Quel plaisir de savoir qu’un nouvel
établissement s’est ouvert dans la Carrer Nou de la Rambla ! Depuis
environ six ans, cette rue qui initialement avait un grand nombre de commerces s’est
dégradée avec la plupart d’entre eux qui ont mis la clé sous le paillasson. Anciens
commerces non repris, bars qui ferment, arcades vides ou stores baissés, ou
encore des boutiques d’un peu n’importe quoi. Passage entre la Rambla et le
Raval, peut-être qu’une certaine clientèle rechigne à passer dans cette rue,
allons savoir… Néanmoins, My Fucking Restaurant a bien tenu le choc et est la
plupart du temps complet, avec un chef plébiscité dans les médias, Matteo
Bertozzi. Chef italien presque devenu catalan après les années passées à
Barcelone. Il a étudié à l’Istituto Professionale Alberghiero pendant 5 ans
et à Barcelone depuis je crois 25 ans.
C’est donc un peu plus loin dans la même rue que s’est récemment ouvert Assalto bar à vins, mais c’est tout de même un peu trompeur car ce n’est pas un bar à vin comme on peut se l’imaginer où l’on grignote quelques charcuteries et/ou fromages devant une bouteille. C’est une vraie offre culinaire avec dirons-nous une très belle sélection de vins.
Le nom de cet établissement provient du nom de la rue à une certaine époque qui s’appelait rue comte de Asalto (jusqu’en 1977), qui combattit à La Havane contre les Anglais aux côtés de son frère Vicente, qui y mourut, et fut appelé comte d’El Asalto par Charles III d’Espagne (1763). Il se rendit en Catalogne, où il fut nommé protecteur et président (1776) de l’Académie des bonnes lettres de Barcelone. Il fut capitaine général de Catalogne (1778-84 et 1784-89) ; puis il a été chargé du développement d’El Raval, entre La Rambla et la muraille à côté de Montjuïc, et a ouvert la rue dite Nou de la Rambla, d’une largeur exceptionnelle, nommée d’après le comte d’El Asalto en son honneur.
Ce chef a donc exploité une arcade où j’ai vu passer des fast-foods comme des burgers et ensuite une pizzeria argentine, et aucun n’a tenu le coup. Probablement que ce créneau est surexploité et un désintérêt des touristes de passage, car oui…cette rue est plutôt un lieu de passage de touristes avec le Palais Guell a une extrémité.
Le local a donc été complètement refait avec divers niveaux et sections. L’entrée avec un bar en longueur devant lequel on peut manger.
Une mezzanine avec une grande table seule pour six personnes.
Un niveau inférieur avec à nouveau une grande table dans la première section puis une série de tables individuelles au fond avec même une vue sur un tout petit patio. Décoration souvent florale aussi bien sur les murs que les différents bouquets de fleurs séchées, le tout dans des tons plutôt verts.
Une carte qui pourrait laisser penser que nous avons affaire à une cuisine fusion mais en fait ce n’est pas tout à fait cela. Ce sont plutôt des plats avec des associations parfois surprenantes, plutôt des assiettes avec de la créativité. Une liste de mets où le chef s’est laissé s’exprimer avec des recettes parfois surprenantes où il utilise des ingrédients de divers pays mais de manière souvent bien pensée, sans tomber dans le cliché fusion que j’ai déjà mentionné. On trouvera donc une réinterprétation de la cuisine espagnole classique mais en suivant le leitmotiv durable du « zéro déchet » et l’utilisation de matières premières provenant principalement du Parc Agrari del Baix Llobregat, dans le cas des légumes, et de petits fournisseurs fiables pour la viande et le poisson.
Le menu est plutôt court, avec seulement 16 plats en comptant les entrées et le dessert mais il y en aura pour tous les goûts.
Pour commencer peut-être le seul plat qui nous
aura le moins convaincu… mais ce fût une exception. Le maquereau fumé, texture
de betterave rouge, huile de capucine, gorgonzola et mascarpone. Le problème c’est le manque d’équilibre entre
le poisson parqué au chalumeau et ce goût de fromage beaucoup trop puissant et qui
masque toutes les autres saveurs, avec même une légère amertume en bouche.
Mais on appréciera grandement ce bar en adobo granadino, une recette andalouse que Bertozzi travaille avec du bar séché, une vinaigrette au saké, du fenouil, des olives kalimata, de l’aneth, de la poudre d’algue nori et une orange déshydratée qui transforme le plat en un délicat exercice d’équilibre. Un des meilleurs plats de ces derniers temps pour nous.
Le steak tartare ne respecte pas non plus les règles ou les traditions. De la longe de bœuf qui viendrait de chez The Butcher Society, avec la graisse marbrée, coupé au couteau, assaisonné avec raifort, du cresson, des piments piparras et un pilpil d’huîtres qui sert de liaison. Accompagnée de pain carasau ; Il s'agit de minces feuilles, presque trasparentes, croustillantes et sèches, qui doivent être conservées dans des linges humides. Un pain typique sarde, originaire de la Barbagia, en Italie, connu aussi sous le nom de carta musica « papier à musique ».
Les délicieuses bravas avec quatre cuissons, avec une sauce tomate épicée, des algues furikake, et une mayonnaise au raifort. Pas les bravas conventionnelles mais quelque chose assez proche de chips.
Suivi d’un fabuleux bar pané à la polenta, enrobé de sauce au piment jaune, de miel et de chutney à la coriandre, dont la saveur sucrée rappelle la cuisine que l’on pourrait trouver au Pérou.
Un dessert hors carte qui s’avère être un Tocino de Cielo qui est une tradition dans le sud de l’Espagne. Il est très similaire au flan, surtout en apparence, mais les deux desserts sont faits avec des composants très différents. Un flan est fait avec des œufs entiers et du lait ou de la crème (généralement les deux), tandis que le tocino de cielo est fait uniquement avec des jaunes d’œufs, du sucre et de l’eau. Cela peut sembler trop simple, mais cette combinaison d’ingrédients conduit à une crème extrêmement légère et tendre, beaucoup plus légère qu’un flan traditionnel ou un caramel à la crème avec une sensation en bouche incroyablement onctueux. Ici il est complété avec un coulis de truffe sucré !
La carte des vins qui est en ligne est franchement remarquable car c’est une application sur smartphone vraiment bien pensée avec des systèmes de recherches et des possibilités de filtrage. Chaque bouteille est commentée et le choix devient vraiment facile. Ce soir plus de 160 références et heureusement pas que des vins naturels mais aussi des bouteilles en biodynamique, biologique ou mêmes classiques. Des bouteilles que l’on peut aussi acheter pour consommer chez soi, et selon ce que je sais le chef achète souvent dans ventes aux enchères.
Sans hésitation cela sera un Ube Miraflorès de
la Bodegas Cota 45. Vin élaboré à Sanlúcar de Barrameda (Jerez), V.T. de Cadix avec un cépage Palomino Fino, Après fermentation en fûts de Sherry, il est vieilli pendant 8 mois dans
des bottes sélectionnées avec la présence d’un voile en fleurs depuis 2 mois. Les arômes floraux se distinguent par des notes de
fruits blancs très mûrs et de levure fraîche. En bouche, il est propre et
équilibré, avec la salinité typique de la région.
Et avec le dessert, un remarquable verre de Sopla Poniente Cream Llano Cuello, un Cream de 40 ans d’âge à base de Pedro Ximenez, un mélange d’oloroso et de PX doux. Vieilli après assemblage dans un vieux fût de Moscatel de Setúbal.
Une expérience gastronomique presque ludique et de qualité, qui invite également les gourmands à déguster de nouveaux vins au cœur du Raval.
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