« La
Colombe » est l’une des tables les plus réputée en Afrique du Sud et même au-delà
puisque figure classée cette année 2016 dans le « World 50 Best ».
Pas que j’y accorde une importance spéciale à ce classement, cela reste quand
même un point de repère, une liste. C’est un endroit dans tous les cas où nous
sommes censés vivre une incroyable expérience gastronomique et je me réjouissais
de découvrir la cuisine de Scot Kirton ce soir-là. Chef qui passa par le
domaine de Haute Cabrière à Franschhoek, ensuite en tant que sous-chef au Savoy
Grill à Londres et au Test Kitchen du Cap.
Situé à
Constantia, il m’a fallu un sacré moment avant de trouver l’endroit car
premièrement la signalisation est manquante, ensuite mon système de navigation
m’emmena dans une autre direction qui selon ce que j’ai compris est l’ancienne
adresse de l’établissement et troisièmement comme beaucoup de tables dans ce
pays, elle fait partie d’un hôtel ou domaine viticole. Donc en réalité il faut
se rendre au « Silvermist Mountain Lodge and Wine Estate » puis remarquer
en écriture minuscule un panneau pour « La Colombe ». Panneau en plus
qui n’est visible que dans un seul sens lorsque l’on conduit. Une fois arrivé à
la barrière, contrôle en propre et due forme par le gardien, puis encore
quelques kilomètres avant d’arriver sur les hauteurs à destination.
« Foxcroft »
m’avait déjà impressionné la veille, second restaurant ouvert au mois d’octobre,
j’étais impatient de déguster la cuisine de cet établissement. Difficile de me
faire une idée du lieu en raison de la pénombre mais nous voilà après avoir
laissé notre véhicule sur le parking, en train de descendre quelques marches et
face à une porte vitrée derrière laquelle se trouve l’accueil.
Un petit
salon avec quelques sofas, quelques récompenses affichées sur un mur et des
tableaux.
Quelques
mètres plus loin, une autre rampe d’escalier pour arriver dans une salle
finalement au décor assez épuré et plutôt très conventionnelle. Pour les
chanceux des tables faces aux fenêtres, quoi que la nuit cela ne fasse pas de
réelle différence. Et une série de tables centrales sous un plafond en pente.
Tons blanc, parquet, tables avec des nappes blanches. Le lieu se veut être
assez classique.
Dans mon
dos à un demi-niveau supérieur, les cuisines avec la brigade. A prime on est un
peu surpris par la simplicité du lieu un peu sans exubérance pour un tel
établissement. Le service est professionnel, très courtois et attentif.
Le menu
nous est ensuite proposé avec deux versions, soit la réduite soit la complète
que nous choisirons, tarifé à 1090 ZAR. A première lecture, on peut être assez
étonné de voir combien les assiettes se réfèrent à des ingrédients asiatiques
comme sauce soja et miso. Phénomène de mode universel qui commence honnêtement à
devenir plutôt lassant comme s’il n’y avait aucune autre manière de satisfaire
une clientèle aujourd’hui. Maintenant cela peut être absolument parfait pour
autant que tout soit dosé de manière parcimonieuse, ce qui est rarement le cas
dans certains établissements.
Pour
commencer vous serez invités à déguster l’excellent pain au levain accompagné d’un
beurre bio à ail sauvage. Celui-ci est présenté non pas de manière lisse mais
battu et d’une manière assez inattendue, plutôt comme un granité.
Premier
amuse-bouche avec le jardin de la colombe. Amené sur une bûche ou plutôt un vase,
décorée de plantes et fleurs locales, il s’agit d’une feuille de pâte phyllo,
dans laquelle l’on trouvera un gel d’oignon, un tartare de bœuf et des fleurs
comestibles. La présentation est superbe, on hésite presque à déguster la
bouchée. C’est explosif en bouche, d’une grande fraicheur, parfait pour une
entrée en matière.
Suivi par le
thon « La Colombe ». Etonnante boite conserve que l’on vous
présentera presque fermée. Une préparation à bas de thon albacore, de ponzu sauce
de la cuisine japonaise à base d'agrumes acides, de gingembre et de champignons
shitake. Typiquement ce qui me fait peur de déguster lorsque c’est mal dosé,
mais ici la magie s’opère, les saveurs sont savamment étudiées, les textures
complémentaires, le tout est vraiment délicieux. J’oubliais les graines de
sésame blanc et noir ainsi que la touche croquante du radis en fine lamelle et la
touche verte qui est une purée d’avocat.
Ensuite l’huitre
de la côte ouest, caviar, olive kalamansi, pomme et sauce soja. Un séduisant
visuel, le vous vous transporte une fois en bouche et vous vous verrez en train
de prendre en main le support pour siroter le restant de sauce car une fois
encore les dosages sont d’une diabolique précision. Le granité associé à l’huitre
est un grand moment gustatif.
Vaisselle
en forme d’os à moelle qui contient de la bavette, du piment chipotle, de l’anchois,
de la moelle et une sauce chichimurri à base théoriquement de
persil finement haché, ail haché, l'huile d'olive, l'origan et du vinaigre
blanc ou rouge. Là nous voyageons plutôt vers l’Amérique du Sud, c’est à
nouveau d’une très grande justesse au niveau des saveurs et textures.
J’étais un
peu méfiant avec l’assiette suivante mais le résultat fût plus que probant avec
le saumon norvégien mariné, crabe king, orange sanguine, melon et oxalys. Il y
a ce petit goût un peu sucré qui d’ailleurs se trouve dans trous les plats que
nous avons eus jusqu’à présent. On constate que le chef se plait à jouer avec l’aigre-doux
dans la plupart de ces plats mais toujours avec beaucoup d’élégance. C’est d’ailleurs
quelque chose que l’on observe dans beaucoup d’assiette en ce moment, cette touche
vinaigrée afin de donner du « peps » à un plat. Visuellement très
léché, gustativement il y a quelque chose un peu de nordique. On sait que les
scandinaves apprécient toujours une touche sucrée avec les poissons.
Un premier
plat chaud avec les Saint-Jacques poêlées au miso, caille, panais, grains de
maïs au barbecue et sauce teriyaki. La Saint-Jacques snackées et tendre, bien
caramélisée, accompagnée d’une petite sucette de caille. En fait la cuisse. La
sauce à base de panais et le maïs amènent une saveur douce. Le bok choy apporte
du croquant et un côté frais à l’ensemble. L’assiette arrive avec un complément ;
un nid d’oiseau avec une plume et une coquille d’œuf dans laquelle l’on
trouvera la sauce teriyaki que l’on peut ajouter selon ses goûts.
Petit
intermède avec des sucettes glacées à la pomme Granny Smith. Peut-être un ton
en dessous et manque un peu d’originalité.
Nous
poursuivons avec le poisson du jour dont la peau est rouge mais non pas du
rouget, mais du mulet, des calamars, moules, chorizo, coriandre et une sauce
soubise qui étonnement semble revenir à la mode ; béchamel avec de l’oignon.
Le mélange de pois inclut si je ne m’abuse quelques lentilles et préparé dans
une sorte de pesto à la coriandre. C’est un plat dans un registre plus
classique mais parfaitement exécuté.
Ensuite de
la longe d’agneau, langue, ris de veau, asperges, petits pois, chou-rave,
velouté d’ail fumé. Une assiette exemplaire dans la pureté et le minutieux
dressage. Les viandes sont cuites parfaitement, les légumes croquants, les
sauces très fines.
Le plat
suivant est à classer entre fromage et dessert et restera ancré à vie dans ma
mémoire car aucun chef n’a eu à ce jour l’idée de préparer une telle
association absolument prodigieuse. Trois types de fromages fermiers, oignon, rhubarbe,
noix et cumin. Présenté sur une planche en bois, le visuel est impressionnant.
Les fromages se déclinent en chaud coulant, moelleux en tranche. Dessus
quelques pickles ou oignons au vinaigre, une crème glacée à la noix et cumin,
une touche sucrée avec les petits chutneys. Une assiette absolument géniale.
Un très
léger et gourmand dessert avec les fraises en réduction, crème de mascarpone,
cake au Earl-Gray, meringue à la fraise, bonbon au citron vert, ache de
montagne.
De bons petits fours
pour accompagner les cafés.
Comme nous
sommes dans le vignoble de Constantia, nous commencerons par un chardonnay Groot
Constantia 2015, vin avec du corps, des caractéristiques minérales, quelques
effluves de mandarine, plutôt beurré. Parfums d’agrumes et d’amandes grillées,
fine acidité.
Ensuite un
magnifique pinotage Groot Constantia 2015, profond avec une intense couleur de
cerise, des arômes de prune, de chocolat noir et de feuilles de tabac. Elégant
avec une belle fraicheur sur le palais et des tannins complexes.
Un repas de
très haut niveau qui de manière intelligente passe de saveurs un peu asiatiques
et douces vers une cuisine plus classique mais grandement réalisée. Certains
plats sont uniques dans leur genre et d’autres plus dans une palette de saveur
traditionnelle, ce qui peut réjouir tout un chacun. On y passe un délicieux
moment, le service est impeccable, le lieu est reposant. Une table iconique du
Cap à ne surtout pas manquer.
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