lundi 10 janvier 2022

Brugarol x, Barcelone

 

Il y a quelques années cela, Brugarol dans le quartier gotique fût une belle découverte. Une enseigne du nom d’une localité dans l’Emporda avec un hôtel de charme, une ferme viticole et oléicole, et un certain nombre d’activités. Producteurs de vin, d’huile d’olive et bien d’autres produits de la ferme. C’était là-bas en 2019 que j’avais retrouvé la cuisine de deux chefs Sud-Africain dont le parcours m’était connu puisqu’ils avaient travaillé dans un très bon établissement du Cap ou j’étais allé. Aujourd’hui, c’est dans un autre lieu que je me rends, l’autre existe bien entendu encore mais ici l’offre sera sensiblement différente. Dans le Gothique on se remémorera que la cuisine en taille était assez petite et sans trop de possibilité de cuisiner « à la minute », ce qui n’avait pas empêché les chefs de sortir de très belles assiettes, mais dans cette seconde adresse de l’Eixample, il s’agit de tout autre chose.


En effet, nous pourrons être un peu surpris par la salle dans laquelle nous arrivons, plutôt comme un bar avec quelques tables hautes en bois, face à un comptoir, un plafond pas forcément des plus haut et toute une série de photos noir et blanc qui représente la ferme de Brugarol dans l’Emporda, le bord de mer, quelques activités ainsi que des personnes de l’exploitation. De là à dire que c’est un peu austère ce n’en est pas loin mais en réalité il s’agit de ce que pourrais qualifier d’antichambre du restaurant car on entend bien quelques activités à l’étage au-dessus où entre autres se trouve la cuisine mais le concept n’est pas révélé immédiatement.


Les deux chefs Sud-Africains se sont donc réparti le travail entre les deux ou trois adresses, l’un des deux étant Dean Correia sauf erreur à Palamós. Ici c’est Angelo Duarte Scirocco, qui a travaillé dans les plus belles tables d’Afrique du Sud, La Colombe, comme chef de partie au célèbre Test Kitchen, comme sous-chef chez Chefs Warehouse au Cap et a concouru aux S. Pellegrino Young Chef Awards 2015. Un chef qui n’utilise que les ingrédients qui proviennent de cette ferme de la région de Palamós, dans la région balnéaire de la Costa Brava, à 120 kilomètres. Influencé par la cuisine asiatique et souvent japonaise, tant dans la recherche de créations plus minimalistes que dans les techniques et la création de saveurs originales.

La carte se présente sous forme de menus de dégustation avec une formule de 9 plats à 40 euros ou 14 à 70 euros. Aussi la possibilité de choisir à la carte mais c’est la « formule menu » qui retiens toute notre attention. Nous retrouverons avec beaucoup de plaisir la responsable de salle d’origine Colombienne Paola Vargas et qui parle un impeccable français, qui à l’époque était dans l’autre établissement. Toujours aussi souriante et de bon conseil.

Cela démarre donc avec quelques bouchées d’inspiration japonaise tel que le nigiri d’anchois KM0 avec du foie gras, qui est un type spécifique de sushi composé d’une tranche de poisson cru sur du riz vinaigré pressé. Le label KM0 que l’on trouvera un peu partout sur chaque intitulé signifie Kilomètre zéro, produit donc local. Et l’association foie gras – poisson m’a toujours séduite depuis ce mémorable plat de Barasategui avec foie gras et anguille. Pas identique mais l’idée a fait du chemin et c’est vraiment très bon. Marinade avec vinaigre Pedro Ximenez de 25 ans et huile d’olive du domaine Brugarol.

Nous poursuivons toujours avec des produits de la mer avec du maquereau KM0 mariné et aubergine. Poisson avec son caractère, entre cru et cuit, l’aubergine amène une touche caramélisée et feuille de capucine pour le visuel.

Je parle de visuel mais c’est un aspect important de cette cuisine ou la vaisselle est vraiment soigneusement sélectionnée, les couleurs toujours adaptées aux ingrédients et la disposition des éléments soigneusement étudiée. Par exemple ce thon rouge et légumes KM0. Précis, gourmand, frais et inspirant.

Nous poursuivons dans ces petits plats toujours très bien structurés avec ce tartare de bœuf Black Angus et toasts. Un peu tostada avec le côté croustillant, un tartare un peu doux, quelques pousses pour la fraicheur.

Puis la surprise… le repas jusqu’à présent se faisait dans cette petite salle mais vous êtes maintenant invité à passer à l’étage où le décor sera des plus impressionnant, très actuel, flirtant entre la nature et l’industriel, rien de prévisible lorsque l’on arrive d’en bas…


Lustres en bois mort, bocaux et conserves illuminés, c’est vraiment un tout autre univers que l’on découvre !

Et la cuisine au centre, partiellement ouverte que l’on peut apercevoir de chaque table dans l’espace dinatoire.



Premier plat de l’étage…un flan a la truffe. Flan a basse cuisson avec une base de shiitake en escabèche, l’œuf cuit comme au japon et de la truffe râpée sur le dessus.

Nous poursuivons avec une morue noire avec une sauce au miel et poivre noir. La texture de la chaire de ce poisson est très spéciale et s’adapte parfaitement aux différentes créations culinaires. Il est délicieux de différentes manières, mais son élaboration avec des saveurs puissante ou épices est une vraie réussite. Algues, sésame, un plat assez asiatique.

Surprenant gyoza de seiche dans son encre avec sa pâte noire et sa farce bien marine. Un plat très poétique avec ses pétales sur le dessus.

Puis un fameux magret de canard KM0 qui ferait pâlir d’envie certains produits Français car je n’ai pas de souvenir d’avoir mangé un magret aussi fondant en bouche que celui-ci, excellent fond de sauce, petit chou farcis et champignon maitake.

Très beau et bon dessert avec cet espuma de caramel et miso, du kataifi qui est normalement l’un des desserts grecs les plus populaires. Il est fabriqué à partir d’une pâte à pâtisserie spéciale, composée de minces fils, similaires aux pâtes cheveux d’ange. Le kataïfi est assemblé en plaçant une extrémité puis en enroulant la pâte. Une fois cuit, le produit fini ressemble à du blé déchiqueté, mais ici il est plutôt là pour ajouter une texture au plat ;  le sucré-salé d’une belle intelligence et avec une approche japonaise.

Un vin vraiment gouleyant avec la Finca La Montesa Monte Yerga Alfaro Palacios  Remondo Rioja 2018. Sa couleur rubis révèle une interprétation délicate du raisin grenache. Il présente des arômes de fraises et de poivre, de garrigue et de groseilles. Il est surprenant par sa fraîcheur et son intense minéralité calcaire. 

Puis pour couronner ce repas, un verre de Mas Goma La Planta, un vin mousseux avec de merveilleuses notes briochées de type champagne et une finale longue. Nous trouvons également de belles notes fraîches de fruits à noyau et d’agrumes et de chèvrefeuilles.

Au fil des années cet établissement a non seulement su évoluer avec une offre culinaire inspirée plus par l’Asie que purement le Japon, avec beaucoup de finesse dans l’approche, sans jamais tomber dans les clichés, ce qui est souvent le cas à Barcelone. La « cuisine fusion » est souvent vulgaire mais ici c’est du raffinement, de la précision, des saveurs complémentaires et de l’esthétisme. Et le cadre est vraiment inattendu et unique ! Une nouvelle très belle offre culinaire a Barcelone même si Brugarol existe depuis je crois 2019, ce Brugarol X élève encore le niveau.

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