Qu’on le
crie haut et fort…Enfin quelque chose se passe à Genève dans la restauration et
quelque chose de nouveau et de non pas poussiéreux ou de totalement suranné qui
ne résisterait pas après quelques grosses vagues… Nicolas Darnauguilhem est de
retour… Certes la plupart des habitants de la cité de Calvin n’auront peut-être
jamais entendu parler de ce monsieur mais ce dernier est presqu’une star en
Belgique où il a su bouleverser pendant plusieurs années la scène culinaire
Bruxelloise à Ixelles. C’est aussi sans oublier les « foodistes » de
tout genre ne font que de parler de lui sur la toile car ce n’est pas un chef
comme les autres.
Malgré son
exode pendant quelques temps au pays des « bons mangeurs » et
dieu-sait ce que les belges m’ont toujours impressionnés par leurs très bons
goûts culinaires et surtout l’impressionnant nombre de tables de haut vol que
l’on trouve dans le plat pays, Nicolas Darnauguilhem est presqu’un « gars
de chez nous »… Un jeune Savoyard qui pour la petite histoire est passé
par le Costa-Rica pour travailler dans une réserve naturelle et qui en suite a
fait ses études à l’École Hôtelière de Genève.
Si l’on
suit son parcours, on s’apercevra que son parcours Bruxellois est plutôt
amusant ou je devrais dire peu commun. Une ancienne boutique de parapluies
reconvertie en bar à vin et par la suite en restaurant avec un peu plus de
vingt couverts. Le « Neptüne »
à Bruxelles figurait sur la liste des tables que je souhaitais « faire »
et voilà pas que celui-ci ferme il y a peut-être une année et s’installe dans
la cité de Calvin !
Sans
connaître ce chef, ce qui me plait immédiatement à l’époque, c’est le
personnage qui ne se cantonne pas seulement à officier dans son établissement
mais aussi à participer à des repas évènementiels de « quatre mains »
ou même plus, et ce que l’on appelle les « pop up », repas d’une
soirée ou deux… Et ce ne sont pas ses
partenariats qui me laissent indifférent car on y retrouvera dans le désordre
Paco Moralès une des étoiles montantes espagnoles, l’excellent Christophe Dufau
des « Bacchanales » de Vence, le génial Sanghoon Degeimbre de
« l’Air du Temps » près de Namur pour ne citer que quelques
références qui tout de suite démontre l’ouverture d’esprit et surtout le style
de cuisine que devrait offrir Nicolas dans son nouvel établissement.
Un
établissement ouvert hier… dans un quartier qui m’inspire car cela a toujours
été ici que quelque chose de différent se passe à Genève. Que cela soit dans le
passé le « New Morning », ou alors le « Bâtiment des Forces
Motrices » dans un style souvent classique et « l’Usine » pour
son côté alternatif. Une table « dans le centre », dans presqu’une
enclave genevoise où l’on ne se serait pas imaginé trouver un tel
établissement. Une fantastique idée qui risque de faire des petits dans ce
quartier… qui pourrait bien se transformer dans l’idée en quelque chose
de presque New-Yorkais…
Je me rappelais avoir vu de très belles assiettes à l’époque d’Ixelles
et même fût surpris de trouver parfois des ingrédients bien connus de notre
contrée comme par exemple la Fera, ou alors le Cardon, ainsi que l’utilisation
d’herbes sauvages. D’ailleurs le site qui semble être en construction affiche
clairement que l’on trouvera ici des « Nourritures Alpestres »…
C’est donc en début de rue de la Coulouvrenière que vous trouverez « Neptüne »
avec de grandes fenêtres opaques entourées de cadres métalliques noirs et juste
un sigle pour indiquer le restaurant. L’établissement encore peu connu aujourd’hui
est également indiqué par une table sur laquelle se trouve une bougie.
A l’intérieur une salle plutôt assez moderne et fonctionnelle, très
épurée qui peut étonner dans un premier temps mais qui tout au long du repas me
semblera parfaitement en harmonie avec la cuisine et les idées du chef. Des
tables blanches dressées élégamment.
Sur l’un des murs, un tableau qui semble être en construction, réalisé par
un artiste local. Il y aurait presqu’une ambiance un peu zen dans cet
établissement.
Au fond la cuisine ou le chef et son second opèrent.
Le soir un choix de deux menus, le premier à 86 CHF et le second à 136
CHF avec aussi une possibilité de prendre chaque plat individuellement. Menus
qui changeront très fréquemment selon les inspirations du chef mais aussi des
produits de saison.
Sans aucune hésitation je recommande de prendre un menu et
contrairement à mon habitude qui consiste dans mes billets à donner un avis
général à la fin, il me semble adéquat cette fois-ci d’expliquer certaines
choses au préalable. Je n’avais pas vraiment une idée très précise de ce qui allait
m’être servi et encore moins sur le type d’assiettes. Je suis ressorti de chez « Neptüne »
en me disant que cette cuisine avait été pour moi une révélation. Pas de
ressemblance avec aucun autre chef de France ou de Navarre, pas d’artifices
superflus ou de techniques ultra-compliquées type « techno-émotionnelles ».
Des assiettes où l’on redécouvre la saveur des aliments, où l’on trouve des
associations souvent basées sur des jeux de légumes, des assaisonnements que je
qualifierais de minimalistes afin de se concentrer essentiellement sur le goût des
produits. Les menus proposent donc une
histoire et peut-être que de ne déguster qu’un plat ou deux ne permettrait pas
totalement de comprendre le concept de cette cuisine qui propose des plats
réalisés avec des produits locaux de l’arc lémanique.
Le pain servi aujourd’hui provient des « Merveilles du pain »
de Saint-Julien-en-Genevois est comme d’habitude exceptionnel mais dans le
futur il sera fabriqué sur place.
Première entrée avec « Betterave, betterave ». Une
déclinaison en trois textures ; en purée sur le dessous, en cubes et en tuile.
Un assaisonnement assez léger sur le dessus avec de la dent-de-lion pour
apporter une touche de fraicheur printanière. Un très beau visuel, des textures en bouche
très plaisantes. Certains auraient préférés un côté plus tonique en bouche car
c’est une assiette assez neutre.
Nous poursuivrons avec un consommé de bœuf navet. Dans l’assiette un
peu de ricotta fraiche complétée par une sauce herbacée. Sur le dessus de fines
lamelles de navet qui ont peut-être été rapidement attendries avec une cuisson vapeur
et ensuite le bouillon est versé sur le dessus au dernier instant. C’est un
plat très fin où l’on découvre le goût du légume, le côté lacté du fromage
agrémenté par cette sauce verte très fine. Le consommé permet de lier le tout
et de jouer avec diverses textures.
La féra verte sera l’un des plats qui m’aura fait une grande
impression. Le filet est cuit probablement à basse température ; le
poisson est recouvert d’une sauce d’épinards et le tout est entouré d’une huile
de persil. Ce plat est essentiel car l’on ne masque pas le goût si fin de la féra,
les épinards en sauce relève subtilement le poisson, l’huile apporte une touche
suave. La nature dans l’assiette.
Pour suivre, la bisque d’écrevisses au cerfeuil. Une magnifique association
plutôt audacieuse mais très réussie avec ces écrevisses du lac Léman, une endive
braisée découpée en tronçons et au-dessous un hachis d’herbe où l’on retrouvera
cerfeuil, ciboulette et ail. L’association crustacée, légère amertume et herbes
est parfaite. Une très belle création car a priori on ne se serait pas imaginé
que « cela fonctionne » ! On notera une fois de plus l’utilisation
de produits locaux plutôt rares.
Le tartare de Simmental au céleri rave est une autre très belle réinterprétation
de ce plat souvent servi. Mais ici la viande est magnifique avec un rassissement
de 60 jours qui confère à celle-ci un goût de noisette ; la crème de céleri
et les fines lamelles sur le dessus
complètent parfaitement le tout.
Un très gouteux plat principal avec le coffre de canard, pommes de
terre et échalotes. Le filet est doré sur l’extérieure, la viande est encore
rosée, tendre. L’ajout d’échalotes rôties et certaines vinaigrées apportent un
élément important au plat. La purée de pommes de terre montée à la crème et
beurre est parfaite. Un plat qui pourrait
sembler simple mais d’une très grande précision.
Un premier dessert appelé verveine-tilleul qui pourrait rappeler « le
trou normand » car l’idée consiste à « nettoyer le palais ». Un
granité d’une très grande fraicheur pas trop sucré, un sirop de tilleul dans
lequel on a ajouté une touche de miel. Des associations à nouveau très subtiles
qui nous préparent au dessert final.
Le « Sarrasin et pomme ». Une fine purée de ce fruit, un
biscuit croustillant réalisé avec ces grains très parfumés et une crème glacée
qui m’a rappelé le goût du foin mais réalisée également avec sarrasin mais
aussi de l’avoine. Un dessert que je qualifierais de très terrien mais aussi
très léger.
La cave propose une sélection de vins choisis. Nous commencerons par un
excellent Pouilly Fumé 2013 de chez Jonathan Didier Pabiot avec des équilibres acidité/sucre
parfaitement maîtrisés.
Magnifique découverte avec le Domaine Clos du Rouge Gorge Côtes
Catalanes 2012. Un vin biodynamique très élégant, bien structuré et d’une
grande finesse.
Le service assuré par deux personnes est délicat et vraiment
professionnel.
Un repas vraiment surprenant, différent, courageux car sans concession
avec des foisons d’idées. La cuisine de Nicolas Darnauguilhem se veut être touchante,
nature, sans artifices mais avec des palettes de saveurs nettes. On voyage dans
la nature, on redécouvre les goûts essentiels de certains aliments comme déjà
les légumes mais aussi viandes et poissons. Pas ou peu de sauces qui masquent,
pas ou peu de graisse. Tout est minutieusement cuisiné pour se remémorer les
saveurs de bases de produit.
Dans le
futur nous risquons (et espérons) que l’on voie l’ouverture d’un laboratoire de
recherches attenant au restaurant afin de ré-explorer les produits régionaux,
des repas type « pop up » avec les amis cuisiniers de Nicolas, et
même peut-être un restaurant d’altitude en été pour être près des montagnes qui
lui sont chères.
Une nouvelle et exceptionnelle table à Genève qui chamboule la donne et
dont l’avenir est plus que prometteur. Fort à parier que « Neptüne »
va rapidement se trouver dans le peloton de tête des meilleures tables du
canton…si pas la meilleure dans son style…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire