mercredi 17 octobre 2018

Slow & Low, Barcelone


Pas trop sur de savoir pourquoi ce nouvel établissement s’appelle comme cela ! Peut-être « slow » comme « slowfood » ? Et « low » comme « low cost » ? Non il y a fort à parier que cela à une autre signification, quoi que cela ne soit pas si farfelu que cela. Bien entendu dans le quartier de l’Eixample car c’est tout de même la qu’un certain nombre de belles tables se trouvent, voici un établissement dont on va probablement parler de plus en plus.


Ouvert il y a quelques mois et sans aucun bruit, voici un endroit qui promet beaucoup et qui immédiatement va plaire pour maintes raisons. Tout d’abord il faut aussi comprendre le concept derrière cet établissement, concept qui nous fût raconté par le maitre à bord, Francesc (Frank pour les intimes.) Beltri en milieu de repas et qui nécessite d’être entendu pour encore mieux apprécier le repas qui suivra. Un jeune cuisinier qui à partir de 15 ans, passa dans de beaux établissements tels que « Els Tinars », « Bodega 1900 » ou encore avec Paco Pérez.


Un chef qui a donc voyagé par le monde pendant quelques années et qui aujourd’hui propose une cuisine décomplexée, influencée par diverses contrées, un peu sur le mode d’une des tables d’Adria ou des tables comme « Dos Pebrots ». Une cuisine assez technique, sans concession, plutôt inhabituelle ; un répertoire plutôt éclectique, des produits de qualité, des saveurs et arômes très variés. Voila ce que vous allez trouver dans cet établissement. D’entrée je précise que le terme de cuisine « fusion » dénigrerait la prestation car c’est bien mieux que cela. Une équipe qui comprend également Nicolás de la Vega son second, Alejandro Santafe et Claudia Palou.


On sera immédiatement sous le charme esthétique en arrivant face a cette belle entrée qui laisse présager un intérieur hors du commun.


Un lieu conçu par l'architecte Oscar Domínguez, du bureau « Sánchez Guisado Arquitectos » qui a imaginé un endroit assez différent avec un bar devant la cuisine qui est admirablement conçue. Entrée sur une grande table communautaire qui se trouve juste à coté de cette cuisine. Murs de pierre, tables noires très design, lumières bien étudiées.


Une série de salles en profondeur, sans trop de lumière naturelle, mais avec de très hauts plafonds, une sensation de volume et une décoration intérieure très soignée. Un espace ample, ouvert, avec des éléments industriels et des éléments en céramique verte.



Vous pourrez donc apprécier ce repas dans trois endroits différents, à l’entrée, face à la cuisine ou encore dans la salle à l’arrière étonnement structurée avec un large espace central qui est vide, quelques tables le long des murs et une centrale. Espace ou se trouve d’ailleurs le cellier, une ouverture ou les plats sont passés et un coin de travail pour les boissons.






Pas de carte mais deux menus, un plus long que l’autre. Le premier à 38 et le second à 48 euros. Le repas démarre dans sa version longue de 10 plats que nous choisissons, par un cocktail de bienvenue, mettant en avant la douceur citronnée de la bergamote, de la coriandre, de la vanille, une mousse d’hibiscus et les notes fumées de mezcal. Un cocktail un peu trop sucré selon moi, surtout que les premiers mets arrivent avant d’avoir terminé.


Cela démarre admirablement avec une huitre avec une base de gingembre liquide, du concombre, de la pomme verte, du céleri et une cuillière de caviaroli, qui sont des petites boules d’huile d’olive. Cela me rappelle très agréablement les préparations d’huitres de « Compartir » à Cadaquès.


« La Moluscada », un clin d’œil probable à Paco Pérez de chez « Miramar » chez qui il est passé, avec cette fantastique salade de fruits de mer inspirée par le Sunomono japonais, sorte de salade à base de concombre, mais ici où l’on trouve une cuisson modérée et précise des palourdes japonaises, de coques et quelques pousse pied de Galice qui se distinguent par l’ongle nacré, par la grosseur et par le fait qu'il est commercialisé frais et qu'il pousse sur des rochers durs. Le tout avec une fine vinaigrette, fraîche, avec sa pointe de vinaigre et le concombre de la recette originale du Sunomono, converti un semi-sorbet auquel le dextrose rend la texture crémeuse.


Nous continuons avec de magnifiques moules du delta de l’Ebre marinées, dans une sauce de couleur rouge. Elles sont petites et savoureuses, avec l'arôme fumé du piment de la Vera et la puissance, le goût légèrement fermenté gochu jang coréen. Ingrédient de base de la cuisine espagnole, le pimenton de la Vera est entre autres utilisé dans la fabrication du chorizo et la préparation de la paella valencienne. Aussi appelé piment doux A.O.C de la Vera est fait à base de piments cueillis puis séchés de façon traditionnelle : ils sont suspendus et fumés au bois de chêne pendant environ deux semaines. Sans aucun doute la pâte de piment rouge la plus populaire de Corée, il est quasiment impossible de réaliser un plat sans le gochu jang traditionnel. Voici le parfait exemple d’un plat qui associe des ingrédients asiatiques mais jamais sombrer dans du vulgaire « fusion ». En réalité on pourrait s’imaginer manger les classiques moules que l’on accompagne un peu partout avec un vermouth, mais ici retravaillé de manière originale.


Grande émotion avec la salade de tomates Barbastro et une glace de fromage fumé. Pas facile de trouver d’excellentes tomates comme ici, pelées, avec une bonne huile, du sel de Maldon, ce fromage Herreño des Canaries, fumé de consistance molle, généralement de goût doux et moelleux en bouche et d'aspect extérieur lisse. Fumé, blanc et beige avec un fort arôme, idéalement utilisé dans cette glace. Et comme support un magnifique sablé breton réalisé au Comté. Diverses textures et saveurs pour cette assiette vraiment gourmande.


Puis ces champignons Rovellons cuits sur la braise, avec une réduction de fond de volaille et de l’huile de ciboulette.


Ensuite un petit « mollete » à la queue de bœuf, préparé avec de la blonde galicienne, du concombre mariné, du kimchi et une mayonnaise katusobushi qui est du thon séché, fermenté et fumé, également connu sous le nom de flocons de bonite. Plaisant mais trop vu et peut-être prévisible.


Nous continuerons avec un plat qui marie l’ile de Bali avec l’Espagne avec ce cochinillo ou peut-être plutôt Babi Gulin. Une cuisson parfaitement maitrisée de ce porcelet ibérique, avec un praliné aux arachides, un sambal et une petite salade thaïlandaise pour le nécessaire et intelligent apport d’un peu d’acidité dans l'ensemble. C’est vraiment une assiette encore très gourmande.


Les desserts réalisés par Alejandro Santafe ne sont pas en reste ici car nous trouverons une belle maitrise des combinaisons acido-sucrées, une complexité des nuances et des jeux de textures dans un style « Espai Sucre ».  Le premier qui rappelle la Thaïlande et qui d’ailleurs s’intitule « Voyage en Thaïlande », avec une compote de piment incorporée avec de la mousse de mangue, du tapioca à la noix de coco, un faux gâteau aux fruits de la passion et du sorbet au citron vert et au gingembre.


Ensuite un autre très beau dessert à base d’une crème de courge, sorbet au chocolat blanc, de streussel à la mélasse et d’un granité d’orange.


Comme vin pendant ce repas, un Pétalos Bierzo J. Palacios. Vin qui est issu de la collaboration entre Alvaro Palacios et Ricardo Perez. Un vin d’entre de gamme, mais sérieusement vinifié. Le nez frais et floral de cerise noire est magnifique, avec une pointe charnue. La bouche étonnante est fraîche et vive, avec des notes intenses de cerises noires, de viande et d'olives.


Une très belle cuisine basée sur les produits d’ici et sur les techniques du monde entier. L'Asie dans le coeur mais pas seulement l'Asie, mais aussi la Méditerranée. La qualité du produit, le talent et l’imagination dans la plupart des assiettes. Des plats où les saveurs se mélangent avec succès mais restent distinguables et chacune garde sa personnalité. Un restaurant de haute qualité et une cuisine moderne, qui en fait une belle et nouvelle proposition.

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