Une des mes tables préférées de Barcelone qui se distingue par son énorme originalité car n’essaie pas de sombrer dans une cuisine à la mode avec de lassantes recettes inspirées par les ingrédients de type « fusion », ce qui devient un vrai problème car beaucoup de chef en ce moment s’imaginant que de lorgner vers l’Asie et l’Amérique Latine reste l’assurance d’avoir du succès. Eh bien, une erreur qui sur la longue va couler la plupart des établissements qui « jouent au petit Adria » … Avec « Malahierba », on entre dans une autre dimension avec une cuisine tellement personnelle, originale et unique à Barcelone. Pas une première visite, mais une seconde car il y a quelques semaines de cela ; notre repas fût tellement unique que nous avions hâte de découvrir de nouvelles assiettes. Je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce couple avec le chef Fabio et sa partenaire Roser, du concept de leur cuisine que vous trouverez décrit dans mon premier billet.
Cette-fois
nous sommes assis à la même table, dans cette très jolie salle décorée avec divers
objets de brocante dans un style un peu bohème. Son énorme et ancien frigo avec
ses superbes portes de bois.
Fabio est
en cuisine, focalisé sur les assiettes, prend le temps de nous saluer, puis
cela sera Roser qui viendra nous faire ses recommandations.
Bien
entendu nous préférerons découvrir d’autres plats comme par exemple en entrée
des anchois de Santoña, patates douces et beurre fumé au romarin. Santoña est
une ville située en Cantabrie, reconnue en Espagne pour la qualité de ses
conserves élaborées avec les produits de la pêche maritime. Capturés au
printemps dans les eaux du golfe de Gascogne, la méthode de production est
entièrement traditionnelle, où l’anchois est nettoyé et tassé à la main, selon
un procédé de salaison supérieur à 7 mois. Après le salage, il faut alors les
nettoyer à la main, un par un, avec le plus grand soin. Après cette tâche
fastidieuse, ils sont assaisonnés avec de l’huile d’olive douce. Ici
nous avons donc le produit de qualité à l’état pur, accompagné de deux quartiers
de patate douce pour atténuer le côté salé avec un côté doux, le beurre dans ce
cas n’amène pas vraiment de valeur ajoutée.
Assurément le
plat de la soirée car à nouveau il s’agit bien « du produit » mais
surtout de l’essentiel de ce plat qui pourrait paraitre anodin mais qui est
essentiel un peu comme une recette de Passard ou le plus proche Pellicer. Des oignons
au four DOP, Fuentes del Ebro, moule, crème d’amande et safran. C’est un oignon d’Aragon en Espagne. Il est
très apprécié pour sa satisfaction gustative : jutosité et faible piquant, pas
d’arrière goût en bouche. Les oignons Fuentes de Ebro sont cultivés sur des
terres avec de faibles quantités de soufre, donc moins de « larmes », de démangeaisons et d’« indigestion » que les
autres types d’oignons. Cuits avec passion au four, une moule juteuse sur le
dessus qui a un filament de safran vraiment très parfumé dont la saveur s’est
mélangée avec le jus de l’oignon et la touche douce de l’amande, un peu le clin
d’œil au traditionnel ajoblanco. Un très grand plat très pensé.
L’excellent
pain de la maison.
Autre plat
mémorable, le tortelli « maison » de joue de porc, parmesan et sauce
au persil. Un type de pâtes fourrées
traditionnellement fabriquées dans les régions de Lombardie, d'Émilie-Romagne
et de Toscane en Italie. On peut le trouver sous plusieurs formes, y
compris carré (semblable aux raviolis), semi-circulaire (semblable à l’anellini),
ou tordu en forme de chapeau arrondi (similaire à cappelletti comme ici mais de
grande taille). La face est sublime car très parfumée, la préparation ou plutôt
crème de parmesan met en valeur la pâte sans oublier ce délicieux jus concentré
de persil.
Amateur de
ris de veau devant l’éternel, nous choisirons en suggestion du jour, ceux-ci
son cuits sur une brochette qui sont finalisés sur des cendres que l’on amène à
table ; cendres réalisées avec des herbes séchées du jardin. Croustillants
à l’extérieur, moelleux en leur centre. Et une fois sur l’assiette, un
magnifique fond de sauce est versé tout au tour. Les ris sont accompagnés de cèpes
cuites également sur la brochette.
Un plat
très particulier appelé la Parpatana de thon bluefin, échalote, topinambour et
laitue de mer. Particulier car la parpatana c’est un morceau hésite entre
l'alose et le gibier. C’est une pièce relativement grasse du cou poisson,
noire, intensément goûtue, entre la gorge et la ventrêche. La saveur est
assez particulière, plus proche d’une viande donc que de poisson ; cela
peut plaire ou non. Le morceau bien grillé (pas comme d’autres pièces du thon)
est accompagné d’une purée automnale de légumes oubliés, le topinambour, de
chips d’échalottes bien croustillantes et d’une algue frite pour une texture
additionnelle.
Un des
plats phares ici c’est l’os à moelle avec son tartare amené sur de la braise,
fumé au romarin. Une bûche incandescente arrive sur un plateau, dessus l’herbe
qui fume, l’os à moelle et la viande presque crue découpée à la main. On mélange
les deux textures qui sont parfumées avec ce coté herbal fumé.
Souhaitant
plus découvrir que de manger…nous nous verrons offerts de n’avoir qu’un demi-dessert
avec tout d’abord cette merveilleuse génoise d'herbes sauvages, compote de
tomates, crème de mascarpone et glace aux câpres. Déjà assez impressionnant visuellement car très floral et gracieux, les
saveurs sont délicates, jamais trop sucrées, une utilisation brillante de la
tomate et surtout cette glace absolument originale et fabuleuse. Un très beau
dessert.
Second dessert
avec le gateau au citron fumé, huile d’olive, pétales de sel, glace à la meringue.
Encore un dessert remarquable car jamais trop sucré, qui sait balancer douceur
avec salé, l’acidité avec le doux. Une très originale réinterprétation d’une classique
tarte meringuée mais ici avec un sablé en fond.
Ici les
vins sont particulièrement sélectionnés, principalement naturels et biodynamiques.
Sous les conseils de Roser nous choisirons un rouge, un CEPA 21 2015 Ribera del
Duero qui présente d'importantes notes fruitées au nez et un potentiel tannique
élevé en bouche avec des tanins doux qui témoignent de la bonne maturation
phénolique des raisins.
Incontestablement,
voici un second repas tout aussi mémorable avec de la créativité mais utilisée
à bon escient, de très bonne techniques, une exécution sans faille et de
délicieuses saveurs. La cuisine a toujours ici un fil conducteur, utilise
toujours d’exceptionnels produits et une histoire. Une deuxième magnifique
expérience gastronomique qui nous rend impatient de la suivante.
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