mardi 2 octobre 2018

Mala Hierba, Barcelone


Une des mes tables préférées de Barcelone qui se distingue par son énorme originalité car n’essaie pas de sombrer dans une cuisine à la mode avec de lassantes recettes inspirées par les ingrédients de type « fusion », ce qui devient un vrai problème car beaucoup de chef en ce moment s’imaginant que de lorgner vers l’Asie et l’Amérique Latine reste l’assurance d’avoir du succès. Eh bien, une erreur qui sur la longue va couler la plupart des établissements qui « jouent au petit Adria » … Avec « Malahierba », on entre dans une autre dimension avec une cuisine tellement personnelle, originale et unique à Barcelone. Pas une première visite, mais une seconde car il y a quelques semaines de cela ; notre repas fût tellement unique que nous avions hâte de découvrir de nouvelles assiettes. Je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce couple avec le chef Fabio et sa partenaire Roser, du concept de leur cuisine que vous trouverez décrit dans mon premier billet.



Cette-fois nous sommes assis à la même table, dans cette très jolie salle décorée avec divers objets de brocante dans un style un peu bohème. Son énorme et ancien frigo avec ses superbes portes de bois.



Fabio est en cuisine, focalisé sur les assiettes, prend le temps de nous saluer, puis cela sera Roser qui viendra nous faire ses recommandations.


Bien entendu nous préférerons découvrir d’autres plats comme par exemple en entrée des anchois de Santoña, patates douces et beurre fumé au romarin. Santoña est une ville située en Cantabrie, reconnue en Espagne pour la qualité de ses conserves élaborées avec les produits de la pêche maritime. Capturés au printemps dans les eaux du golfe de Gascogne, la méthode de production est entièrement traditionnelle, où l’anchois est nettoyé et tassé à la main, selon un procédé de salaison supérieur à 7 mois. Après le salage, il faut alors les nettoyer à la main, un par un, avec le plus grand soin. Après cette tâche fastidieuse, ils sont assaisonnés avec de l’huile d’olive douce. Ici nous avons donc le produit de qualité à l’état pur, accompagné de deux quartiers de patate douce pour atténuer le côté salé avec un côté doux, le beurre dans ce cas n’amène pas vraiment de valeur ajoutée.



Assurément le plat de la soirée car à nouveau il s’agit bien « du produit » mais surtout de l’essentiel de ce plat qui pourrait paraitre anodin mais qui est essentiel un peu comme une recette de Passard ou le plus proche Pellicer. Des oignons au four DOP, Fuentes del Ebro, moule, crème d’amande et safran. C’est un oignon d’Aragon en Espagne. Il est très apprécié pour sa satisfaction gustative : jutosité et faible piquant, pas d’arrière goût en bouche. Les oignons Fuentes de Ebro sont cultivés sur des terres avec de faibles quantités de soufre, donc moins de « larmes », de démangeaisons et d’« indigestion » que les autres types d’oignons. Cuits avec passion au four, une moule juteuse sur le dessus qui a un filament de safran vraiment très parfumé dont la saveur s’est mélangée avec le jus de l’oignon et la touche douce de l’amande, un peu le clin d’œil au traditionnel ajoblanco. Un très grand plat très pensé.



L’excellent pain de la maison.


Autre plat mémorable, le tortelli « maison » de joue de porc, parmesan et sauce au persil. Un type de pâtes fourrées traditionnellement fabriquées dans les régions de Lombardie, d'Émilie-Romagne et de Toscane en Italie. On peut le trouver sous plusieurs formes, y compris carré (semblable aux raviolis), semi-circulaire (semblable à l’anellini), ou tordu en forme de chapeau arrondi (similaire à cappelletti comme ici mais de grande taille). La face est sublime car très parfumée, la préparation ou plutôt crème de parmesan met en valeur la pâte sans oublier ce délicieux jus concentré de persil.


Amateur de ris de veau devant l’éternel, nous choisirons en suggestion du jour, ceux-ci son cuits sur une brochette qui sont finalisés sur des cendres que l’on amène à table ; cendres réalisées avec des herbes séchées du jardin. Croustillants à l’extérieur, moelleux en leur centre. Et une fois sur l’assiette, un magnifique fond de sauce est versé tout au tour. Les ris sont accompagnés de cèpes cuites également sur la brochette.



Un plat très particulier appelé la Parpatana de thon bluefin, échalote, topinambour et laitue de mer. Particulier car la parpatana c’est un morceau hésite entre l'alose et le gibier. C’est une pièce relativement grasse du cou poisson, noire, intensément goûtue, entre la gorge et la ventrêche. La saveur est assez particulière, plus proche d’une viande donc que de poisson ; cela peut plaire ou non. Le morceau bien grillé (pas comme d’autres pièces du thon) est accompagné d’une purée automnale de légumes oubliés, le topinambour, de chips d’échalottes bien croustillantes et d’une algue frite pour une texture additionnelle.




Un des plats phares ici c’est l’os à moelle avec son tartare amené sur de la braise, fumé au romarin. Une bûche incandescente arrive sur un plateau, dessus l’herbe qui fume, l’os à moelle et la viande presque crue découpée à la main. On mélange les deux textures qui sont parfumées avec ce coté herbal fumé.


Souhaitant plus découvrir que de manger…nous nous verrons offerts de n’avoir qu’un demi-dessert avec tout d’abord cette merveilleuse génoise d'herbes sauvages, compote de tomates, crème de mascarpone et glace aux câpres. Déjà assez impressionnant visuellement car très floral et gracieux, les saveurs sont délicates, jamais trop sucrées, une utilisation brillante de la tomate et surtout cette glace absolument originale et fabuleuse. Un très beau dessert.



Second dessert avec le gateau au citron fumé, huile d’olive, pétales de sel, glace à la meringue. Encore un dessert remarquable car jamais trop sucré, qui sait balancer douceur avec salé, l’acidité avec le doux. Une très originale réinterprétation d’une classique tarte meringuée mais ici avec un sablé en fond.


Ici les vins sont particulièrement sélectionnés, principalement naturels et biodynamiques. Sous les conseils de Roser nous choisirons un rouge, un CEPA 21 2015 Ribera del Duero qui présente d'importantes notes fruitées au nez et un potentiel tannique élevé en bouche avec des tanins doux qui témoignent de la bonne maturation phénolique des raisins.


Incontestablement, voici un second repas tout aussi mémorable avec de la créativité mais utilisée à bon escient, de très bonne techniques, une exécution sans faille et de délicieuses saveurs. La cuisine a toujours ici un fil conducteur, utilise toujours d’exceptionnels produits et une histoire. Une deuxième magnifique expérience gastronomique qui nous rend impatient de la suivante.

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