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vendredi 6 avril 2012
L'Atelier de Jean Luc Rabanel, Arles
C’est toujours une émotion que de se dire que l’on va manger chez Jean-Luc Rabanel. Déjà c’est un personnage incroyable, un peu rocker ou biker, un peu acteur, et évidement l’un des plus grands cuisiniers de notre univers, et même l’on prend en compte l’espace intersidéral, et je pèse mes mots ! Depuis mes précédentes visite « son empire » s’est agrandi ; le bistrot, l’a coté, l’iode et maintenant le Bar-a-nel, si je n’ai rien oublié…
Toujours ce coté tellement sympathique, presque informel. Un concept ou tout le monde se sent bien, pas de grandiloquence ni de coté ostentatoire comme dans beaucoup d’établissements de ce niveau. Et même si le parking vous semble compliqué, son nouveau taxi Londonien vous cherchera où bon il vous semble…
Rabanel, c’est simplement de la magie…Il n’y a que consulter son dernier ouvrage de cuisine pour comprendre combien le génie est omniprésent dans sa cuisine. Non pas une cuisine végétarienne ou végétalienne, mais la cuisine d’un passionné des légumes. Non seulement des aliments « qui poussent », mais des assemblages, des mariages tout bonnement incroyables. Pour compléter cette image idyllique, c’est délicieux et c’est beau…très beau. Une assiette n’est pas que l’association d’aliments « pour faire joli », mais chez lui c’est une œuvre d’art… Tout est pensé, tout est analysé avec justesse et le fruit d’une recherche de nombreuses années de travail et d’une réflexion profonde… Mais le « suivant » aussi sur Facebook, c’est continuellement qu’il recrée sa cuisine, qu’il se réinvente. Il n’y a qu’à admirer les photos de ses nouvelles créations!
C’est après une balade dans Arles que vous comprendrez pourquoi il s’est agrandit au centre de cette ville. Pas de déménagement dans un manoir luxueux, mais une maison du vieil Arles qui jamais ne vous laisserait penser qu’ici vous passeriez un des instants gastronomiques les plus improbables. C’est un lieu humain où le coté presque simple de la décoration passe avant un coté guindé ; un bâtiment de la vieille ville remis-à-niveau. Depuis ma dernière visite, plusieurs choses ont changés qui améliorent considérablement l’établissement. Nous avons droit à une vraie entrée de restaurant avec un vestiaire, une « anti-chambre » dans une véranda servant de « départ » à ce repas et où les amuses-bouches vous seront servis. Une salle assez zen avec donc un coté presque asiatique ; mur d’eau, spots lumineux, cheminée murale très design et des fauteuils très modernes, qui font de cette pièce une belle entrée en matière. Vous aurez aussi peut-être la chance de passer par le Bar-a-nel, bar à champagne qui vous amènera dans une partie des cuisines où l’on fabrique les pains et pâtisseries. Jouxtant cette pièce, une autre salle à manger réservée à des repas de groupes et sur réservation. D’ici quelques semaines, il y aura même quelques chambres.
Adria, Redzepi, Bras, Rabanel et surement plein d’autres…Chacun dans leur style et leurs nuances ont hissés au firmament cette cuisine aussi délicate, créative et souvent basée sur l’utilisation d’ingrédients simples. Rabanel, ce n’est pas du foie gras poêlé, ni des Saint-Jacques ou autres homards…mais des produits de saison sublimés. Et quand l’on vous parlera de ce menu à treize plats sans en connaître sa composition, pensez au voyage gustatif et visuel que vous allez vivre….Oui, c’est sûrement cela aussi le bonheur ! Il faut soulever que chaque plat décrit ci-dessous n’est peut-être pas tout à fait fidèle à sa description, puisque aucun menu n’est imprimé.
Après vous être rafraîchis les mains avec des serviettes humides et être informé sur l’approche de cet atelier gastronomique, vous commencerez par quelques amuse-bouches en choisissant vos vins.
Chips de betterave, tempura de carottes accompagnée de deux sauces, l’une à base de cacahuètes, l’autre aux tomates et poivron. Simple et ludique. Tout de suite vous serez séduit par la perfection visuelle de chaque met.
Un second amuse-bouche, une petite pomme de terre grenaille rôtie dans laquelle se trouvait un tartare de taureau accompagnée d’une sauce tartare. Voici l’exemple même de l’approche Rabanel. « Je prends des ingrédients simples, je les retravaille, je les enrichis à ma façon, et je les sublime dans leur cuisson, leur apparence et je rends cela gourmand ». Une petite pomme de terre bien rôtie remplie de ce tartare. C’est simple, évident, mais absolument parfait en bouche.
Et pour finir le « premier mouvement », un soufflé de riz de Camargue rouge et glace aux fleurs de ciboulettes. Une référence aux petits déjeuner de la jeunesse de Jean-Luc, un met semblable « aux céréales » que l’on prend le matin, mais ici avec le produit local qu’est le riz, croustillant comme il se doit accompagné d’un sorbet laiteux légèrement aillé par le goût des fleurs et salé. Il fallait y penser…
Vous passerez ensuite dans la salle de restaurant traditionnelle qui existe depuis les débuts, une salle qui ressemble plus à un atelier comme le nom du restaurant qu’à vraiment une table classique. Pas de nappes, simplement des tables modernes, rouges, pas vraiment luxueuses, mais tout s’harmonise à merveille ; service, ambiance et cuisine. Pas de service ostentatoire mais un très grand professionnalisme en salle. Ici, vous êtes presque en famille ! Tout est très humain. Une mention presque spéciale pour « un copain », le fantastique Christophe Boudier qui est revenu au bercail, « monsieur moustache » ou « le Salvador Dali de la restauration ». Un puis de science dans l’œnologie et quelqu’un qui orchestre à merveille le service de la salle. Vous aurez également le loisir d’observer à un bout de celle-ci la cuisine ou s’affairent une bonne demi-douzaine de cuisiniers. De l’autre coté de la salle, même un petit écran près de l’ancienne entrée où l’on peut contempler le spectacle en cuisine. Habillés de noir, tous toqués, tout le monde s’active au dressage des assiettes. Un vrai ballet !
Pour commencer une soupe de roquette glacée avec un sorbet à la ricotta. Déjà la présentation vous surprend par le contraste vert intense avec l’assiette noire. C’est très beau, très engageant et délicieux. Une crème très onctueuse aux saveurs très printanières.
Ensuite, une très belle réussite que le mille-feuille de foie-gras aux champignons de paris crus, compote d’oignons sucrés et caramel au vinaigre et à l’orange. Des strates aux différences consistances ; moelleuses par le foie, croquante avec les champignons crus. L’association avec les oignons caramélisés comme d’ailleurs la sauce crée une harmonie dans la bouche.
Le troisième plat restera probablement l’une des plus belle réussite de cette soirée ; un sabayon aux pistaches et citrons verts, jaune d’œuf mariné dans la sauce soja, asperges cuites à cru. Déjà l’aspect visuel doit être l’une de plus belles réalisations que j’ai pu voir, une composition entre couleurs jaunes et vertes avec un coté végétal et floral. En bouche la déclinaison des saveurs est tout bonnement extraordinaire. La pistache soit en sabayon soit croquante, vite rejointe par le jaune d‘œuf légèrement salé par le soja et les asperges amenant un coté croquant dans l’ensemble. Prodigieux !
Pour continuer un ravioli de mozzarella de burrata, déclinaison de jeunes artichauts et émulsion au lait fumé. Bel équilibre entre le coulant du fromage et le coté agréablement fumé de la sauce.
Ensuite, un tronçon de cabillaud trempé deux heures dans le sel, polenta, piment d’Espelette, jus de coque au gingembre et citronnelle adoucis au lait de coco. Un très léger clin d’œil à l’Asie en utilisant des composants de là bas mais en y associant des techniques culinaires européennes. Très savoureux, un poisson cuit dans le sel et rehaussé par le très léger goût du piment.
Et voici la première viande, ou peut-être ce que l’on pourrait qualifier de plat principal. La pièce de taureau fumée au foin et marinée au thym, avec une béarnaise montée avec une chantilly d’estragon, betterave zébrée, pac-choy, tomate et pomme de terre. On vient vous monter cette béarnaise sous vos yeux et qui accompagnera une pièce de viande absolument délicieuse, fondante en bouche. Voici encore ce que je considère la touche Rabanel, ce génie à reconstruire des plats traditionnels en y ajoutant ce coté créatif. Croyez-moi, du taureau fumé...est quelque chose d’extraordinaire.
Et voici le premier des quatre desserts : la betterave zébrée sur son crumble, confiture poire et betterave, huile d’olive au gingembre, glace au lait. Ingénieux, magnifique et surprenant que de déguster ce légume dans une préparation douce.
Mais voici que l’on nous apporte probablement l’un des meilleurs desserts que j’ai mangé depuis des années ; un calisson reconstitué, mousse de chocolat blanc, glace aux noisettes, olives noires, fenouil et réglisse. Je ne sais pas si j’ai pu réellement retranscrire correctement la composition de cette incroyable assiette, mais c’est une vraie explosion en bouche. Des saveurs qui se succèdent comme un feu d’artifice…L’association de composants plutôt utilisés dans des mets salés se fondent avec magie avec les éléments glacés et sucrés.
Pour suivre, un dessert peut-être moins irréel que le précédent ; un beignet d’asperge, glace à l’estragon, madeleine au citron vert. L’asperge traitée comme un churros manquait peut-être d’un peu de légèreté pour la fin d’un repas mais l’équilibre fut atteint avec cette somptueuse glace.
Et en conclusion, un tiramisu remonté par le chef, vinaigrette à l’huile d’olive gingembre et vanille, brunoise de fenouil. Encore un dessert remarquable qui associe de magnifiques saveurs autour de fraises extrêmement parfumées.
Je ne peux pas vraiment vous indiquer totalement ce que j’ai pu boire, ayant laissé carte blanche à Christophe qui connaissant mes goûts m’avais choisi un fabuleux mâcon blanc au goût de pommes granny smith, suivi d’un Château Noël Saint-Laurent Côtes du Rhône Matador, avec des notes de cuir et animales.
Jean-Luc Rabanel est pour moi l’un des plus grands cuisiniers au monde qui continuellement se réinvente. Son Atelier est une expérience unique et rarement je crois que l’on peut vivre autant d’émotion autour d’une table. A ne pas manquer!
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Pays/territoire :
7 Rue des Carmes, 13200 Arles, France
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