dimanche 10 mars 2019

Bisavis, Barcelone


Il y a peut-être une nouvelle tendance qui se profile à Barcelone, celle de nouvelles tables qui privilégient le produit au cœur de l’assiette au lieu du show ou de l’utilisation abusive de produits asiatiques ou latino-américain qui sont très souvent lassants. Des adresses pas forcément connues du grand public mais plutôt d’un public connaisseur qui recherche avant tout la qualité dans l’assiette avant le décor et le service trop guindé. Ouvert depuis quelques mois, « Bisavis » fait partie de ce genre s’établissement et amène une sacrée bouffée d’air à la restauration de Barcelone qui a un peu tendance à s’enliser. Il n’y a qu’à observer les nombreux établissements qui ferment, les plus réputés comme les touristiques tables d’Adria qui change d’orientation (« Pakta » et « Nino Viejo »). On se cherche en ce moment… et voici en tout cas un modèle à suivre, celui du projet de Eduard Ros.


Ancien avocat qui avait un blog culinaire nommé « Brillat-Savarin » d’ailleurs fermé en avril 2016 ; qui après moultes critiques, par amour de la gastronomie, de l’art, des produits et des choses bien faites, le voici passé de l’autre côté de la barrière ! Exigeant, réputé pour être très critique, le voici dès à présent seul aux manettes de ce très petit établissement qui ne compte qu’une douzaine de couverts par soir. J’aurais envie de dire que ce n’est pas un restaurant mais plutôt un atelier culinaire de 28 m2, un lieu de rencontres où vous serez obligés de côtoyer et de parler aux convives car la particularité ici est d’être tous installés autour de sa minuscule cuisine et de ses plans de travails. Un peut sur le même modèle que dans une certaine restauration nippone où l’on voit le chef confectionner à la minute ses plats.



Une proposition culinaire très intéressante car basée sur le produit avant tout ; des préparations à la minute, des assemblages d’éléments de qualité. Quelques plats chauds mais de manière générale, on privilégie le goût, le dressage n’étant pas complètement au centre de préoccupation de cette cuisine. Ici c’est avant tout le plaisir de manger des plats gourmands, de découvrir ou de redécouvrir des produits souvent masqués par des éléments inutiles dans certains établissements. Pas de côté ostentatoire, tout le monde comprend que Eduard est seul, assume la cuisine, le service, le nettoyage et bien entendu assure le côté social avec la clientèle. Clientèle ce soir qui « sait » qu’ici ce n’est pas du bluff…et que l’on se régalera.



Un chef qui n’a pas forcement une longue expérience derrière les casseroles mais qui autodidacte, va à l’essentiel, ce qui est plutôt remarquable. Des petites assiettes que l’on peut qualifier ou non de tapas, souvent assez simples à l’exécution ou plutôt du « faux simple » car les cuissons sont très précises et les produits exceptionnels.


Une carte un peu sibylline car l’on n’y trouve que le nom de l’ingrédient et non celui d’un plat. Comme la cuisine se fait en fonction du marché et des saisons, les assiettes peuvent donc changer fréquemment. Comme précédemment dit, c’est « le produit » qui est au centre de cette restauration. Par exemple, Eduard set un pain très original à base de diverses graines mais à base de charbon, ce qui lui donne une teinte un peu grise.


Une première assiette avec des sardines fumée sur un pain à l’anis. Comme énoncé auparavant, un assemblage de produits mais de qualité remarquable. Cette sardine est moelleuse, jamais trop salée, finement fumée et agréablement associée à ce pain de coca parfumé, une tombée d’huile sur le dessus.


On sera en extase gustative avec ces petits pois frais à l’anchois. Je ne pense pas qu’il existe ailleurs en Europe d’aussi bon petit pois que ceux de la région du Maresme.  Les variétés de petit pois garrofal et floreta sont les plus appréciées dans cette région. Quand on y a goûté, difficile ensuite d'en manger d'autres. Elles se distinguent par une grande douceur, qui vient rehausser les autres saveurs, comme celle de l’anchois d’une parfaite saveur. Salé-sucré avec un léger assaisonnement, magnifique et gourmand.


Bien entendu, les traditionnelles croquettes qui ici n’ont aucune trace de gras, une farce fine et parfumée. Met classique parfaitement confectionné.


Le plat suivant restera dans les annales et d’une théorique simplicité. Il s’agit de ris de veau juste poêlés. Rien d’autre…pas de sauce et pas d’accompagnement, cependant je ne crois pas avoir mangé d’aussi bons dans le passé. La technique de blanchissement, le passage au beurre dans la poêle est d’une incroyable précision et perfection. Encore très moelleux, parfaitement nettoyés, juste au beurre avec l’extérieur ce qu’il faut de croustillant sans devenir trop gras ou trop cuit.  


Autre grand classique lui aussi réalisé vraiment à la perfection, la raie au beurre et câpres. L poisson est d’une superbe qualité, bien épais, la cuisson est millimétrée car le poisson fond en bouche, ne souffre d’aucune surcuisson.  Le beurre n’a pas lui non plus surcuit. Quelques câpres et pommes de terre nouvelles. 


Dernier plat avec les joues de bœuf au vin, épices et sucre roux. Joues elles aussi fondantes ; la sauce pourrait un peu rappeler celle d’une carbonade flamande en raison de la saveur des épices et le côté un peu doux. Sur le dessus, quelques petits pois frais légèrement plus croquants.


Eduard propose quelques vins en début du repas. Vous lui décrirez ce que vous souhaité boire et il vous fera quelques propositions. Ce sois un vin de la région de Cadiz, un Garum de la Bodega Luis Perez 2017, élaboré à partir des variétés Merlot, Syrah, et Petit Verdot. Les raisins de chaque variété reçoivent un traitement différent. L'agriculture est peu interventionniste : la fertilisation et les traitements phytosanitaires du vignoble sont réduits au maximum afin qu'ils aient le moins d'impacts possible. En bouche il se caractérise par un tanin doux qui le rend soyeux mais puissant, avec un arrière goût toasté et caféiné.


Un concept de bar-restaurant qui est juste ce qui nous manquait à Barcelone et qui à ce jour remporte un franc succès. Un côté très intime, un peu événementiel, qui sort avec réussite des classiques approches culinaires. On vient ici surtout pour vivre un moment privilégié, apprécier de bon et beaux produits et revenir aux valeurs sûres.

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