lundi 6 mai 2019

Nairod, Barcelone


Alors que le paysage gastronomique Barcelonais semble beaucoup trop lorgner vers tout ce qui est Asiatique et Sud-Américain, heureusement qu’il y a encore de très belles ouvertures comme celle-ci à qui l’on espère plein de succès. Un nouvel établissement qui se focalise avant tout sur ce que j’appelle « le produit » et non pas des artifices dans l’assiette. Si vous appréciez les « Coure », « Capet », « Monocrom » et autres « Malahierba », cette nouvelle adresse est définitivement faite pour vous. Bien entendu il y a un facteur commun avec les précédents établissements mentionnés à savoir, la probable influence d’Albert Ventura, l’un des chefs les plus conscient de ce que justement ce que le produit doit être, le côté local de ceux-ci et bien entendu l’importance de la saison. « Nairod » qui en fait est le mot Dorian mais à l’envers et qui parait-il serait son fils.


Ici le chef est un certain David Ruistarazo, souvent surnommé « Rusti » et qui justement a travaillé chez « Coure » pendant plusieurs années, ce qui expliquera la ligne directrice de son restaurant qui est assez semblable à celles des autres établissements préalablement mentionnés. C’est donc ici dans son « Nairod », seul en cuisine que vous tomberez sans aucun doute sous le charme de sa cuisine gourmande, saisonnière et surtout axée comme je le disais autour de la qualité des produits. Quelqu’un que l’on caractérise d’être sans ego, discret et complétement axé sur le plaisir à cuisiner. Cela peut sembler être normal mais combien sont les chefs qui ne cherchent qu’à parader…perdent le contact avec le quotidien en cuisine. Et il y en a ici à Barcelone… « Rusti » est lui donc en permanence dans sa cuisine, accompagné par elle aussi une autre ex-Coure, Rosa Coronado qui assurera parfaitement le service en salle.


Un intérieur assez sobre et presque élégant avec des boiseries contemporaines, des lumières assez douces avec une atmosphère en salle qui est plutôt chaleureuse, assez intime. On s’y sent bien immédiatement.




Tables simplement dressées avec une vaisselle disparate et ancienne, mais parfaitement en adéquation avec l’esprit du lieu qui est une approche que l’on voit de plus en plus dans cette nouvelle génération d’établissements.



En cuisine, David bien affairé seul face à son piano culinaire et plans de travail.


La carte ravira donc celles et ceux qui aiment les assiettes avec de la « vraie » cuisine et non pas cette offre constante de plats « fusion » qui devient selon moi presque cauchemardesque en ville.  Pas une très longue carte mais assurément un choix qui contera tout le monde avec aussi bien quelques classiques revisités que des plats parfois lorgnant peut-être vers la France ou du moins une certaine inspiration. 

Pas étonné que de trouver des croquettes mais celles-ci sont particulièrement exceptionnelles et presque originales. Qualifiées de pibil, réalisée avec cheddar et jalapeno. Pibil, un mot maya qui signifie enterré ou cuit sous terre, décrivant un plat populaire trouvé dans les restaurants et les foyers du Mexique. Technique de cuisson de viande porc (ou autre), marinée dans un barbecue. Le piment jalapeno amplifie le coté inspiré par ce pays, la panure est plutôt de style panko. Des croquettes originales et tout simplement délicieuses.


On adorera ces rillettes de perdrix sauvage accompagnée d’une escabèche et de tranches de pain grillé. La rillette est parfumée, pas trop sèche ou grasse,  l’escabèche est principalement réalisé avec des tomates.


Une assiette finalement pas si fréquente que cela en dehors des établissements basques, le joyau du merlu avec les kokotxas à la mode de Donostia dans une sauce à base d’ail, dans le style de la fameuse sauce pilpil. Généralement ce plat est un peu noyé dans la sauce mais ici on voit distinctement les mentons du poisson.


Très belle autre assiette avec ce classique mais toujours grandement appréciée recette que sont les petits pois de Maresme et boutifarra noire. Ces petits pois considérés comme étant à juste titre « le caviar du pays basque » mais également dans la région de Maresme sont ici particulièrement bien cuisiné avec les oignons car la saucisse n’est pas que la pour la décoration mais parfaitement associée à la sauce de cuisson.


Un plat bien traditionnel et qui est pas du tout fréquent ici, une très belle galantine de canard, cuisinée avec des pistaches, le fond de sauce de la volaille qui n’a rien a envier à ce que l’on trouve en France. Plat de fête délicat, souvent servi froid mais ici en version chaude et très gourmande.


On constatera qu’ici nous sommes très partisans d’utiliser des volailles de qualité et rares en Catalogne. Canard, perdrix et maintenant un sublime pigeon « au sang ». Il est important d’utiliser des pigeons dits « au sang », car la chair est beaucoup moins sèche que celle d’un pigeon traditionnel. En pratiquant l'abattage à l'étouffée, la chair garde tous ses sucs. Cela lui confère saveur, caractère et tendreté très recherchés par les connaisseurs. Deux cuissons, une longue pour la cuisse qui sera confite et rosé pour la poitrine comme il se faut. Le fond de volaille est parfait, un demi-glace absolument irréprochable. Le foie et autres abats préparés en quenelle sur un toast.



En dessert une impeccable Torrija Viena, parfaitement rôtie avec la dose de sucre caramélisé adaptée, le tout accompagné d’une crème glacée aux cerises.


Une carte de vin un peu limitée avec un simple Aldonia Vendimia 2017,  un vin rouge de dénomination d'origine Rioja élaboré à partir des variétés de raisin Garnacha (60%) et Tempranillo (40%) de vignobles de plus de 30 ans situés entre 450 et 650 mètres d’altitude.


Des produits de haut de gamme, des ingrédients de qualité, une cuisine très soignée et élaborée par un chef artisan. Un des nouveaux restaurants essentiels de Barcelone.

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