samedi 28 avril 2018

Topik, Barcelone


Très belle découverte que « Topik » dans le quartier de l’Eixample, une table à priori qui par sa description sommaire ne m’aurait pas attiré en temps normaux mais la surprise de découvrir quelque chose de très accompli dans la réalisation. Aux manettes, le chef Adelf Morales qui propose une cuisine inventive influencée par la Catalogne, le Pays-Basque, la Méditerranée et le Japon. Un concept qui semble être « fusion » mais finalement pas tant que cela. Pas une ouverture récente puisque cet établissement existe depuis un certain nombre d’années (2009) et qui est très souvent plébiscité en ville.


Un chef qui travailla tout d’abord à Valence, puis à San Sebastian,  au « Lasarte » de  Martin Berasategui, en Italie, avant de poursuivre son parcours au Japon, puis ensuite revint en Catalogne pour ouvrir son restaurant. Clairement le Japon est à la mode et surtout en Espagne au niveau des assiettes. C’est souvent très mal assimilé et rend les assiettes médiocres, mais vous découvrirez ici une maitrise comme dans peu d’endroits à Barcelone. En réalité, peu de ces autres établissements sont allés au Japon, ce qui n’est pas le cas de Adelf Morales.


L’entrée se fait face au bar et surtout à côté de produits de la mer exposés sur de la glace pilée. Huitres de diverses origines dont « heureusement » celles du delta de l’Ebre, finalement plutôt rares chez les restaurateurs. Les fameuses Gouthier de Normandie ou celles d’Oléron. On perçoit tout de suite que le produit est au centre de l’assiette et rares sont les chefs qui choisissent avec autant de passion une telle sélection de crustacés.


Un endroit lumineux, bien structuré avec une première salle le long de grandes fenêtres, une seconde partie avec un côté plus intime lorsque l’on descend les quelques marches, un comptoir sur la longueur prolongé par la cuisine. Une décoration avec comme thème la mer puisque l’on voit des dessins de poissons sur certains murs, une partie des murs en briques ont été conservés. L’endroit est convivial et très agréable, avec un bouteiller le long de la salle.




Un très impressionnant « menu dégustation » au prix imbattable de 35 euros, a peine pensable pour une telle prestation et qui en fait définitivement l’une des adresses les plus intéressantes de la ville. Mais les suggestions du jour sont tellement intéressantes, qu’en plus du menu…nous choisirons deux petites « bouchées » supplémentaires… Comme j’adore l’oursin, nous choisirons un oursin avec un bouillon de gingembre et un oursin avec du ventre de thon. Oursins présentés d’ailleurs sur le comptoir.



Arrivent ces deux oursins sur un lit de glace, le premier a même des œufs de poisson, le second du thon bien gras et plutôt exceptionnel, jamais vu ailleurs d’ailleurs à Barcelone et pourtant de Méditerranée. Le premier est fortement iodé avec une fine saveur asiatique, le second jour plus sur la texture car le thon est gras, moelleux et se marrie très bien avec le côté plus pâteux de l’oursin. C’est original et très équilibré.



Première réelle entrée au menu, un biscuit de canard confit au kimchi, citron en saumure. Un peu dans l’esprit d’un tacos mais sans le côté mexicain, le canard est effiloché, la petite crème mousseuse à la saveur de ce chou fermenté est fine, une lamelle de citron confit pour une touche de peps en bouche. J’aime beaucoup cette association qui éveille bien le palais.


Je suis très impressionné par le dim sum d’anguille à la braise et shiitake. Même si cela a un côté clairement asiatique, c’est plutôt très bien pensé car l’anguille fumée nous ramène plus vers des saveurs européennes et le fond de sauce qui lui aussi est à première vue aux saveurs orientales rappelle un fond de sauce de viande. C’est brillamment équilibré en bouche !


Nous continuons avec de fantastiques petits pois accompagnés d’un morceau de poisson dont j’ai oublié le nom et qui fût particulièrement bien cuit avec encore du moelleux en son centre. Les petits pois régionaux sont excellent, le tout avec un fond de sauce très juste en saveur.


Nous poursuivons avec l’huitre et soubressade « els casals ». J’imagine que la recette provient de ce très réputé établissement que je dois encore visiter à une heure au nord de Barcelone ou plutôt que c’est cette saucisse qui vient de là-bas. Cette maison a aussi un élevage de porc et produits d’extraordinaires produits. On rappellera que l’origine de la soubressade, c’est les iles Baléares. Saucisse à tartiner plus ou moins pimentée qui ici est déposée en une dine touche sur le crustacé avec un peu de ciboulette ciselée, Association assez particulière et plaisante entre le côté marin, le côté épicé et fumé.


Pour suivre un très bon riz crémeux aux anémones de mer et oursins. Pas forcément traité je dirais à l’Espagnole mais plutôt comme un risotto à l’Italienne. J’adore l’anémone généralement frite, ici découpée en morceaux dans la sauce du riz qui vient de Pals et les morceaux d’oursins. Le tout est extrêmement parfumé et très gourmand.


Encore très impressionné par le thon cru avec une sauce marmitako. En basque, « marmitako » signifie » ce qu'il y a dans le pot ». Alors, quand les pêcheurs basques cuisinaient à bord de leurs bateaux ... Qu'avaient-ils dans leurs marmites ? Ils avaient des pommes de terre et du thon. Ils avaient marmitako ! On trouvera le même thon bien gras qui nous fût servi avec l’oursin en entrée, celui-ci découpé en fines lamelles et entouré de cette sauce qui à l’origine est préparée généralement avec du vin blanc, poireau, carotte, poivrons rouges et verts, probablement d’autres ingrédients. Une approche innovante, inattendue de ce plat, réalisé avec fraicheur et gourmandise.


Et un autre délice avec ce ris de veau aux pétoncles, fond de viande et beurre « café de Tokyo ». Juste poêlé et vraiment moelleux, le crustacé lui aussi snacké et encore translucide au milieu, sur le dessus une adaptation du beurre du café de Paris mais assurément avec quelques ingrédients japonais tels que le miso. Vraiment une très belle assiette.


Un premier dessert très léger et fin avec un riz au lait de coco et curry. Crémeux, onctueux, une touche de fraicheur avec du pomelo, des zestes d’agrumes et un peu de menthe.


Autre dessert avec la gourmande crème de speculoos, glace au yoghourt et tamarin. Plus riche mais aussi bien équilibré en sucre. On appréciera la touche un peu acide du tamarin.


La carte des vins est plutôt riche mais en discutant avec lui, d’entrée il me propose un vin blanc Catalan appelé Blanc del Terrer 2014 Vila Seca. Vin de la région de Tarragone réalisé à partir de Macabeu et qui a une grande intensité florale et des saveurs de fruits blancs. Un blanc avec une structure onctueuse qui se boit très facilement.


En voila une belle expérience avec un incroyable repas. Un peu en dehors des tables trop médiatisées, ce qui n’est pas plus mal, un chef qui sait ce que cuisiner signifie et qui va a l’essentiel ; le goût, les saveurs, la qualité du produit. Des ingrédients espagnols de premier choix tels que la soubressade, le thon, des huitres, des ris de veau et des oursins. Chaque plat a bien des saveurs différentes, souvent cuisiné avec l’utilisation subtile d’éléments asiatiques tels que sauce soja, miso, sake, cependant a aucun moment on ne pense au mot « fusion ». Chaque assiette fût vraiment délicate, parfaitement pensée, sans jamais que l’un de ces ingrédients ne prenne le dessus. Définitivement l’une des plus belles offres de menu de dégustation à Barcelone avec un prix imbattable, et tout ceci dans une cadre très agréable avec un service de qualité. Epatant !

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