "Délice du Sultan" composé
d’une béchamel aux aubergines garnie de viande au paprika. Une autre histoire dit qu’entre 1612 et 1640,
un cuisinier du palais aurait
inventé un plat pour faire plaisir au Sultan Murat IV,
et que celui-ci l’aurait beaucoup apprécié. La
traduction littérale du plat serait : « le sultan a
apprécié ». Quoiqu’il
en soit ce plat fut réalisé à la perfection. La purée d’aubergine est très
onctueuse avec des aubergines montées au fromage râpé turc. La viande fond dans
la bouche, entourée d’une sauce où l’on retrouve de la tomate et du poivron
vert.
Autre plat
principal, les boulettes de viande d’Anatolie ou « köfte » servies avec
un pilaf au quinoa, lentilles vertes et boulgour fin. Peut-être que les
gaufrettes sur le dessus n’ont pas raison d’être… Tout à fait classique et sans
surprise mais parfaitement réalisé.
En raison
de mes commentaires sur la salade qui ne correspondait pas à sa description, nous
nous sommes vus offerts un excellent « pide » farci aux aubergines.
Une agréable
discussion avec les très sympathiques Nuri Soysal et son fils, avec qui nous
avons discuté de cuisine et des tables de la ville. D’une extrême gentillesse,
ils se sont assuré que nous soyons satisfaits de la prestation, nous offrant même
pour terminer ce repas l’incontournable Sutlac, pouding au riz parfaitement
préparé.
Pour ce
repas, une bouteille de Kayra Buzbağ Reserve 2011 Öküzgözü Boğazkere. Un vin
issu de deux cépages d’Anatolie avec le premier plus tannique et le second plus
lorgnant vers les aspects fruits. Une belle longueur en bouche avec des arômes
de mures, cannelle et caramel.
Un nouvel
établissement qui rejoint le peloton de tête des belles tables de mezzés d’Istamboul
mais dans un style plus traditionnel ou l’on devrait dire fidèle à ce que sont
des mets authentiques exécutés avec brio. Un lieu à découvrir pour découvrir
une magnifique cuisine Anatolienne réalisée par une cheffe avec une très grande
expérience.
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