Rien que de
plus formidable que de découvrir une table assez récente à Barcelone et qui de
surcroit n’est pas encore très connue sauf des locaux ou personnes à l’écoute de
ce qui se passe en ville. Pas dans un quartier forcement habituel puisque celui
de Sants mais sans aucun problème accessible en métro avec la Ligne L3. C’est
dans la carrer del Vallespir que se trouve la table de deux chefs, le premier, Alain
Guiard de père français et mère catalane, dont le parcours est plutôt élogieux
avec des passages chez ABaC à l’époque de Xavier Pellicer et le Mandarin
Oriental avec Jean Luc Figueras, disciple de Ducasse et au bénéfice de
probables autres expériences comme Sant Pau.
Aujourd’hui chef de trois endroits, le « Santa Burg » ouvert
en 2011 (situé à deux endroits) où l’on offre des hamburgers, mets légers et
sandwiches de haute qualité et maintenant « La Mundana » qui depuis
2015 est dans une catégorie gastrobar de haut niveau ; trois
établissements avec de la créativité plutôt unique, quelque chose d’un peu
chic, d’une peu cosmopolite et d’urbain. Sans oublier un projet appelé « Gourmand et Guiard » avec des créations de recettes de sauces naturelles d’auteurs. Un partenariat, avec
un second chef appelé Marc Martin qui lui est passé chez Hisop et également ABaC ,
ensuite El Viajante, El Faro et Roka (Londres), en plus de faire des étapes chez
Martín Berasategui et El Cingle. Avec Alain Guiard, il a travaillé comme
consultant gastronomique ainsi que dans la production de plats cuisinés avant
de se lancer en tant que directeur à « Santa Burg » et maintenant
partenaire à « La Mundana ».
Une petite
porte dans la rue Vallespir, une indication que nous sommes dans une vermuteria
gastronomique, mais c’est tout de même nettement plus sophistiqué que cela et
selon moi une des plus intéressantes tables aujourd’hui dans sa catégorie. Depuis
l’extérieure, l’endroit est plutôt très animé et l’intérieur dans un style très
contemporain qui pourrait laisser supposer qu’il s’agit « encore » de
l’une de ces nouvelles adresses à la mode et sans lendemain, mais ce n’est pas
du tout le cas. Il s’agit d’une adresse dans l’esprit de l’une des tables de
Adria ou de Abellan avec ce côté sophistiqué mais toujours accessible et
convivial.
Comptoir et
cuisine devant lequel l’on peut manger, quelques petites tables le long du
couloir qui amène à une salle à l’arrière, des étagères avec de nombreuses
bouteilles, des lumières un peu industrielles, le tout a été agréablement
agencé et décoré sans sombrer dans la typique et classique vermuteria. Il s’agit
vraiment d’un lieu qui veut s’affranchir des bars traditionnels.
Comme nous
sommes un peu en avance, nous voici installés le long du mur où sont présentés
de nombreuses propositions de vermut artisanaux sur des étagères. Nous sommes
effectivement dans une vermuteria mais notre choix sera autre.
Petite
attente donc avec un verre de vin d’une bouteille qui nous accompagnera ensuite
pendant le repas ; moment fort agréable qui nous permettra d’observer ce
qui se passe en cuisine.
Au fond,
cette petite salle avec seulement trois ou quatre tables, ce qui signifie qu’évidement
la réservation est indispensable et que celle-ci se fera selon le taux d’occupation
et probablement deux services, un en début et l’autre en fin de soirée. Murs de
briques blanc, tuyauterie apparente, table en bois et chaises métalliques.
Une très
belle et riche carte avec si on le souhaite des petits snacks pour un apéritif,
des huitres, certaines cuisinées et des poissons crus sous forme de
carpaccios. Les propositions sont souvent très alléchantes, une cuisine assez
méditerranéenne sans trop de clins d’œil au lassant « fusion », des
produits sélectionnés, des propositions du jour, des plats que l’on doit
normalement se partager. A relever que le nom de l’établissement se réfère au
monde, à la société et des influences de certaines contrées. On pourra donc
trouver un peu de la France, du Japon et surtout le pourtour méditerranéen, des
plats parfois traditionnels mais très souvent repensés.
On nous
proposera pour commencer, un pain d’excellente qualité de la maison Raiguer avec
un beurre fumé maison ; en cuisine un Josper, appareil qui permet donc d’avoir
des cuissons au feu de bois et de la fumaison.
Première
assiette qui impressionne immédiatement en tout cas visuellement avec le tartare
de bœuf de viande rassie, épices cajun, piparras et mascarpone. Coupé au
couteau, magnifiquement assaisonné, présenté en demi-assiette, une association
parfaite entre ce piment vinaigré et ces petites touches de fromage. Le
guindillas ou piparras est un petit piment de 5 à 12 cms de longueur, à la peau
fine et très tendre. C'est une culture maraîchère basque et espagnole
traditionnelle. Le tout est onctueux en bouche, parfois relevé, parfois
vinaigré, c’est une manière assez innovante que de proposer ce classique, sans
oublier la viande de premier choix.
Il sera
accompagné de sorte de pappadum au cumin.
Seconde
assiette à se partager tout aussi belle avec les sardines fumées avec une crème
au fromage Scamorza, tomates cerises confites, pain de coca à l’huile d’olive.
Olives manzanilla. La sardine est fumée par leurs soins, la tomate amène une
touche un peu douce, la sauce au fromage surprend un peu, fromage de l’'Italie
du sud à pâte filée peu affiné et produit avec du lait entier pasteurisé.
Le fromage est lui aussi fumé et se marrie étonnement bien avec le poisson.
Nous poursuivons
avec les poireaux à la braise, vinaigrette à la moutarde et de la cecina de
Leon. Les poireaux sont tendres et la sauce est bien équilibrée, on appréciera
le goût du bœuf séché et fumé, avec une texture plutôt moelleuse.
Sublime assiette
que le cannelloni de porc, oignons, pieds de porc, épinards. « Comme un cannelloni »,
en fait de la fine poitrine qui entoure les pieds, un jus très concentré et
délicieux, une préparation à base d’épinards qui sont hachés et reconstitués en
en rectangle avec une texture entre mousse et gelée. C’est vraiment un très
bon plat. On n’oubliera pas la fine sauce au persil sur le dessus.
Ensuite un
foie gras à la braise, chutney de rhubarbe, cerises, petites betteraves et
crumble. A nouveau un plat mémorable pour sa justesse des goûts et associations.
Du moelleux, du croquant, du coulant, du sucré et de l’acide. Un des préparations
de foie gras les plus étonnantes cette année.
Les
desserts ne sont pas a être négligés surtout avec la « torrija »
farcie de crème vanille. On rappellera qu’il s’agit d’une version de pain perdu
servi la plupart du temps avec de la glace et une sauce caramel. Ici de forme
inhabituelle car présenté comme un cake avec à l’intérieur la crème.
Un fabuleux
sorbet de citron vert au basilic. Présenté comme un citron givré mais vous
découvrirez des saveurs assez inédites avec cette présence assez forte de l’herbe
qui malgré tout de dissimule pas le citron vert.
Un verre de
vin doux avec les desserts, un Itsasmendi Urezti, vendange tardive du Nord, à classer
entre Sauterne, Barsac et Jurançon, des saveurs d’orange et miel.
Pendant ce
repas un magnifique Priorat Gratavinum 2012 2PiR de Gratallops, rouge violet et
ruby, une intensité aromatique, des notes toastées, une touche minérale.
Voici une
cuisine créative et intelligente avec beaucoup d’attention au dressage des
assiettes. Un lieu assez excitant, branché et moderne, une pépite dans ce
quartier qui mérite d’être découverte et redécouverte car ce ne sont pas les
envies qui me manquent que de déguster d’autres assiettes. Des propositions qui
ne ressemblent heureusement à aucunes d’autres nouvelles adresses qui font de « La
Mundana » l’une des plus belles tables en ce moment dans sa catégorie.
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