Voici
probablement l’une des plus belles découvertes de cette semaine à Istamboul.
Pour découvrir de nouveaux établissements, il faut évidemment être à l’écoute
des locaux mais aussi se balader sur certains sites de « foodistes »
stambouliotes. Etonnement le coin où se trouve « Aheste » comporte un
certain nombre de très belles tables. Nous sommes sur Meşrutiyet Cd, là où se
trouvent la plupart des hôtels de luxe du quartier de Beyoğlu, avec une
clientèle probablement enclin à fréquenter de beaux établissements.
Première
information, ne vous fiez pas trop à certaines pages web de
« Aheste » qui pourraient vous emmener vers la tour de Galata à cause
du nom. En fait cette table a déménagé il y a peu de temps et se trouve
maintenant vers Pera, d’où le nom « Aheste Pera » et non plus
« Aheste Galata ». Leur site
web sera prochainement remanié car certaines photos datent de l’époque, mais
rien de fondamentalement perturbant.
D’entrée un
coup de cœur car vous y trouverez d’exceptionnels mezzés au-delà de toute
imagination. Un établissement qui respecte la charte « Slow Food »,
ce mouvement international né en Italie qui est un mouvement « écogastronomique
» venu en réponse à une cuisine non respectueuse des vraies saveurs, le « fast
food ». Dans ce contexte, il est important de réapprendre le goût de la
table et les saveurs des différents aliments.
Une cuisine
qui s’inspire évidement de la Turquie, des Ottomans mais aussi de l’Iran, de la
Syrie ou d’Arménie pays voisins, mais toujours avec une subtile touche moderne.
Une cuisine focalisée sur les produits bio, locaux et de saison.
La cheffe
Sara Tabrizi née en Iran mais d’Istamboul est une sommité dans l’art de
travailler ou retravailler ses mezzés en y apportant une touche personnelle et
contemporaine. Comme précédemment mentionné, les ingrédients qu’elle utilise
sont choisis et proviennent des meilleures régions du pays avec comme exemple
Antakya ou Antioche en Français dans le Hatay ou l’on trouve l’une des
meilleures tahiné.
Situé au
coin d’une rue, cette table se trouve dans un ancien bâtiment historique
initialement un atelier de peinture et par la suite un hôtel. Vieux de 140 ans,
l’intérieur a été transformé un quelque chose d’assez proche d’un concept de
loft. Une pièce en longueur avec les premières tables qui donnent sur la
rue ; des murs de briques, des éclairages doux.
Un mélange
intelligent entre modernisme et classicisme avec ces structures métalliques, le
côté artistique inachevé des murs et ces tables de bistrot élégamment dressées
de nappes blanches, éclairées de
bougies.
Au fond le
comptoir très design et des spots un peu partout mais judicieusement placés, jamais avec des éclairages directs. Un lieu
somme toute assez romantique et aussi un peu classique mais sans jamais devenir
trop guindé.
Un parfait
accueil ; notre serveur s’est immédiatement enquis de notre confort, ce
qui fut vraiment appréciable. Puis la carte nous fût amenée pour une première lecture.
Le choix
des mezzés est tout bonnement magnifique ainsi que les plats principaux. Et par
bonheur, vous pourrez prendre le « menu dégustation » qui vous
donnera un bel aperçu de cette extraordinaire cuisine. Un menu vraiment
recommandé et très sagement tarifé à 96 TL tenant compte de l’endroit et de la
qualité de ce que vous allez déguster.
Le pain
arrive tout chaud dans un panier, un premier, traditionnel recouvert de sésame
et un second plus proche d’une brioche.
Un petit
bol rempli d’huile d’olive vierge dans lequel on identifiera de l’ail frais
écrasé, afin de tremper le pain.
A noter que
chaque mezzé sera présenté dans une délicieuse porcelaine faite à la main. Nous
commencerons avec une purée de fèves, des olives noires, oignons rouges, et zestes
de citron vert. Onctueuse, légère, magnifiquement montée et parfumée. Sur le
dessus les olives joliment disposées avec quelques brindilles d’aneth.
Un superbe
mezzé intitulé, « Trop chaud pour être tenu dans les mains » qui en
fait est un sublime « Baba ganousch », purée d’aubergine mélangée
avec du tahini, de l’ail, du citron et de l’huile d’olive. Sur le dessus des
flocons de piments croustillants qui ont été frits. Un classique revisité qui
est simplement parfait.
Nous
continuons avec un autre fabuleux met, les pousse-pierre dans l’huile d’olive,
yaourt fumé et pétales de rose. Le goût du fumé et l’élément salé marin est une
magnifique association. De plus l’esthétique est là pour en faire un très beau
plat.
Un des mets
« signature » de la chef est le
« Dudi », riz persan. Un mélange de quatre riz : le
« Dudi » d’Iran qui est une sorte de riz Basmati de haute qualité, un
riz blanc fumé, du Basmati classique aves de l’ail et des oignons frits. On
retrouvera également ces baies iraniennes séchées appelées
« zereshk » proches des canneberges ainsi que des raisins secs. Ce mélange est à nouveau sublime et sera
probablement l’un des meilleures préparations de riz que j’ai pu manger.
Autre
impressionnante assiette avec les épinards « Borani ». Juste rapidement
saisis pour qu’ils soient encore verts. Une onctueuse sauce au yaourt sur
laquelle se trouvera un beurre pimenté.
Surprise
après surprise, le fromage de Tulum avec du melon confit, séché. Le Tulum d’Erzincan « Erzincan tulum peyniri » est un des fromages les plus
consommés en Turquie. Spécialité de l’est de l’Anatolie à base de lait de
brebis, il est traditionnellement mûri dans des outres en peau de chèvre « tulum ». Et pour arrondir en bouche le goût de ce magnifique fromage qui
ressemble à un caillé de lait,
des morceaux de melon bien sucrés et confits. Avec un peu d’huile et du pistou.
Les artichauts
dans l’huile d’olive accompagné de fèves sont à nouveau superbes. Les légumes sont
frais et confits , la sauce au fromage de chèvre d’Erzincan est onctueuse, un
peu de fenouil pour finaliser ce plat.
La salade
de tomates et fromage de chèvre qui a première vue à l’air simple est elle
aussi complètement revisitée en ajoutant des noix broyées, rappelant un peu les
saveurs du « Muhammara » mais sans les poivrons. Fraiche, assaisonnée
parfaitement, simplement délicieux.
Autre mezzé qui m’impressionnera, les sardines frites au thym frais et sauce à l’ail
et aux noix. On a souvent l’habitude de les manger grillées mais ici elle sont
panées et passées rapidement à la friture sans être grasses. Le goût est moins
prononcé qu’à l’accoutumée et des pus elles sont croustillantes. La sauce les accompagne
parfaitement et ajoute beaucoup de gourmandise a ce met.
Des piments
verts mixtes frits avec une mayonnaise à l’anchois. Ingrédient qui accompagne
généralement tous les kebaps, ces piments qui ne sont pas vraiment forts sont
rapidement sautés dans une poêle avec quelques olives vertes. On les trompe
ensuite dans une fine sauce bien parfumée à l’anchois rendant le tout très
gourmand.
Comme l’un
des convives n’apprécie pas les sardines, notre serveur n’a pas hésité une
seconde à offrir un plat de substitution pour la personne, à savoir une délicieuse
feta chaude de Ezine au mastic et pistaches. Cette feta est particulièrement
délicieuse et provient d’une région où les conditions climatiques sont propices
à la fabrication de ce fromage, la province
de Çanakkale dans la région de Marmara. Le fromage est fondu et adouci par le
mastic avec son parfum résineux. Les pistaches sont ajoutées pour la touche
croquante. A nouveau une fabuleuse entrée dans cette série de mezzés.
Nous continuerons
avec l’excellent foie de veau poêlé au
pamplemousse, sumac et oignons. Finement tranché, cuit à la seconde et rehaussé
par le côté agrume et l’acidité de cette épice violette, fruitée, au goût acide mais délicat.
Le met
suivant est évidement un classique mais ici magistralement préparé. Le Köfte
grillé maison est juteux, parfumé, épicé avec parcimonie, cuit à la perfection.
Recouvert d’un peu de piment rouge finement tranché et déposé sur un yaourt
travaillé à l’ail.
Pour le
plat principal nous avions le choix entre un poisson, une volaille et une
viande. Nous avons retenu l’agneau cuit à basse température qui fut une
merveille, fondant en bouche, sucré et salé avec l’ail en chemise et les
raisons secs. Cuit dans de la mélasse et des abricots secs.
Accompagné d’une
variation autour du taboulé qui s’harmonisa parfaitement avec cette viande.
Le chapitre
des desserts n’est pas en reste et tout aussi impressionnant avec la glace vanille
et ses morceaux croustillants de courge. La gastronomie du Hatay offre un large
répertoire de spécialités qui forge une identité singulière à la fois très
méditerranéenne et très orientale. On y trouvera de très bons fruits confits comme
: orange amère, courge, figue, prune, cerise, citron, pétales de fleurs d’oranger… La courge confite a été découpée en
cubes sur cette glace et saupoudrée de brisures de noix.
Et pour
terminer, une mousse au chocolat et cerises. Très aérienne mais surtout remplie
de ces magnifiques et énormes cerises que l’on trouve ces jours-ci en Turquie.
Pendant ce
repas une bouteille de blanc, Sarnic Selendi 2014 Viognier et Chardonnay. Un
vin de la région de la mer Egée, très particulier, bio, qui a été élevé dans
des barriques de chêne français, avec une légère pointe oxydative.
Tout au
long de ce repas, le service fût attentionné, souriant et efficace. A ce jour, « Aheste »
a délivré une prestation unique car de bout en bout, chaque mezzé fût un moment
inoubliable et le niveau atteint fût sensiblement supérieur à l’ensemble des
tables déjà visitées dans cette catégorie de repas. Incontournable…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire