lundi 20 novembre 2023

Lluerna, Barcelona

 

Il ne me manque pas énormément de tables étoilées à découvrir à Barcelone mais celle-ci était dans ma liste des tables à visiter, probablement pas encore visitée car un peu décentrée. Finalement pas si difficile d’accès puisqu’on peut y accéder en métro plutôt facilement à Santa Coloma de Gramenet.


La particularité de cette table est qu’elle s’engage pour une cuisine radicalement catalane, basée sur la tradition et utilisant des produits locaux, locaux et quotidiens, en privilégiant les produits de saison et biologiques. Les ingrédients sont cuisinés avec les fourneaux de la durabilité et de la proximité et de plus suit les principes du mouvement Slow Food ! Cette table a été l’un des premiers de la région de Barcelone à adhérer à cette philosophie.

Le couple qui dirige et possède Lluerna, sont le chef Víctor Quintillà et Mar Gómez qui est en salle et est aussi sommelière. Situé au bas d’un immeuble, l’entrée laisse présager un lieu plutôt à l’apparence moderne et chic.


Effectivement, une entrée qui donne sur une pièce unique assez design avec des tables élégamment dressées, des nappes blanches, un accueil de qualité puis un service attentif. Les cuisines étant visibles à travers des fenêtres depuis chaque table. Je ne me suis pas rendu de l’autre côté de la pièce mais il semblerait qu’il y ait une table du chef avec une vue plongeante sur la brigade et les fourneaux.


Tables bien espacées, lumières tamisées, c’est aussi très fonctionnel.

A l’entrée, la très jolie cave a vin avec les fromages qui attendent d’être servis.

Les menus de dégustation sont servis pour la table complète. C’est celui à 89 € que nous choisirons, intitulé « Présentation ». Cela commence par quelques amuse-bouche tels que le Pomada. Ce cocktail est né sur l’île de Minorque en 1967 et est connu sous le nom de pomada grâce à son effet pétillant. A base de gin, de jus de citron, de limonade et éventuellement de la menthe. Mais en fait ici il s’agit d’une réinterprétation sous forme de biscuit imbibé.

Nous poursuivons par un sablé au fromage du Mas Farró, tomate et eau de tomate. Fromage cru de brebis de la fromagerie du Vall de Bianya (La Garrotxa). Pâtes à pâte pressée et croûte moisie badigeonnée. Affinage moyen avec 3 mois. Il a une forme cylindrique et pèse environ 850 g.

L’excellent pain artisanal provient de L’Espiga d’or de Vilanova i la Geltrú.

Nous poursuivons avec un fin « Ajo blanco » aux crevettes blanches, anguille fumée et pomme neige. Crémeux et visuellement très plaisant. A nouveau une réinterprétation de cette classique soupe andalouse.

On appréciera beaucoup la fleur de courgette farcie à la brandade de morue et à la sobrassada, sur un pesto léger et olives noires. Un peu semblable a la texture de la tempura, la fleur pour une fois est vraiment intéressante ce qui n’est pas toujours le cas et l’ajout de la sobrassada une belle idée.

Puis un riz aux crevettes de plage. En fait c’est un tartare de crevettes rouges crues qui recouvre le riz qui lui bien entendu est chaud. C’est une manière que j’ai déjà vue ailleurs être cuisinées mais c’est toujours très bon ce chaud-froid.

Comme vin, un rouge appelé Coma Bruna de la maison Espelt de l’Emporda, Très Old Vinyes  2018. Le nez est complexe et intentionnellement méditerranéen. Notes de fruits noirs et de cèdre avec un fond de réglisse. Des arômes subtils de violette accompagnés d'un voyage intense et agréable à travers le sous la forêt méditerranéen.

Un très petit morceau de poisson de plage avec une sauce pil pil au codium, une émulsion de piparras et de coriandre. Bien entendu influencé par le Pays basque, c’est très bon mais un peu un manque de générosité niveau quantité.

Le plat principal a été modifié et de mémoire il s’agit d’un plat terre-mer avec du homard, ici une queue et du lapin. Association plutôt inédite. Toujours compliqué d’avoir du homard pas trop cuit.

Un joli plateau de fromage (en supplément) avec des produits principalement locaux.


Également un changement de dessert car bien entendu tout dépend des arrivages. Non pas des fraises mais je dois avouer que je n’avais pas pris de note sur ce que c’était.

Mais le dessert phare c’est ce coulant noisette de la Solana et glace citron vert et basilic, qui est un délicieux dessert. Un coulant parfait avec ces noisettes de Catalogne provenant de la ferme La Solana dans la région de Tarragone, non loin des Muntanyes de prades. Le vrai goût de la noisette que l’on adore, ce qui est vraiment rare.

Puis pour terminer le repas, un beignet d’Empordá et mousse anisée. La définition la plus simple mais la plus précise du beignet« est une pâte de farine qui est frite dans beaucoup d’huile ». La pâte peut être faite avec de l’eau, du lait, de l’œuf ou de la levure ainsi qu’un ingrédient de base qui est la farine. Il peut avoir toutes sortes de garnitures, qui peuvent être sucrées ou salées, par exemple dans ce cas, de la mousse anisée. Certes, en raison de la simplicité de la préparation, ils sont l'un des desserts les plus populaires et les plus répandus dans toute la péninsule.


Une jolie prestation assez conventionnelle, des assiettes bien pensées et qui vont aussi lorgner sur d’autres régions d’Espagne, des produits parfaitement sélectionnés, des assiettes joliment dressées.

mardi 14 novembre 2023

Ultramarinos Marín, Barcelone

 

Incontournable cette adresse pour celles et ceux amateurs de produits de grande qualité, de plats faussement simplement exécutés qui mettent l’ingrédients au centre de l’assiette puis pour les amateurs de lieux épicuriens sans luxe ostentatoire.


Cette adresse fait partie de mes lieux préférés pour passer un excellent moment et dégustant des plats qui finalement ne se trouvent nulle part ailleurs. Du produit, très peu de sauces ou alors juste ce qu’il faut pour mettre en valeur, et surtout des goûts qui nous rappellent parfois soit le passé, soit même l’enfance.


Une carte qui change à chaque fois et qui bien entendu suit les saisons, des produits locaux et toujours tout préparé avec beaucoup de technique.


Aujourd’hui c’est dans la salle du fond que nous sommes installés où se préparent les grillades, les préparations culinaires et certaines cuissons au four a bois. Pas beaucoup de tables, pas souvent ouvert mais un vrai plaisir que de se trouver dans ce coin du restaurant un peu particulier car sombre et intime.

On a un peut l’impression de se trouver dans un autre endroit en Espagne, dans une taverne où le temps ne semble pas avoir eu d’emprise.

Les viandes se trouvent sur l’étal, certaines cuisent non pas directement sur la braise mais sont suspendues afin de profiter de la fumée et assurément avoir un côté un peu fumé.

Salle un peu privilégiée où l’on peut manger soit a un comptoir soit le long d’une banquette plutôt confortable.

La carte comme je l’ai dit change constamment et propose toujours des surprises. Pour patienter, en amuse-bouche des chicharron et concombre au vinaigre. C’est un met spécial à base de viande, de lard et de peau de porc préparés avec la même graisse que l'animal.

De délicieuses moules en escabèche avec une très bonne sauce à base d'ail et de vinaigre

Toujours ces impressionnantes crevettes rouges ou gamba roja servies crues mais avec les têtes passées à la plancha et cette magnifique sauce a base de garum maison.

Un très fin carpaccio de ventrêche de thon aven un filet d’huile d’olive.

Les plats sautés avec ces calamars à la plancha toujours aussi délicieux.

Même remarques pour les petites seiches.

Une belle découverte avec ce lapin à l’ail qui est probablement l’un des meilleurs que j’aie mangé. En fait il a été précuit dans une casserole ou plutôt doré et ensuite suspendu sur la braise. L’extérieur est croustillant et l’intérieur encore moelleux, ce qui est vraiment remarquable car souvent le lapin est un peu sec.

L’escalivada est excellente et bien plus gouteuse que dans d’autres endroits.

Pour terminer un fondant cochon de lait à la Ségovienne cuit au four à bois et servi avec une petite salade.


Comme vin, un Priorat Quars El Mas de l’A. La Morera 2020. De couleur jaune pâle, ce vin blanc a un nez sensuel avec des notes de coing, de brise marine fraîche et salée et d'herbes.

Encore un repas remarquable, des produits, des techniques et des cuissons fantastiques. On vient et revient inlassablement chez Ultramarinos Marin qui est une des plus belles tables en ville.

jeudi 9 novembre 2023

Insolent, Barcelone

 

C’est finalement plutôt rare récemment les nouvelles ouvertures de tables dans Gracia, probablement que la mode est de se rapprocher de Sant Antoni mais ici c’est une exception puisqu’il s’agit d’un restaurant d’un hôtel, celui de Sonder La Casa del Sol. Je m’y étais rendu à une époque sur le rooftop qui a une très belle vue sur la place, mais ici il s’agit d’une salle au rez-de chaussée.

Une récente adresse lancée par quatre jeunes qui veulent bousculer la scène gastronomique de Gràcia et où de jeunes cuisiniers au nom de Miquel Garcia et Julià Castelló, qui sont venus amener un peu de fraicheur culinaire dans le quartier. En préambule, il faut que je vous parle du « xuixo »… Sans entrer dans les controverses, on pourrait dire que le « xuixo »… est à la ville de Gérone ce que le carbayón est à Oviedo, la torta loca à Malaga ou le fartó à Valence. Bref, une recette irrésistible avec de fortes doses de sucre qui adoucit la vie depuis de nombreuses années. L’histoire du « xuixo »… de Gérone, c’est une sorte de rouleau de pâtes frites croustillantes, fourrées à la crème pâtissière et recouvertes de sucre – remonte à il y a un peu plus d’un siècle, lorsque le chef pâtissier local Emili Puig, aidé d’un pâtissier français, a conçu et créé le premier de ces bonbons dans l’atelier de la défunte Pastisseria Puig. Ce « xuixo , qui doit son nom à l’expression gauloise « mon petit choue » (quelque chose comme ma chérie), est rapidement devenu populaire parmi les habitants de Gérone, qui ont commencé à le consommer tous les jours à toute heure sans nécessiter de festivité comme c’est le cas pour d’autres bonbons tels que les panellets ou les roscones de reyes. Pour les trouver…Parmi les plus anciennes se trouve Can Castelló, l’une de ces pâtisseries traditionnelles qui se trouve à Gérone depuis 1898. Ses propriétaires actuels et continuateurs de la saga Castelló, Pilar et Julià, ont ouvert en 2018 un atelier exclusivement dédié à la fabrication de xuixos ; de là, ils distribuent aux restaurants et aux établissements de Gérone et de Figueres. Pourquoi je vous parle de tout cela ? Eh bien parce que Julià Castelló est tout bonnement le fils de Can Castello et que vous trouverez des « xuixo » sur la carte mais préparés de manière très originale ! Deux chefs qui ont travaillé chez Paco Perez dont le Tast de Manchester, plus de quatre ans mais aussi chez El Celler de Can Roca. On pourra se douter qu’ils proposeront une cuisine qui se voudra inventive, hors créneau et insolente comme le dit le nom de l’’établissement !

Une salle assez moderne avec un mélange de tons blancs et orange, une décoration assez plaisante, un service détendu. Toujours à la recherche des meilleurs produits de saison, les chefs vous proposeront une série de plats à l’énoncé souvent mystérieux dans le sens où il y aura probablement un effet surpris dans la réalisation.

Cependant nous choisirons tout d’abord quelque chose de plus conventionnel avec des Piparras frits du Maresme, sauce mojo verde et rojo. Piments d’origine basques pas toujours faciles à trouver et à mon avis plus fins que les padron. Ici associés avec ces fameuse sauces mojo vert ou rouge ;  une sauce des iles Canaries, préparée avec des poivrons rouges ou verts, un peu fumées, épicées, avec du cumin, de l’huile, de l’ail et du vinaigre.

Donc bien évidemment ici pas de bravas ni de croquettes mais les fameux « Xuixo » dont je vous ai déjà parlé. Voici donc les Xuixo de Gérone, le premier farci avec une estouffade de ragout d’agneau et mayonnaise au Ras El hanout. Tout de suite on réalise que côté aventureux de la chose puisque ce n’est pas une version sucrée ! Et le second au pesto de cacahouète, mascarpone et figues.

Du légume avec un tartare de betteraves avec une purée d’avocats grillés, chou frisé frit et lamelles de radis. Bienvenu ce type de plat plutôt rare car des légumes ce n’est pas si fréquent que cela et cette betterave est une assiette bien fraiche.

Un très bon bar en esquixada, avec une eau de tomate et poivron jaune, crème d’agrumes, émulsion de maïs fermenté et coriandre. C’est un plat a mi-chemin entre quelque chose de Catalan et un met latino-américain. C’est à nouveau très frais, léger et savoureux.

Un très bon poisson avec ce curbot cuit à la braise, avec une sauce verte au algues codium. Nous apprécions à nouveau les saveurs franches et le côté léger de la sauce sur un poisson parfaitement cuit.

Un mémorable dessert avec ce gel citronné, crème d’avocat, gel au basilic, granité de pomme et sorbet citron. Tout dans l’acidité, peu de sucre mais quand même beaucoup de rondeur en bouche.

Bien entendu retour au plat phase avec un Xuixo à la cannelle et cardamome de Can Castello, pomme caramélisée, glace au fromage. Impensable de ne pas déguster cela !

Comme vin rouge un Priorat Destrankis 2021 avec des arômes de fruits rouges frais, d’herbes, de romarin, de thym et de notes minérales. Une bouche dense, minérale avec un goût de fruits des bois mûrs.

C’est une excellente nouvelle que des jeunes avec du talent et le désir de réussir, aient ouvert cet établissement sur la Plaza del Sol où ils s’amuser à proposer une cuisine élaborée, de qualité et avec une touche non conventionnelle qui les a toujours accompagnés. Conscients que les gens qui visitent cette place ont tendance à accorder plus d’importance à la boisson qu’à la nourriture, ils cherchent à rejoindre la liste des contrastes et à se démarquer pour une proposition gastronomique difficile à oublier.