Il me
tardait de venir manger chez Xavier Pellicer ayant manqué son aventure « Céleri »,
c’est donc dans son nouvel établissement que nous sommes venus. Avant tout, il
me semble utile de préciser que cette table n’est pas le classique restaurant
auquel la plupart des gens pourraient s’attendre mais demande une prise de recul
sur l’alimentation en général et comprendre le concept de l’établissement. En d’autres
termes, je pense qu’il faut être préparé à y découvrir une nouvelle forme de
nutrition, être familier avec les problématiques actuelles de l’agriculture, celle
de l’agroalimentaire, mais surtout vouloir apprécier les meilleurs produits qui
soient. Certains chefs ont consciemment viré sur le légume, probablement en
tête de file, un Alain Passard que pour nommer l’un d’entre eux. Venir chez
Xavier, ce n’est pas pour y trouver ce que l’on trouve dans d’autres tables
gastronomiques de Barcelone et même d’ailleurs, c’est un voyage gustatif avec
des produits remarquables comme dans de rares endroits et surtout à Barcelone.
Celles et
ceux qui se rappellent de « Uma » et de « Nobook », sauront
ou se trouve son nouvel établissement, puisque c’est actuellement lui qui
occupe les lieux. A l’extérieur, une enseigne qui en dit long... « Healthy
Kitchen ». Adieu la cuisine Junkfood et place à la « Healthy Food »
! En effet, « manger sain » est devenu LA nouvelle tendance et
obsession de grand nombre de personnes et c’est tant mieux. Attention, on ne
parle pas de véganisme ni de devenir végétarien. Alors, pour ceux qui
ignoreraient ce que signifie ce mot employé à toutes les sauces en voici une
petite définition : Healthy veut dire « en bonne santé » alors « healthy
food » signifie tout simplement manger sainement et ce, sans se
priver.
Une cuisine
axée sur les légumes mais on trouvera également des protéines animales (poisson
ou viande) ou des pâtes (glucides). Xavier n’est pas intégriste dans sa cuisine
et a toujours proposé dans sa cuisine des produits animaux, avec l’idée qu’il
ne faut pas en abuser et qu’il faut en manger en quantité raisonnable. Il prône
avec justesse l’équilibre entre légumes et protéines, vous fera découvrir les
produits bios de ses divers agriculteurs avec qui il travaille, vous fera redécouvrir
les cuissons de ces légumes avec une incroyable justesse et surtout avec
énormément de saveurs que parfois nous aurions oubliées. Une cuisine incroyablement
élaborée car respectueuse avant tout du produit, qui n’utilise jamais des
sauces épaisses ou lourdes. Introduction faite, vous saurez à quoi vous attendre
et ne pas passer à coté de ce magnifique concept.
Le
restaurant de Xavier Pellicer est composé de deux espaces : le restaurant
Xavier Pellicer en tant que tel et El Menjador, un espace annexe communiquant par
la spectaculaire cuisine avec une entrée indépendante et quelques tables (qui occupe
l'espace d' « Uma », qui a déménagé). J’en parlerai dans un second billet. Le design intérieur suit les mêmes lignes que son ancien restaurant
: un espace diaphane, avec une touche industrielle, parfois des matériaux
naturels comme pierre et bois, la
cuisine en vue en fond de salle devant laquelle l’on peut manger. Une très
belle salle où l’on se sent immédiatement à l’aise car malgré le cursus des
tables étoilées, Xavier a conservé l’endroit accessible, sans superflus, pas de
trace de luxe ostentatoire et c’est tant mieux. Une grande banquette, des
tables de bois sobrement dressées, une superbe vaisselle en terre, tout va à l’essentiel.
Ci et là quelques objets de décoration très artistique qui renforce le côté
nature de l’endroit.
Au fond, la
cuisine avec la brigade et Xavier qui orchestre le tout. On peut évidemment y
manger comme à un bar, question de choix. Nous avons préféré le côté plus
confortable de l’une des tables faisant face à cette cuisine.
Dans le
prolongement de cette cuisine, après quelques marches, un petit salon pour d’éventuelles
rencontres, un apéritif ou même près le repas. Salon qui donne aussi sur un
tout petit patio.
J’apprécie
particulièrement la manière d’avoir dressé les tables de bois. Simplement mais
avec beaucoup d’élégance. Serviettes de tissus, vaisselle de potiers, rien de
plus, rien de moins.
Un intéressant
menu de dégustation a 48.50 euros pour une première visite qui est des plus
tentant avec une dizaine de services. Des prix que l’on peut qualifier de raisonnables
pour un tel endroit. Des poppadum au cumin pour patienter avec quelques
excellentes olives.
Première
assiette avec un coup de foudre immédiat avec le Gaspacho de betterave, tomate
et cerise. L’assiette qui éveille tous les sens avec cette soupe
revisitée qui visuellement est joliment travaillée. Le dosage entre tomate est
parfait car l’un ne l’emporte pas sur l’autres, l’assaisonnement parfaitement
maitrisé avec la touche de vinaigre nécessaire. La cerise amène encore plus de
fraicheur, du sucré et une fine acidité supplémentaire. Au dessus, non pas les
classiques ingrédients du gaspacho mais des feuilles de capucine et de fines
lamelles de betterave chioggia, une tombée d’huile d’olive.
Un premier
plat avec le Poulpe en escabèche, légumes au vinaigre. L’escabèche est une
marinade à base d’huile d’ail et de vinaigre. Elle est utilisée sur tout le
pourtour méditerranéen est un moyen de cuisiner et de conserver le poisson.
Les recettes varient mais la plupart du temps, on retrouve le poulpe en
morceaux, cuit avec du laurier, puis de l’huile d’olive, de l’ail, le vinaigre
et du piment doux en poudre. On trouvera au dessus quelques câpres, de la ciboulette
ciselée, puis ces légumes au vinaigre tels que chou-fleur, broccolis, oignons,
concombre et ail. Un classique revisité et très équilibré en saveurs.
Puis une très
élégante assiette de pommes de terre macaire, haricots verts et noisettes. Une
recette française classique ; une préparation de pomme de terre avec généralement
du fromage, de l’œuf, des lardons, de la crème et de la noix de muscade. Ici réalisé
comme un gateau au dessus duquel se trouvent un fagot de jeunes haricots verts
plats ficelé avec une tige de ciboulette, quelques girolles sautées avec des
fines herbes.
Nous
poursuivons avec ce genre de plat très gourmand, un chou-fleur en purée, œuf cuit
à 62 degrés, huile fumée. Le tout est constitué en strates avec tout d’abord la
crémeuse purée, l’œuf parfait déposé dessus et ensuite le filet d’huile. On
mélange le tout sans tout de même trop d’exagération et déguste ces saveurs si
finalement familières mais tellement rassurantes.
En règle
générale ce légume n’est quasiment jamais servi de cette manière, mais ici
Xavier en fait quelque chose de remarquable. Le céleri rôti, massala, dattes.
Cuit au four il est extrêmement moelleux, très gouteux car d’un côté on y
retrouve la suavité de sa saveur, de l’autres le goût du massala qui est une préparation
composée d'un mélange d'épices, employée en Inde et dans l'océan Indien. Une
touche de douceur avec les lamelles de dattes un peu caramélisées. Il se peut
que les petites touches de crème sur le dessus soient aussi à base de datte.
Du poisson
sauvage, petits légumes du verger de Jacques Bréault, huile AOVE. Poisson dont
j’aurai oublié le nom, parfaitement poêlé, accompagné de verdure mélangées avec
des haricots verts, du fenouil, du broccoli et vraisemblablement d’autres
feuilles vertes. L’huile « Aceite de Oliva Virgen Extra » pour
une touche de finesse additionnelle.
Comme je
vous le disais, de la viande avec un très tendre filet de bœuf, quinoa, shitake.
Viande rosée, découpée en tranches, le quinoa travaillé comme un risotto et le
champignon à l’intérieur, un fin fond de sauce tout autour.
Une prouesse
avec le dessert qui souvent reste le point faible de certains établissements
mais ici sublimé avec la crème brulée au chocolat Madong, glace chocolat et
piment. Chocolat rare de Papouasie ou du Vietnam, avec une saveur puissante,
onctueuse et racée qui correspondra aux amateurs de chocolat noir typé et très
aromatique. La crème a la parfaite consistance, le croustillant sur le dessus
comme une crème catalane, la glace est merveilleuse avec juste ce qu’il faut de
piment pour rendre le tout excitant en bouche.
Ici vous ne
trouverez que des vins biodynamiques, biologiques et naturels. Une bouteille
de vin blanc avec le Cosmic Pares Balta 2017 Penedes, petit vin du Pénedes,
écologique, assez élégant et facile à boire.
Ce soir
nous aurons aussi la chance d’échanger quelques mots avec un des autres grands
cuisiniers en ville, Alain Guiard d’entre autres « La Mundana » et « a restaurant ».
Tout peut se
résumer en quelques mots, « manger, boire et vivre différemment » et
le pari est tenu. En mai dernier, Xavier Pellicer a reçu le prix au « Meilleur
restaurant de légumes du monde », au We‘re Smart Think Vegetables! Think Fruit!, du «guide vert» des restaurants du monde en
Belgique. L'organisation a souligné « le raffinement
et le génie du nouveau restaurant Pellicer, où tout est parfaitement préparé, gourmand
et savoureux », ce que l’on ne peut qu’être d’accord avec.
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