jeudi 8 novembre 2018

Capet, Barcelone


Retourner dans les mêmes établissements à Barcelone signifie souvent retrouver la même carte, les mêmes plats avec peu de créativité, excepté ceux qui proposent des suggestions du jour et encore faut-il qu’elles vous plaisent. Ensuite rares sont les tables qui proposent vraiment des produits de saison et surtout de grande qualité. Pour être allé quatre fois ici, c’est bien simple, « Capet » est l’une des plus belles tables en ce moment en ville. Le chef en cuisine, c’est Armando… Armando Alvarez qui ne cesse de m’impressionner avec ces assiettes limpides où les saveurs sont toujours précises, les produits exceptionnels, mais surtout les associations toujours très pertinentes. D’origine vénézuélienne, il ne s’est pas contenté de simplement reproduire les plats de son pays en y ajoutant une touche « fusion » comme c’est très souvent le cas dans beaucoup de tables de ce pays à Barcelone, mais il a créé son style avec beaucoup d’élégance.


Passé chez « Coure » de Albert Ventura qui est bien entendu une influence, il crée des assiettes murement réfléchies et ne se souciera jamais de son pays d’origine car sa cuisine est plutôt influencée par les produits de saison, les éléments de la cuisine Espagnole et bien entendu locale, mais toujours avec beaucoup de finesse. Je parle de « Coure » mais c’est assez impressionnant de constater que la plupart des nouvelles tables avec « d’anciens » de ce restaurant, ont su conserver cette approche du produit au centre de l’assiette. Armando dans le quartier Gothique aura toujours su sortir des plats d’une impressionnante clareté dans la lecture.




Pour une nouvelle visite, nous nous concentrerons bien entendu sur de nouvelles assiettes ou plats que nous n’aurions pas encore dégusté. Une innovation depuis notre précédente visite, un menu de dégustation tarifé à 50 euros en sept plats. Une parfaite manière de découvrir sa cuisine.


Pour nous faire patienter, un excellent jambon de bellota qui est accompagné d’une tuile de graines de lin. Une très bonne idée car cela amène une texture dans la bouche et un côté un peu rôti semblable à du pain croustillant. Il fallait y penser !


Nous serons très impressionnés par cette salade de fenouil avec des pickles, moules et aneth. A prime abord on peut se dire que c’est une salade… Mais le résultat est éblouissant. Le fenouil de première fraicheur est découpé à la mandoline très finement, les moules ont une texture idéale car elles ne sont pas sèches comme c’est souvent le cas. Elles sont particulièrement moelleuses. Les petits légumes au vinaigre tels que particulièrement moelleuses. Les petits légumes au vinaigre tels que chou-fleur, radis et carottes sont juste ce qu’il faut en termes d’acidité pour ne pas devenir trop puissant en bouche. L’aneth amène une fraicheur nordique à l’assiette, l’assaisonnement avec de l’huile parfaitement proportionné.


Nous reprendrons cette autre magnifique entrée avec de l’aubergine grillée avec une sauce de poivron rouge, de l’oignon et des anchois. Aubergine moelleuse et allongée, sauce légèrement douce et parfumée, des anchois magnifiques, marinés et probablement de Cantabrie, de l’oignon rouge vinaigré. Voici typiquement le genre de plat à vous transporter car on y retrouve des produits de qualité, des saveurs hispaniques, du savoir faire et beaucoup de gourmandise.



Le plat suivant est une découverte et absolument jubilatoire. Le cannelloni farci à la courge, raisins et pignons avec une crème de parmesan. A nouveau on s’inspire des plats phares de la région mais les transforme complètement ! La pâte est d’une grande finesse, la farce légèrement douce d’une incroyable gourmandise avec les raisins secs, la sauce crémeuse amène une touche un peu plus salée. Un très grand plat dans son genre.



Autre nouveauté avec la « Pisca Andina », œuf cuit à basse température, légumes, Tilsit, bouillon.  Un des plats les plus représentatifs des Andes vénézuéliennes est sans aucun doute la « Pisca Andina ». Dans toute la région andine, il est de coutume de prendre cette soupe dans le cadre du petit-déjeuner qui apporte de la chaleur au corps. Il se compose de pommes de terre, de lait, de fromage et est parfumé à la coriandre. Les habitants des Andes sont des inconditionnels des soupes, parce que la région andine est froide et que les plantations de pommes de terre abondent. La recette traditionnelle inclut des pommes de terre coupées en cube, du bouillon de poulet concentré, de l’échalotte et de l’ail, de la coriandre hachée, du fromage fumé coupés en cubes, beurre, lait, sel et poivre. Si l’on observe bien l’assiette d’Armando, on y retrouve bien ces ingrédients mais la pomme de terre a été travaillée différement, un œuf moelleux, quelques grains de maïs tendres. Et bien entendu, sa passion pour les fromages de Suisse !


On y ajoutera le bouillon comme dans la traditionnelle recette au dernier instant.



Dans les plats principaux, une autre découverte avec la raie au beurre noir, câpres et émulsion d’ail rôti. Véritable délice, la raie au beurre noir avait été mise au ban à cause justement de son beurre noir considéré comme néfaste. Il revient à la mode dans certains restaurants canaille. Retrouvaille avec un plat légendaire qui met en valeur l’exquise chair de la raie relevée par son assaisonnement de beurre et de câpres et de vinaigre. L’accompagnement classique est des pommes vapeur, mais ici ce n’est pas vraiment le beurre noir classique qui souvent est difficile à digérer mais plutôt une magnifique émulsion à base de beurre, d’ail et de câpres. Un plat sublimement revisité avec un poisson d’une très grande finesse.


Comme nous étions avec un ami qui ne connaissait pas l’établissement et qu’il souhaitait manger un riz, pourquoi ne pas découvrir ce plat que l’on trouve un peu partout mais « à la façon Capet » !  Appelé paella aux seiches et haricots verts, parfaitement réalisé, certes plus conventionnel avec un excellent fumet, une cuisson qui respecte la technique pour obtenir le « socarrat ». Socarrat du verbe socarrar, qui signifie griller légèrement est la croûte de riz caramélisée qui colle parfois au fond du pain. C'est le résultat escompté dans une paella bien faite. Pour l’obtenir, il faut augmenter la chaleur en fin de cuisson en prêtant une attention particulière au son du riz (il crépite) et à son odeur (grillé mais pas brûlé).


Et pour terminer, de la « picana » de bœuf de Galice, maturée au moins 30 jours accompagnée de poireaux à la moutarde. La « picana » est une découpe exotique de la pointe du rumsteck avec la bande de gras qui l'accompagne. C’est d’ailleurs le morceau favori des Asadors Argentin et des grands Barbecues Masters Nord-Américains. Un morceau extrêmement tendre que l’on peut faire rôtir en entier comme probablement ici ou la découper comme en Amérique du sud pour la faire griller au barbecue. Une excellente idée que de compléter par un légume et la moutarde retravaillée qui rappelle la gastronomie classique française.


Comme d’accoutumée, les recommendations de Núria pour les vins sont pertinentes, avec ce très bon Montsant Planella Joan d’Anguera 2016, vin rouge savoureux, intense et fluide. Au nez, prédominent les arômes de fruits rouges frais, avec des notes d’épices. En bouche, il est équilibré, vif et avec un certain volume.


Encore un magnifique repas plein de découvertes, des assiettes tellement généreuses en saveurs, textures et couleurs. On quite toujours « Capet » avec le sentiment d’avoir mangé des plats avec beaucoup de gourmandise et de maitrise.

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