dimanche 14 octobre 2018

Ginette, Barcelone


D'entrée je dois admettre que j’avais une certaine apprehension que de venir diner chez « Ginette », tout simplement parce que si l’on ne vit pas à Barcelone toute l’année, « manger français » n’a pas beaucoup de sens. Cependant les critiques étant tellement bonnes, je me suis dit qu’après un certain nombre de tables un peu trop semblables (c’est fou ce que les restaurants se copient entre eux à Barcelone…), cela ne pourrait être que plaisant que d’avoir un repas un peu différent. Eh bien croyez-moi…la surprise fût grande et d’entrée je dois reconnaitre que ce n’est pas un restaurant français comme certains se plaisent à le dire sur la toile ! En tout cas ce soir…cela ne l’était pas.


Un lieu intime, comfortable, aéré dont le nom rend hommage à la grand-mère du fondateur, situé dans le quartier du Born, non loin de l’arc de triomphe. Une décoration très plaisante avec de la tapisserie, des tables joliment dressées, dans des coins des canapés, des lumières douces et même un côté assez romantique. On arrive dans une première salle dont les grandes baies vitrées donnet sur la rue, un bar sur la gauche avec quelques chaises surélevées, banquettes et canapé.




Dans une seconde pièce peut-être plus intime, quelques tables le long d’une paroi fleurie, avec une confortable banquette sur la longueur. Sur l’un des côtés, deux tables avec des canapés en cuir, des objets chinés ci et là.






Au fond, la cuisine vitrée et des étagères avec la très variée sélection de vins.



Et étonnement entre les deux sections, un mur avec quelques tableaux ou gravures, un babyfoot pour les amateurs !




Certes l’équipe en place est française mais elle a su avec beaucoup d’intelligence assimiler les coutumes culinaires locales, espagnoles avec les techniques françaises, ce qui quelque part transforme plus qu’agréablement les assiettes qui nous furent servies. On peut venir chez « Ginette » et quelque part « s’efforcer » de manger un « peu français » mais cela serait manquer selon moi l’objectif de ce restaurant, amener un savoir faire différent avec des produits locaux et surtout des recettes plutôt du pourtour méditerranéen.

Ce qui surprend immédiatement, c’est l’accueil, la disponibilité du personnel, l’écoute et la qualité du service. Pas que cela soit inadapté dans d’autres établissement mais le niveau est la et cela fait vraiment plaisir que l’on se soucie un peu plus du client qu’à l’accoutumée.

Hervé Escobar le chef vient de Lille, est passé par « Le Bristol » à Paris, nous propose une carte qui navigue entre Catalogne, d’autres régions d’Espagne, quelques clins d’œil un peu « fusion » mais ce n’est visiblement pas (heureusement) l’objectif de l’établissement. Par example les croquettes de confit de canard qui sont absolument exceptionnelles. On a tous mangé ce type de plat à Barcelone ou ailleurs en Espagne mais ici elles sont absolument parfaites avec une farce bien entendu inspirée d’un produit de l’hexagone mais en bouche cela reste tout de même un met bien local, cependant la farce est fine, parfumée ; la consistance est parfaite et la friture que je qualifierais de légère. De plus la présentation sur un plat en bois et pierre apporte une touche visuelle supplémentaire bien agréable.



Seconde entrée à se partager qui lorgne entre Japon et Moyen-Orient, l’excellente aubergine au miso et sésame. Un fin goût fumé, le miso qui est ce condiment d’origine nipponne, à base de soja fermenté, le sésame sur le dessus avec un peu piment d’Espelette, de persil plat, ciboulette et du pain toasté, se trouve être d’une belle gourmandise avec un bel équilibre de saveurs en bouche sans jamais être trop puissant.


Probablement l’assiette la plus proche d’un plat français et complètement bluffante, les ravioles de champignons fumés à l’estragon, bisque de crustacés. Pâte maison, une magnifique farce bien assaisonnées, une sauce crémeuse d’un surprenant équilibre car la saveur des crustacés n’écrase pas le goût de la farce. Un plat vraiment délicieux qui surpasse un certain nombre de plats de ravioles qu’il m’ait été donné de manger dans le passé.


Retour a un plat peut-être plus méditerranéen, avec un parfait cabillaud vapeur, poêlée d’épinards aux citrons confits, pommes de terre primeurs et crème acidulée. Poisson cuit à la minute, quelques oignons rouges au vinaigre pour un coup de fouet en bouche, de très bonnes pommes de terre sautées, une fine sauce pour compléter


En viande un suculent agneau confit pendant 6 heures, ratatouille et mousseline de patate douce grillée. Une viande qui fond en bouche, un jus de viande parfaitement réduit, cette ratatouille avec des légumes très finement découpée et quin est bien caramélisée, puis une étonnante crème de patates douces qui s’harmonise bien avec le tout. Un plat finalement qui pourrait aussi bien être français que catalan puisque nous sommes proche d’une samfaina, comme on l’appelle dans les régions de Gérone, est une des sauces de base de la cuisine catalane, avec l’aïoli, le romesco, les hachis, les sofritos, les marinières, etc.  Elle ressemble beaucoup au pisto espagnol et à la ratatouille française. Les éléments changent et il en existe de nombreuses interprétations et variantes, avec plus ou moins de poivrons, avec ou sans courgette, plus ou moins juteuse, sans oignon, avec l’aubergine braisée auparavant plutôt que frite à l’huile, etc.


Le dessert n’est pas en reste avec le magnifique cheesecake limoncello et orange. Une version peu classique très légère, plus proche d’une panacotta avec des quartiers d’orange, un peu de zeste de citron vert.


Je dois aussi féliciter le sommelier dont les recommendations furent vraiment parfaites avec particulièrement celle pour un Montsant Selenita 2017, vin réalisé avec grenache et syrah, très vif et intense. Bien fruité, avec des saveurs de confit et de grillé.  


Puis une petite dégustation avec quelques vins au verre proposés, tout d’abord un Geol Old Vines, Costers del Segre de Tomas Cusiné, vin de couleur rouge cerise, des arômes de baies et de compote de prune et des effluves de cacao.


Ensuite un Gessami Gramona 2017 Penedes. Au nez, il offre une énorme intensité aromatique qui rappelle des tiges de fleurs blanches (jasmin et fleur d'oranger). Très frais, il évoque également les infusions de camomille et de tilleul, et révèle des notes d'agrumes et de fruits comme les abricots et les pêches.


Une expérience complète et de qualité dans un restaurant qui se donne beaucoup de peine pour atteindre un tel niveau. Un cadre reposant, calme et convivial, un service aux petits soins, une cuisine avec beaucoup de technique, d’idées mais surtout de la gourmandise qui reste l’élément le plus important d’un repas, une très belle adresse.

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