jeudi 31 août 2017

Uma, Barcelone



Voilà un cas assez particulier que celui de « Uma », pour un certain nombre de raisons qui méritent d’être expliquées. Tout d’abord je ne sais pourquoi mais lorsque j’ai dit que je me rendais dans cet établissement, quelqu’un me dit qu’il ne connaissait absolument personne dans son entourage de passionnés de gastronomie qui y était allé, en suite que le lieu n’était qu’exclusivement focalisé sur les touristes et seulement plébiscité par Tripadvisor, chose que j’ignorais. Il est vrai que dans cette « faune » de passionnés de cuisine, lorsque l’on parle de Barcelone, ce ne sont que toujours les mêmes noms qui reviennent. Les étoilés Michelin, les tables à la mode de Adria et celles souvent inlassablement nommées dans les sites web et guides. Je n’ai aucune explication sur le pourquoi que « Uma » n’est que très rarement mentionné, mais je peux déjà vous dire que j’y ai admirablement mangé. Certes un style moderne, des techniques contemporaines, beaucoup de créativité, du savoir-faire et de l’esthétisme. Donc lisez ce qui suit sans aucun parti-pris.

Tout d’abord, le chef s’appelle Iker Erauzkin et qui aurait eu à une époque le surnom du « Chef des fleurs », comme quoi aujourd’hui on peut se poser des questions sur qui a lancé cette mode sur ces assiettes florales ou utilisant comme ingrédients des fleurs. Quelqu’un qui a une grande expérience dans la haute-cuisine et qui même fût à Paris pour une certaine période, ce qui explique son très bon français. Un passage donc en France, puis ensuite dans le Pays Basque pour terminer ici en Catalogne. Auteur également d’ouvrages de cuisine tels que « Sabores de ayer, cocina de hoy » et plein d’autres que vous pourrez trouver en librairie. Mais aussi conseiller pour par exemple des marques de produits et intervenant dans des événements gastronomiques.

Aujourd’hui c’est « Uma » qui signifie fourchette en Swahili, pas le traditionnel restaurant auquel l’on peut s’attendre mais plutôt un espace multidisciplinaire et atelier de cuisine, où l’on peut aussi organiser des soirées privées, des réunions et évidemment des dîners. Ne pensez-pas que cela soit un espace privatif, pas du tout, cela fonctionne comme un restaurant traditionnel mais selon un certain concept que je vais expliquer. Il faut aussi savoir que l’établissement à côté appelé « Nobook » est aussi de sa responsabilité mais la cuisine y est complètement différente, plus « street food » comme il est bon de le dire en ce moment.

Donc le concept est le suivant ; une réservation à l’avance évidemment car on ne vient pas à l’improviste, un menu imposé avec un prix fixe, carte de crédit ; vos allergies sont demandées à l’avance, téléphone pour que vous reconfirmiez et vous vous rendez à 21 :00 à l’adresse. Cela semble complexe mais vous devez comprendre qu’il n’a probablement plus d’une douzaine de couverts et tout est vraiment facile avec la réservation.

Donc quelques minutes avant 21 :00, vous voilà à l’adresse, devant une porte sans aucune fenêtre, à se demander s’il s’agit vraiment d’un restaurant et non pas d’une entrée chez des privés.


Une fois après avoir sonné, vous vous verrez accueilli par une hôtesse qui sera également le temps de cette soirée, le maitre d’hôtel, la sommelière et assurera de bout en bout le service sans aucune faille. Et c’est un peu la surprise que de se retrouver dans une salle plutôt originale avec des murs de pierres, un haut plafond, un éclairage assez discret et intime, des objets hétéroclites sur les murs comme une tête de rhinocéros et au fond la cuisine qui ressemble plus à un laboratoire. Les tables sont très bien espacées, la clientèle en partie étrangère mais aussi locale. L’endroit est vraiment très bien conçu, étonnant et assez proche d’un concept de dîner privé même si cela n’en est pas un.



Des objets assez particuliers comme des têtes de morts mexicaines, des bols, une pierre montée sur un billot de bois et cette fausse tête animale sur une étrange porte dans le mur. Un mélange de genres plutôt assez réussis.



Donc au fond, Iker Erauzkin un peu comme un maitre de cérémonie qui lui aussi assurera le repas complètement seul sans aucune aide. Un moment vraiment particulier et presque unique.




Les tables sont élégamment recouvertes de nappes blanches, de belles vaisselles et quelques décorations toujours aussi surprenantes.


Pendant tous le repas, vous aurez la possibilité de rapidement jeter un œil dans ce laboratoire ou le chef prépare l’ensemble des assiettes au même moment, ce qui explique donc l’heure précise et le menu unique. Cuisine qui pourrait être celle d’un appartement privé.


Un seul menu donc avec une série de petits plats ou bouchées. Une cuisine moderne, inspirée par la Catalogne mais aussi d’autres contrées comme l’Asie. Tout est très bien pensé car rien ne laisse supposer que cela sera une cuisine de type fusion. Au contraire, une manière de revaloriser certains ingrédients, de les transformer et parfois y amener un côté un peu ludique et esthétique. Chaque met à un thème, suivi des composantes de la recette. J’ai trouvé ces références à certains plats catalans vraiment uniques.

Par exemple, ce thème du sud qui est une galette aux crevettes, du yuzu, une mayonnaise au plancton, des graines de coriandre et du paprika. C’est tout de suite le genre de met qui m’enchante car en réalité c’est une sorte de tuile presque caramélisée sur laquelle les ingrédients susmentionnés sont travaillés sous forme de billes et de pointes de sauce. Des explosions de saveurs en bouche très convaincantes, entre sucré et salé.


Malheureusement je n’ai pas noté ce qu’était ce « shot » ou cette verrine à la couleur rouge et verte mais j’ai le souvenir de quelque chose de très frais et vivifiant.


On enchaine avec le thème du Vermut, apéritif le plus célèbre en Catalogne, à base d’une sauce gélifiée à base de Espinaler ; sauce apéritive est faite à base de vinaigre, paprika et d’épices, une olive sphérique selon la probable méthode de Ferran Adria, des coques et une chips de pomme de terre violette. Le tout se marie à nouveau parfaitement au niveau des saveurs et jeux de textures.


Très intéressant plat que cette sardine fumée avec une sauce à l’ail noir et pousses de roquette. On trouvera également sur le dessus du poisson de fines feuilles transparentes japonaise qui ressemblent un peu à du verre. Un mariage entre un produit espagnols et quelques références japonaises.


Fabuleuse assiette appelée « fumé », avec ce tronçon d’anguille fumée, de petites sphères de ce fromage d’Idiazabal et le tout avec une soupe aux pommes vertes. Certes l’association pomme-anguille est une des signatures de Martin Berasategui mais c’est ici traité différemment et magnifiquement assaisonné.


Une sacrée surprise certes un peu ludique mais tout de même très gourmande que ce nuage de coton sucré avec du foie-gras mi-cuit. Notre hôtesse arrive avec une branche sur laquelle se trouvent des barbes à papa blanche sur lesquelles ont été râpé le foie gras. Une impression de très grande légèreté en associant sucre et foie mais ici de manière très originale.


Nous passons à un registre plus classique mais délicieux et gourmand avec un œuf cuit à basse température, une sauce à base de champignons et de la truffe de Teruel sur le dessus. Un coin d’Espagne devenu le centre mondial de la trufficulture. Cela n’empêche pas ce plat d’être vraiment gourmand et parfumé.


Peut-être légèrement moins emballé par ce plat intitulé « soupe d’amour » qui correspond a une période de la vie du chef. En fait une soupe de crevettes, du lait de coco, du citron vert, de la coriandre et du gingembre. Le plat en lui-même est parfaitement réalisé mais me rappelle trop un plat thaïlandais, et dénote avec ce qui précédait.


Fabuleuses Saint Jacques sur un riz à l’anguille et feuille d’huitre. Voilà un rappel très intelligent à la catalogne pour ses riz, ici cuisiné avec des produits d’exception comme le crustacés et l’anguille fumée dans le riz. La feuille amène une touche marine supplémentaire.



A nouveau des références locales avec le fondant cochon de lait confit, cuit à basse température dans son jus. Servi avec quelques pois mangetout, des feuilles de capucine et des chanterelles. C’est simple mais délicieux.


Premier dessert très esthétique et ludique intitulé Azahar, l’œuf à la fleur d’oranger. Le terme Azahar provient de l’arabe andalou azzahár, lui-même issu de l'arabe zahr. Dressés sur de faux coussins de porcelaine. En les brisant, on découvrira cette crème parfumée que l’on mangera avec les petites graines à l’orange glacées. L’œuf est réalisé à base de chocolat blanc à base de coco mais sans sucre, à l’intérieur une crème anglaise à la fleur d’oranger, crème d’orange et mangue.




Pour terminer, une douceur avec la gelée au Jack Daniels, mousse au chocolat et piment chipotle, cake, crumble.


Avec ce repas une bouteille de Cargol Treu Vi, vin du Penédes, dans le massif du Garraf, les cépages ayant plus de 70 ans plantés sur des sols calcaires, qui apportent de la minéralité et de la salinité au vin.


Voici un moment unique de Barcelone où je découvre une cuisine absolument maitrisée, pleine d’idées, gourmande, avec des références parfois modernes, parfois classiques et parfois ludiques. Cet établissement est une vraie découverte et ce n’est surement pas Tripadvisor qui m’aura influencé par son numéro 1... Une table que tout amateur d’étoiles de tout genre devrait grandement apprécier dans un cadre vraiment très agréable.


mercredi 30 août 2017

La Clara, Barcelone




Sur les conseils de quelques personnes qui connaissent Barcelone, nous voici partis pour une table appelée « La Clara ». Selon les ouï-dire, cela serait ici que viendrait certains chefs très médiatisés pour ne pas les citer, se faire plaisir en mangeant une cuisine catalane traditionnelle avec de bons produits. « La Clara » ne se trouve pas trop loin de la place d’Espagne, sur le Gran Via de les Corts Catalanes.


Il y a trois sections dans cet établissement. Tout d’abord le grand bar ou sont probablement servis les tapas la journée car ce soir, cette section est vide. Bar assez moderne avec chaises hautes recouvertes de skaï jaune. On se serait quand même attendu à quelque chose d’un peu plus convivial.




Puis la salle à manger proprement dite qui n’a absolument aucun charme. Je sais que l’on ne vient pas « pour manger les rideaux », mais dans un genre aseptisé, on ne peut pas faire mieux. Carrelage, grande armoires frigorifiques, tables certaines avec nappes, d’autres seulement avec des passages de table. Mais ce qui me choque le plus, c’est l’écran TV géant et le son. Maintenant on pourra me rétorquer que c’est parce que c’est un endroit populaire et que la clientèle vient voir des matchs, maintenant…cela reste tout de même un peu surprenant car l’endroit prétend à être chic. Vous serez donc prévenus.





Puis une seconde salle au sous-sol qui elle est bien plus agréable et effectivement chic avec au centre un impressionnant cellier. Murs de pierres, éclairage plus doux, vraiment très différent du rez-de-chaussée. Je ne sais pas comment l’on peut réserver une table ici sauf par téléphone car leur site internet ne donne aucune information ou moyen de faire un choix. Situation un peu cocasse alors qu’il y a de la place… Allez comprendre !




Une jolie photo dans la rampe d’escalier qui symbolise Barcelone, une série d’assiettes avec des ingrédients censé représenter les édifices de la ville.


Passage devant les cuisines attenante à cet escalier pour donc rejoindre ma table dans la salle principale un peu trop éclairée à mon goût.



La carte est vraiment grande avec une sélection variée de plats catalans et de produits de la mer, traduite dans toutes les langues que vous voulez. Presque trop grande car en plus il y a deux autres cartes, celles des suggestions du jour et celle des tapas. Cela sera donc après plusieurs lectures, un panachage des différents menus. Nous commanderons l’incontournable pain à la tomate et huile d’olive pour commencer.


Une petite assiette de tripes aux pois chiches, recette typique de l’Espagne mais aussi d’Afrique du nord. Classiquement préparées, pas de saveurs fortes et bien cuisinées.


Un de mes plats préférés en Catalogne, les boulettes de seiches aux champignons que l’on devrait plutôt appeler boulettes ter et mer de l’Emporda ou en catalan « mandonguilles de sèpia amb molt ». Ici servies avec des chanterelles. La texture des boulettes de porc est bonne mais la sauce manque un peu de relief comparé au même plat ailleurs.


Les calamars panés sur la carte sont en fait des calamars à la romaine, malheureusement un peu caoutchouteux et un peu trop de pâte autour.


J’ai bien apprécié ces févettes sautées avec des petits calamars. Les fèves sont tendres, la sauce est gouteuse, les calamars ici est tendre. Définitivement pas la même qualité que le précédent plat.


Un poisson que l’on se partage en plat principal, un turbot poêlé. Le poisson est correctement cuit avec un peu trop d’ail que l’on écartera. Comme accompagnement des pommes de terre à l’eau et des haricots verts. Cela me semble tout de même un peu basique comme plat et si l’on compare cela avec d’autres établissements, on peut se demander pourquoi pas plus de soin apporté à ce poisson tout de même rare et sublime.


La crème catalane est plutôt bonne et servie non pas dans un petit plat mais directement dans l’assiette.


Le bras du gitan est trop froid et vraiment compact.


Avec ce repas, une bouteille de Chardonnay « Cha » Sumarocca, vin du Pénedes, plutôt très agréable avec des arômes de melon et d’abricots.


Le service fût professionnel, sans faille, à la hauteur d’un établissement qui se prétend chic.

Nous sommes partis avec tout de même un peu de déception. La cuisine est bonne mais pas non plus impressionnante. De là à dire que c’est surfait, il y a un pas.  Il y a beaucoup d’endroits à Barcelone où l’on peut trouver ce type de plats et parfois nettement mieux préparés. Ce qui probablement n’a pas favorisé ce repas, c’est ce cadre vraiment froid et ce réel manque d’ambiance et de charme.