Il y a
mezzés….et mezzés. La plupart du temps les sélections sont assez classiques
avec peu de variation et la qualité varie selon les établissements. Depuis
quelques années on peut observer une renaissance de ces plats avec soit une
touche de créativité, soit des recherches de plats du passé qui auraient
disparus ou encore une utilisation de produits bio et provenant de petits
producteurs locaux.
Certes ce
n’est pas au coin de rue que l’on découvrira cette nouvelle génération de
cuisiniers qui ont envie de faire redécouvrir les mets et produits de qualité
d’antan, mais plutôt des établissements chics, voir branchés ou alors dans
certains hôtels de luxe. Je pense dans le désordre aux excellents Münferit,
Mezze by Lemontree, Aheste et récemment ouvert Sahrap et Belkis Pera, qui eux
sont indépendants de toute hôtellerie.
Il me
tardait de découvrir une autre de ces tables, celle-ci dans un hôtel, le
« Duble Meze Bar » qui se trouve normalement dans l’hôtel Palazzo Donizetti mais qui semble être fermé car en train d’être
rénové. Cependant la table est toujours ouverte et est accessible par la petite
rue sur la gauche de l’édifice.
« Duble
Meze Bar » se trouve au dernier étage sur ce que l’on nomme ici « les
rooftop », terrasse la plupart du temps magnifiques car avec vue sur le
quartier de Sultanhamet, la corne d’or, le coucher de soleil si vous y êtes à
la bonne heure. Contrairement à certains « rooftop » du quartier, il
n’y a pas une foule devant le bar ni de musique trop forte avec un DJ, en tout
cas ce soir et contrairement à ce que l’on peut lire sur la toile. Ou alors
cela ne se passe que le weekend... Ici
le focus ce sont donc les mezzés.
La terrasse
est plutôt très agréable avec son étonnant parquet de bois, quelques
chaufferettes sont présentes si nécessaire car malgré tout, les soirées mêmes
l’été peuvent être fraiches et venteuses.
Une ambiance plutôt décontractée et comme précédemment écris, loin de
certains lieux où l’on ne vient que pour se montrer et où la cuisine est à la
limite du passable.
Des mezzés
comme dans une « meyhane » classique mais avec une touche de
créativité et surtout un choix d’ingrédients de qualité provenant de petits
producteurs locaux.
En guise de
mise en bouche, un type de « Muhammara »
qui est une crème de poivrons, noix et mélasse de grenade
typique du Moyen-Orient mais que l’on retrouve au sud du pays. Un peu de manque
de saveur et plutôt noyé dans l’huile avec quelques graine de pavot.
Premier
mezzé, un pâté de Circassie au poulet, noix, graines, épices, pignons caramélisés.
Inspiré du poulet à la circassienne qui est justement de la viande de poulet pilée mélangée avec du
yaourt et des noix. Ici transformé donc
en une terrine à la consistance plutôt agréable que l’on étalera sur un pain
grillé.
Ensuite un
excellent « Lakerda », un plat servi à l’origine comme mezzé à
l’époque de l’empire Ottoman. Il s’agit de bonites d’environ une année qui
traversent le Bosphore. Un poisson cousin du thon à la chair grasse dont on
enlève l’arrête et que l’on laisse mariner environ une semaine dans le sel et
que l’on sert immédiatement ou que l’on conserve dans de l’huile d’olive. Servi
ici classiquement avec des oignons rouges et fanes d’oignons cependant on y
ajouté dans cette marinade du sucre brun, un peu comme un gravlax. Au-dessous
les oignons et un peu d’huile épicée.
Un
intéressant autre mezzé qui est une préparation de tomates séchées de la région
de Hatay, poivrons, quinoa, sumac, sirop de grenade de Mardin. Hatay a une
cuisine particulière qui s’inspire des régions ou pays limitrophes avec ses
ingrédients et propres techniques. Le sirop de grenade et le sumac étant
justement des particularités et que l’on retrouve évidement plus au sud.
D’ailleurs il est arrivé plusieurs fois que la ville de Mardin soit mentionnée
dans certains plats car il paraitrait que l’on y trouve des produits comme
nulle part ailleurs en Turquie. Une
ville sur les pentes des collines regardant les plaines de la Mésopotamie, non
loin de la Syrie et de l’Irak. Une salade vraiment délicieuse et pleine de
saveurs.
Une
association d’aubergine et tahiné. Les aubergines rôties sont grossièrement
hachées, mélangés avec un peu de poivron « kapya », une variété du
pays rouge et allongée. Ici encore on appréciera la recherche des ingrédients
car la tahiné provient de Antakya. Une ville également dans le Hatay où cette
pâte de sésame est particulièrement bonne. Celle-ci est déposée sur les
aubergines avec des graines de nigelle noire aussi parfois appelé cumin noir et qui est une plante de la famille des renonculacées originaire du
sud-ouest de l'Asie. A cette délicieuse préparation quelques autres épices
que l’on peut percevoir.
Ensuite des
poivrons Borani fumés. Il s’agit d’un
mélange de yaourt concentré fumé, de poivrons verts, épices et huile d’olive.
La particularité de ce plat étant que souvent ce sont des aubergines que l’on
prépare ainsi et que l’on utilise du yaourt classique. Un plat très plaisant.
Très bon feuilleté
d’aubergines rôties dans lesquels l’on retrouvera des poivrons rouges. La pâte
phyllo est légère et l’on y trouvera un mélange de deux fromages ; de la feta et du fromage kashar qui est aux laits de chèvre et de brebis. A nouveau on utilisera ici un
ingrédient particulier, l’ail de Taşköprü
une ville en Anatolie qui serait l’un des meilleurs du monde et aussi parfois
appelé « or blanc ». Néanmoins cela restera finalement en bouche un
brick plutôt classique. Ceux-ci sont servis avec une sauce au yaourt avec un
peu de sumac incorporé.
En mets
principaux, de la langue de bœuf fumée accompagnée de pleurotes fumés, de câpres, gingembre, vinaigre de riz et huile
d’olive vierge. Des associations assez étonnantes mais qui fonctionnent
parfaitement avec ce goût fumé très subtil des ingrédients.
Et pour
terminer un houmous de la région de Hatay cuit au four avec de la saucisse
Kastamonu. Le houmous se prépare maintes façons et peu souvent proposé de cette
manière en tout vas en Europe. Comme au Liban, ici il est onctueux mais chaud
et sur le dessus on retrouve des morceaux de cette saucisse turque sèche épicée qui ressemble un peu au chorizo mais sans viande de porc, très
réputée de la ville de Kastamonu près de la mer noire.
Belle
découverte avec un vin rouge appelé Kayra Vintage Zinfandel 2012 qui m’a laissé
une très bonne impression ; belle robe dans les rouges carmins, de beaux
tannins et une belle longueur en bouche.
Ce fut un
très bon repas avec surtout un choix d’ingrédients précis et recherchés comme
l’origine de certains de ces ingrédients, des préparations parfois classiques et peu
fréquentes sur la majorité des menus. Le service ne fut peut-être pas à la hauteur de ce qu’il aurait
dû être mais l’endroit est plutôt très agréable surtout par une belle journée
d’été.
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