mardi 17 août 2021

Chez Mado, Les Frasses Jacquier, Le Grand-Bornand

 

L'été, rien que de plus plaisant que les restaurants d’altitude avec le plus souvent une vue magnifique et bien entendu une terrasse, ici adossant un chalet savoyard traditionnel des plus fleuris qui date de 1788.


En sortant du Grand-Bornand, une route sur la droite qui monte quelques kilomètres et qui arrivent donc face a cette superbe bâtisse. Réservation indispensable car bien évidemment le nombre de place est limité et cela serait dommage de ne point pouvoir s’y arrêter.



Chalet en vieux bois, plein de fleurs, quelques objets d’antan ci et là, une fontaine et cette terrasse avec tables le long d’une barrière et vue sur la vallée. Un accueil souriant puis un service efficace une fois installé à l’une des tables.




Il faut savoir que lors de la réservation par téléphone, il sera possible de réserver l’un des menus qui inclut soit une tartiflette soit des diots. Ici bien entendu il s’agira d’un repas savoyard familial préparé autours des produits de la région, donc des Aravis. Bien entendu, le fameux reblochon fermier qui est un fromage au lait cru, fabriqué à la main, à la ferme et deux fois par jour après la traite, utilisé pour la tartiflette et les croutes. Le lait provient du seul troupeau de l'exploitation, principalement de la race Abondance. Puis les diots qui sont de petites saucisses rustiques fabriquées en Savoie. Ils se composent de porc haché et parfumé à la noix de muscade et à l'ail et doivent leur origine au mot tiré du dialecte savoyard "diot" qui signifie "saucisse", mais qui peut aussi se prononcer "djo".


Autrement une carte avec quelques assiettes comme l’assiette du randonneur avec jambon fumé, rosette, reblochon fermier, tomme de Savoie et salade verte.

Ou encore la croute bornandine qui est une tranche de gros pain de montagne avec du jambon fumé, gratinée avec du reblochon fermier et aussi accompagnée de salade verte. Des assiettes décorées avec de petites fleurs.

Il y aura aussi quelques plats du jour tels que polenta et diots.

En dessert, bien sur les tartes aux myrtilles avec une pâte à tarte maison réalisée avec du beurre frais de montagne mais aussi des faisselles au coulis de fruits rouges ou crème et dessert du jour.

Une adresse superbe pour passer un excellent moment au soleil dans un cadre enchanteur.

mardi 3 août 2021

Besta Barcelona, Barcelone

 

Finalement le nombre de tables très focalisées sur les produits de la mer et de l’océan ne sont pas si nombreuses que cela en ville. Certes beaucoup d’établissement proposent poissons et crustacés mais très souvent au milieu d’autres plats et principalement de méditerranée, à l’exception de quelques adresses Galiciennes. C’est donc avec joie que nous découvrons cette nouvelle adresse de l’Eixample appelée Besta Barcelona, une proposition gastronomique qui oscille entre Catalogne et Galice, Atlantique et Méditerranée, ouverte au mois de février de cette année.


Une adresse avec deux chefs que sont Carles Ramon et Manuel Nunez. Une idéale association pour une cuisine riche en propositions parfois créatives, parfois classiques, basées sur des produits de la mer de qualité, préparés tout autour de ce qui est saisonnier. Des recettes de ces deux régions d’Espagne exécutées avec maestria et qui raviront les amateurs d’assiettes délicates. Manuel que l’on a connu chez Arume dans le quartier du Raval et Carles au La Bellvitja puis Gat Blau, Arallo a la Coruna. Pour l’histoire, Besta signifie « bête », le côté donc rural et rustique de la chose.

On se rappellera que ce local fût à une époque la table de Sergi de Meia, que le décor a sensiblement changé même si l’architecture reste la même, avec déjà un bar en entrant mais surtout une délicate touche marine dans la décoration qui reste tout de même minimaliste. Le couloir après l’entrée est maintenant un ensemble de tables hautes (je ne comprends pas cette mode car c’est franchement inconfortable la plupart du temps) et au fond quelques tables comme jadis.


Une carte qui change régulièrement avec une douzaine de plats, certains plus audacieux que d’autres. De Galice, les fruits de mer et de Catalogne les poissons ; des produits du marché.


Comme mise en bouche, un bouillon clair de salaisons marines. Une saveur de mer puissante tout de suite éveilles les papilles gustatives et montre le ton de la suite.

Quelques bouchées pour commencer avec cet excellent tartare de crevettes blanches, croustillant de pomme de terre, picanha rassie. Les crevettes crues c’est toujours un délice, la picanha est un morceau d'aiguillette de rumsteck que l’on déguste coupé en tranches et qui est ici comme un carpaccio et marbré. Un mise en bouche terre et mer vraiment très fine.


Une classique croquette de calamar avec une parfaite texture et en complément sur le dessus un tartare de ce calamar passé à la torche.


Une belle découverte avec de rares pétoncles noirs qui ressemblent a de petites coquilles Saint-Jacques, de couleur noire ou violacée.  Cru ou cuit comme ici, ce pétoncle noir est délicieux, très proche de la coquille Saint-Jacques, mais avec le parfum iodé de la praire ». Un bivalve rare qui trouvera sa place sur les meilleures tables, pour qui sait apprécier les mets originaux, simples et frais.

On choisira ce fruit de saison qu’est la tomate avec une salade, crémeux de sardines fumées, et croquant d’amandes. Superbe qualité entre vertes noires, ce crémeux est une belle trouvaille et met en valeur l’assiette sans jamais trop accentuer le goût puissant du poisson ; très bonnes tuiles et huile d’herbe.

Toujours de superbes crustacés avec des coques de galice au pil-pil de Ajada. Le pil-pil est le nom de la sauce qui se réalise en cuisant classiquement les jus de la morue et de l’huile quand on cuisine la morue. On a donné ce nom a cette préparation parce que son élaboration se fait PEU à PEU, mais ici probablement que le jus est celui du coquillage, mais surtout c’est fait en Ajada, avec du pain trempé dans de l'eau, de l'ail écrasé et du sel et est typique de certaines régions d'Espagne, notamment de la Galice.

Un grand moment avec l’omelette de Betanzos au tourteau, baveuse comme il se doit ! La tortilla de Betanzos est un plat espagnol originaire de la commune galicienne de Betanzos. Ce plat est essentiellement une variété locale de tortilla de patatas ou d’omelette espagnole. À Betanzos, il se compose de pommes de terre, d’œufs, d’huile et de sel, ni plus ni moins, alors ne pensez même pas à déguster des oignons ou du chorizo dans cette délicatesse locale. La ville est devenue célèbre pour ses omelettes grâce à une femme locale, Angelita, qui les a toujours préparées sans oignons. Mais il y a plus  car les œufs doivent être vraiment coulants (ce qui donne des omelettes vraiment juteuses), tandis que les pommes de terre locales de haute qualité doivent développer une couleur parfaitement dorée pendant le processus de friture. Puis celle-ci a été magnifiée avec du crabe, une vraie délicatesse.

Ensuite un riz mer et montagne à la caille et langoustines. Ce qui est remarquable c’est qu’en plus du superbe goût du suquet et de la texture/cuisson irréprochable du riz, ce plat reste léger car absent de ce fond souvent trop gras et indigeste d’autres établissements. La caille fondante, la langoustine juste snackée.

Très bon et original dessert au chocolat qui est mis en valeur par un granité à base de whisky et d’herbes, effaçant le côté généralement trop sucré de ce type de dessert.

Une belle découverte avec un Ciclohome Treixadura. La treixadura est le raisin indigène par excellence de Ribeiro. Ses vins se caractérisent par un arôme frais et fruité avec des notes de pomme verte, de fenouil et de teintes florales.

Puis pour terminer ce repas un très agréable vin doux appelé Terrenal d’Aubert Dolç 2018 de Vinyes del Terrer. Un vin moelleux de l'appellation Tarragona à base de grappes de garnacha et cabernet sauvignon de 2017, pas trop chargé en sucre.

Une très belle proposition gastronomique, un excellent service. La qualité des ingrédients est excellente et les recettes sont les meilleures ambassadrices pour que le bouche à oreille favorise ce restaurant. Une cuisine de produits qui donne sur la mer et des plats soignés au millimètre pour les palais les plus exigeants.

dimanche 1 août 2021

Agreste, Barcelone

 

S'il y a bien une table que je ne manque jamais à Barcelone c’est bien celle de Fabio et Roser de Agreste dans le quartier de Carmel. Je ne sais combien de fois j’y suis déjà allé, car c’est devenu presqu’un lieu de pèlerinage culinaire. A une époque cela s’appelait Malahierba, le nom changea il y environ deux années avant la pandémie et évidemment cette situation m’empêcha de revenir visiter l’établissement. Première opportunité donc de revenir apprécier la cuisine tellement unique de Fabio dans ce quartier que peu de personnes connaissent mais facilement atteignable du centre en métro et bus. Je ne reviendrai pas sur toute l’histoire de ce couple et de leur démarche mais peut-être expliquer le pourquoi de cette admiration pour la cuisine de cet endroit.

Fabio est donc d’origine italienne, sa partenaire est catalane. A Barcelone environ 50 % des étrangers viennent d’Italie et bien entendu il existe un grand nombre d’établissements qui proposent une cuisine de leur pays. Mais si vous discutez avec des Italiens gastronomes, aucun d’entre eux ne recommandera vraiment une table italienne en ville car très souvent cela frise la banalité ou la médiocrité, a part une ou deux exceptions. Un peu difficile d’ailleurs à comprendre pourquoi…

Si l’on se réfère à la cuisine Catalane, il faut admettre que c’est souvent très limité en terme de choix de plats, pas toujours très léger, et assez répétitif d’une table a l’autre.

C’est la que Fabio amène tout son génie car d’une part il sait utiliser les meilleurs produits locaux, s’inspire des recettes locales mais y amène très souvent non seulement une touche italienne ou je devrais dire une touche très personnelle. Il transforme une recette connue en quelque chose d’une autre dimension gustative. Il y a toujours le petit plus qui fait que l’on s’émerveillera devant tel ou tel plat. Le goût du légume, sa cuisson, les associations, le produit lui-même et ces quelques clins d’œil à l’Italie. Mais soyons bien clair, ce n’est pas une cuisine fusion, ce sont des créations savamment étudiées, une cuisine réconfortante, où saveur, gourmandise et produit sont au cœur de l’assiette.

Puis sa cuisine évolue au cours des saisons, non seulement en ce qui concerne les ingrédients soigneusement choisis mais aussi au fil des années. Il se peut qu’il y ait un ou deux classiques mais je ne me rappelle pas d’avoir mangé deux fois les mêmes plats.

Aujourd’hui sa compagne Roser n’est plus en salle car un petit Pietro est venu au monde mais l’équipe aura été enrichie de nouveaux venus en salle dont entre autres un nouveau jeune sommelier plein d’enthousiasme.

Donc une fois a table c’est avec un QR code que maintenant nous aurons la carte affichée. Comme d’habitude, une série de plats que nous aimons partager. Le premier est complétement le reflet de ce que j’expliquais au-dessus…  La salade de tomates… Cela peut paraître un peu simpliste mais pas du tout ! Tout au contraire. Déjà la qualité impeccable avec les célèbres tomates rose du Maresme que tous les restaurateurs s’arrachent, ensuite pelées et découpées en quartiers. Puis une mousse ou une espuma de queso manchego fumé absolument aérienne amenant bien entendu la touche hispanique, des piparras basques qui sont de petits piments verts au vinaigre qui amènent un côté un peu vinaigré et du peps en bouche. Quelques feuilles de basilc, probablement un peu de sauce à base de tomates et une huile d’herbes. Un savant équilibre entre douceur, rondeur et acidité en bouche. Une salade assez unique en son genre qui illustre ces associations entre Espagne et Italie.


De la bonite marinée avec un salmorejo de tomates vertes, coriandre, basilic et petits légumes au vinaigre. La bonite regroupe plusieurs espèces de poissons de la famille des thons et des maquereaux. On peut plutôt ici apprécier un poisson tendre plus apparenté à la première espèce, qui est présenté un peu a la manière d’un ceviche mais sans vraiment se dire qu’il s’agit d’un plat d’inspiration sud-américain. Tout d’abord une ingénieuse idée que d’y associer un salmorejo qui normalement est plus une crème assez compacte originaire de Cordoue, en Andalousie, composé de tomates, de pain, d'huile et d’ail. Mais ici ce n’est pas tout à fait cela car déjà ce sont des tomates vertes et la texture est bien plus légère. On retrouvera quelques éléments du ceviche tels que les herbes, le côté acidulé du citron et vinaigré des oignons rouges. Encore un de ces plats inspirés de la pluri-culture locale et du savoir faire de Fabio.

Bien entendu certaines assiettes feront plus penser à l’Italie surtout avec les tagliarini maison associées avec de tellines. La tagliarini est une pâte aux œufs du nord de l’Italie, semblable à son cousin plus large et plus célèbre, les tagliatelles (le nom vient du verbe tagliare, couper).  Ces minces rubans plats sont souvent servis avec du beurre et des truffes, mais ici avec des fruits de mer. Notez que contrairement à de nombreux autres types de pâtes, les tagliarini cuisent extrêmement rapidement, une ou deux minutes pour les fraiches comme ici. La sauce absolument parfaite à base d’ail, de persil et de piment de cayenne. Les tellines de Carles de la Rápita sont des coquillages très typiques du Delta de l’Ebre, également connus sous le nom de pipes de mer et ont un goût très caractéristique ; cela est dû à la bonne alimentation des mollusques, car ils sont situés sur les rives ou à l’intérieur de la baie d’Alfacs.

On ne pourra pas résister au risotto « mantecato » au « morralet » de Tarragone et tomates. Sorte de mollusque de la famille des sépioles. Ils sont bruns mais peuvent changer de couleur à volonté, un corps très similaire a une petite seiche aplatie sans crête qui les entoure mais avec des petites oreilles qui les aide a bouger. En cuisine et en italien « montecato » s'emploie lorsque l'on met du beurre ou de l'huile d'olive dans le risotto et que l'on travaille à la cuiller de bois. Un risotto toujours parfaitement bien cuit.

En plat principal, un succulent pigeon cuit de différentes manières avec un demi-glacé et les abats tels que foie et cœur hachés et transformés en un léger parfais étalé sur une tranche de pain grillé. Pigeon rosé et aussi confit pour les cuisses.


Un dessert très innovant et audacieux, parfaitement équilibré, une glace au miel, espuma de cardamome, namelaka de chocolat blanc, citron vert, curry et pollen. Le terme « Namelaka » vient du Japon et son sens littéral est « ultra crémeux / extrêmement crémeux », est très délicat, et surprend ceux qui ont le plaisir de le déguster. Il s’agit d’une ganache au chocolat blanc, mais aussi d’une mousse au chocolat blanc, et d’une crème très spéciale qui ne contient ni œufs ni farine ! La combinaison des différentes épices est vraiment magnifique autour de cette glace.

Comme vin, une bouteille de Garnatxa de Cervolès Les Garrigues 2018 avec d'élégantes notes minérales et balsamiques rappellent les bois et les montagnes, donnant au vin le caractère nécessaire pour se parer d'une entité, tout en faisant preuve de douceur.

En fin de repas nous seras proposé un verre de vin de Terrano Skerlj du Frioul-Vénétie, vin rouge d’une grande minéralité et d’une texture tannique agréable qui naît sur le sol rouge argileux et riche en fer de la région karstique. La tenue aromatique est riche en suggestions de fruits rouges, de terre, de sous-bois et de notes d’épices douces. En bouche, il est rond et doux, avec une grande fraîcheur minérale et de fins tanins.

A nouveau un repas toujours aussi exceptionnel chez Fabio où à chaque fois c’est une succession de plats qui oscillent entre surprise, confort, gourmandise et joie. Toujours l’une des plus belles adresses en ville.