dimanche 12 août 2018

Xavier Pellicer, Barcelone


Il me tardait de venir manger chez Xavier Pellicer ayant manqué son aventure « Céleri », c’est donc dans son nouvel établissement que nous sommes venus. Avant tout, il me semble utile de préciser que cette table n’est pas le classique restaurant auquel la plupart des gens pourraient s’attendre mais demande une prise de recul sur l’alimentation en général et comprendre le concept de l’établissement. En d’autres termes, je pense qu’il faut être préparé à y découvrir une nouvelle forme de nutrition, être familier avec les problématiques actuelles de l’agriculture, celle de l’agroalimentaire, mais surtout vouloir apprécier les meilleurs produits qui soient. Certains chefs ont consciemment viré sur le légume, probablement en tête de file, un Alain Passard que pour nommer l’un d’entre eux. Venir chez Xavier, ce n’est pas pour y trouver ce que l’on trouve dans d’autres tables gastronomiques de Barcelone et même d’ailleurs, c’est un voyage gustatif avec des produits remarquables comme dans de rares endroits et surtout à Barcelone.


Celles et ceux qui se rappellent de « Uma » et de « Nobook », sauront ou se trouve son nouvel établissement, puisque c’est actuellement lui qui occupe les lieux. A l’extérieur, une enseigne qui en dit long... « Healthy Kitchen ». Adieu la cuisine Junkfood et place à la « Healthy Food » ! En effet, « manger sain » est devenu LA nouvelle tendance et obsession de grand nombre de personnes et c’est tant mieux. Attention, on ne parle pas de véganisme ni de devenir végétarien. Alors, pour ceux qui ignoreraient ce que signifie ce mot employé à toutes les sauces en voici une petite définition : Healthy veut dire « en bonne santé » alors « healthy food » signifie tout simplement manger sainement et ce, sans se priver.

Une cuisine axée sur les légumes mais on trouvera également des protéines animales (poisson ou viande) ou des pâtes (glucides). Xavier n’est pas intégriste dans sa cuisine et a toujours proposé dans sa cuisine des produits animaux, avec l’idée qu’il ne faut pas en abuser et qu’il faut en manger en quantité raisonnable. Il prône avec justesse l’équilibre entre légumes et protéines, vous fera découvrir les produits bios de ses divers agriculteurs avec qui il travaille, vous fera redécouvrir les cuissons de ces légumes avec une incroyable justesse et surtout avec énormément de saveurs que parfois nous aurions oubliées. Une cuisine incroyablement élaborée car respectueuse avant tout du produit, qui n’utilise jamais des sauces épaisses ou lourdes. Introduction faite, vous saurez à quoi vous attendre et ne pas passer à coté de ce magnifique concept.

Le restaurant de Xavier Pellicer est composé de deux espaces : le restaurant Xavier Pellicer en tant que tel et El Menjador, un espace annexe communiquant par la spectaculaire cuisine avec une entrée indépendante et quelques tables (qui occupe l'espace d' « Uma », qui a déménagé). J’en parlerai dans un second billet. Le design intérieur suit les mêmes lignes que son ancien restaurant : un espace diaphane, avec une touche industrielle, parfois des matériaux naturels comme pierre et bois, la cuisine en vue en fond de salle devant laquelle l’on peut manger. Une très belle salle où l’on se sent immédiatement à l’aise car malgré le cursus des tables étoilées, Xavier a conservé l’endroit accessible, sans superflus, pas de trace de luxe ostentatoire et c’est tant mieux. Une grande banquette, des tables de bois sobrement dressées, une superbe vaisselle en terre, tout va à l’essentiel. Ci et là quelques objets de décoration très artistique qui renforce le côté nature de l’endroit.




Au fond, la cuisine avec la brigade et Xavier qui orchestre le tout. On peut évidemment y manger comme à un bar, question de choix. Nous avons préféré le côté plus confortable de l’une des tables faisant face à cette cuisine.




Dans le prolongement de cette cuisine, après quelques marches, un petit salon pour d’éventuelles rencontres, un apéritif ou même près le repas. Salon qui donne aussi sur un tout petit patio.




J’apprécie particulièrement la manière d’avoir dressé les tables de bois. Simplement mais avec beaucoup d’élégance. Serviettes de tissus, vaisselle de potiers, rien de plus, rien de moins.


Un intéressant menu de dégustation a 48.50 euros pour une première visite qui est des plus tentant avec une dizaine de services.  Des prix que l’on peut qualifier de raisonnables pour un tel endroit. Des poppadum au cumin pour patienter avec quelques excellentes olives.



Première assiette avec un coup de foudre immédiat avec le Gaspacho de betterave, tomate et cerise. L’assiette qui éveille tous les sens avec cette soupe revisitée qui visuellement est joliment travaillée. Le dosage entre tomate est parfait car l’un ne l’emporte pas sur l’autres, l’assaisonnement parfaitement maitrisé avec la touche de vinaigre nécessaire. La cerise amène encore plus de fraicheur, du sucré et une fine acidité supplémentaire. Au dessus, non pas les classiques ingrédients du gaspacho mais des feuilles de capucine et de fines lamelles de betterave chioggia, une tombée d’huile d’olive.


Un premier plat avec le Poulpe en escabèche, légumes au vinaigre. L’escabèche est une marinade à base d’huile d’ail et de vinaigre. Elle est utilisée sur tout le pourtour méditerranéen est un moyen de cuisiner et de conserver le poisson. Les recettes varient mais la plupart du temps, on retrouve le poulpe en morceaux, cuit avec du laurier, puis de l’huile d’olive, de l’ail, le vinaigre et du piment doux en poudre. On trouvera au dessus quelques câpres, de la ciboulette ciselée, puis ces légumes au vinaigre tels que chou-fleur, broccolis, oignons, concombre et ail. Un classique revisité et très équilibré en saveurs.


Puis une très élégante assiette de pommes de terre macaire, haricots verts et noisettes. Une recette française classique ; une préparation de pomme de terre avec généralement du fromage, de l’œuf, des lardons, de la crème et de la noix de muscade. Ici réalisé comme un gateau au dessus duquel se trouvent un fagot de jeunes haricots verts plats ficelé avec une tige de ciboulette, quelques girolles sautées avec des fines herbes.


Nous poursuivons avec ce genre de plat très gourmand, un chou-fleur en purée, œuf cuit à 62 degrés, huile fumée. Le tout est constitué en strates avec tout d’abord la crémeuse purée, l’œuf parfait déposé dessus et ensuite le filet d’huile. On mélange le tout sans tout de même trop d’exagération et déguste ces saveurs si finalement familières mais tellement rassurantes.


En règle générale ce légume n’est quasiment jamais servi de cette manière, mais ici Xavier en fait quelque chose de remarquable. Le céleri rôti, massala, dattes. Cuit au four il est extrêmement moelleux, très gouteux car d’un côté on y retrouve la suavité de sa saveur, de l’autres le goût du massala qui est une préparation composée d'un mélange d'épices, employée en Inde et dans l'océan Indien. Une touche de douceur avec les lamelles de dattes un peu caramélisées. Il se peut que les petites touches de crème sur le dessus soient aussi à base de datte.


Du poisson sauvage, petits légumes du verger de Jacques Bréault, huile AOVE. Poisson dont j’aurai oublié le nom, parfaitement poêlé, accompagné de verdure mélangées avec des haricots verts, du fenouil, du broccoli et vraisemblablement d’autres feuilles vertes. L’huile « Aceite de Oliva Virgen Extra » pour une touche de finesse additionnelle.


Comme je vous le disais, de la viande avec un très tendre filet de bœuf, quinoa, shitake. Viande rosée, découpée en tranches, le quinoa travaillé comme un risotto et le champignon à l’intérieur, un fin fond de sauce tout autour.


Une prouesse avec le dessert qui souvent reste le point faible de certains établissements mais ici sublimé avec la crème brulée au chocolat Madong, glace chocolat et piment. Chocolat rare de Papouasie ou du Vietnam, avec une saveur puissante, onctueuse et racée qui correspondra aux amateurs de chocolat noir typé et très aromatique. La crème a la parfaite consistance, le croustillant sur le dessus comme une crème catalane, la glace est merveilleuse avec juste ce qu’il faut de piment pour rendre le tout excitant en bouche.


Ici vous ne trouverez que des vins biodynamiques, biologiques et naturels. Une bouteille de vin blanc avec le Cosmic Pares Balta 2017 Penedes, petit vin du Pénedes, écologique, assez élégant et facile à boire.


Ce soir nous aurons aussi la chance d’échanger quelques mots avec un des autres grands cuisiniers en ville, Alain Guiard d’entre autres « La Mundana » et « a restaurant ».


Tout peut se résumer en quelques mots, « manger, boire et vivre différemment » et le pari est tenu. En mai dernier, Xavier Pellicer a reçu le prix au « Meilleur restaurant de légumes du monde », au We‘re Smart Think Vegetables! Think Fruit!, du «guide vert» des restaurants du monde en Belgique. L'organisation a souligné « le raffinement et le génie du nouveau restaurant Pellicer, où tout est parfaitement préparé, gourmand et savoureux », ce que l’on ne peut qu’être d’accord avec. 


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