J’aime
énormément passer une soirée dans le quartier de Poble Nou qui permet toujours
de se retrouver principalement au milieu des locaux, avec une Rambla bien plus
agréable que celle que tout le monde connait, mais aussi de faire la découverte
de nouvelles adresses, car ce quartier voit en ce moment une explosion de
nouvelles tables les unes plus agréables que les autres. Les établissements
Poble Nou sont souvent un peu en dehors de ce show constant que propose la
plupart des tables du centre ville, ici on trouvera souvent de l’ambiance, de
la sincérité et de plus des prix bien moindres qu’au centre.
« Salitre »
c’est l’association de deux jumeaux canariens, Bruno et Sergio Morales, qui, il
y a peu de temps, ont décidé de s'allier avec Daniel Armenteros passé chez « ABaC »,
« El Hortensio » et La Cabra » de Madrid, pour ouvrir cette
enseigne. Bruno dans la salle, Sergio et Daniel se consacrent à la préparation
des plats à l’arrière. Le concept est le suivant ; concocter des recettes
méditerranéennes avec des influences internationales qui amènent de l’originalité
aux assiettes. Un nom qui signifie « Nitrate », un mot qui fait
référence aux caractères imprimés sur les bâtiments, sur les bateaux et autres objets
le long de la mer. Un mot qui transmet autant de fraîcheur, de
brise ou d'esprit de rue.
A deux pas
de la Rambla del Poblenou, une entrée plutôt inhabituelle pour un établissement
car cela ressemble plus à une galerie d’art. Vous verrez tout d’abord une fresque
murale de Nacho Eterno, un artiste multidisciplinaire basée à Barcelone,
travaillant sur l'illustration, le tatouage et le muralisme contemporain. Son
style évolue à travers une manière de faire cohérente, basée sur une esthétique
simple et spontanée avec des formes lisses et des couleurs minimales. Son
inspiration vient surtout des cultures anciennes : l'art autochtone
précolombien, péruvien, mexicain et africain est au cœur de son imaginaire.
Quelques tables extérieures devant, vous réalisez immédiatement que l’espace a
quelque chose de particulier, conçu pour accueillir tous les types de
clientèle, des groupes du plus petit au plus grand.
Une salle en
longueur agréablement rénovée en conservant un côté un peu industriel, des murs
de briques parfois apparents, des sections de mur qui combinent l'utilisation
du bois et du métal, des lumières style simple ampoules, mais tout est réalisé
avec beaucoup de goût et d’idées.
Sur l’un des
côtés de la salle, le bar avec derrière les cuisines. Bar qui a conservé une
section pour manger si on le désire.
La carte ne
fait pas plusieurs pages et propose une sélection de plats à se partager, puis
des sections pour ce qui est froid, ce qui vient de la terre, de la mer, ce qui
se mange avec les doigts, les riz et desserts. Des mets assez classiques,
certains avec un clin d’œil au Pérou, à l’Argentine ou à l’Italie. Il faut se
rappeler que ces communautés sont importantes à Barcelone, ce qui explique que
l’on trouve souvent ce type de cuisine sur les cartes de restaurants.
Une
première très bonne impression car la vaisselle est recherchée, toujours en
harmonie avec le met. La présentation est soignée, le tout est très tentant
sans même y avoir goûté. Nous prendrons tout d’abord des patacón de thon. Le
patacón, le tostón, le tachino, frit ou haché est un plat à base de morceaux de
bananes plantain vertes aplaties, traditionnels dans plusieurs pays d’Amérique
latine et des Caraïbes tels que la Colombie, Cuba, l’Équateur, Haïti, le
Honduras, le Nicaragua et la Costa. Rica, Panama, Porto Rico, République
dominicaine et Venezuela. Je ne sais pas
de quel pays il est inspiré mais nous retrouvons cette galette de banane frite,
de l’avocat, du thon découpé en sashimi, une probable sauce pimentée style
chipotle, des oignons rouges marinés, de la coriandre fraiche. On peut presser
un peu de citron vert sur le dessus si on le souhaite. Léger, frais, très
gourmand.
Très joli
bol que ce Salpicon de fruits de mer au Bloody Mary. Le Salpicon est un plat
préparé depuis bien longtemps. Il est même apparu dans le livre de Don
Quichotte de la Mancha, écrit par Cervantes, faisant référence à un plat
généralement composé de différents types de viande hachée, principalement du
bœuf, assaisonné d'huile d'olive vierge extra, vinaigre, sel et poivre; et des
morceaux de tomates ou de ciboulette fraîche. Maintenant, le salpicón est un
plat devenu très populaire de la cuisine andalouse, en particulier sur la côte
de Huelva et Cadix. Parmi ses ingrédients, on y trouve la tomate, l'oignon, le
poivron rouge et le poivron vert ne manquent pas, s'il y a un morceau de
poivron jaune et des fruits de mer. Maintenant la variation est ici bien plus
intéressante car on y retrouve certain des ingrédients mais aussi un côté plus
axé sur la tomate et une probable touche de vodka, puis un peu de coriandre
fraiche.
Retour vers
l’Amérique latine avec un Arepa de calamars et piment jaune Aji. Type de plat à
base de pâte de maïs hachée ou de farine cuite qui prédomine dans la cuisine
colombienne et vénézuélienne. Ils sont généralement garnis de diverses
manières, ici avec une très bonne friture de calamars car légère, quelques
touches de sauce au piment péruvien jaune.
Un étonnant
et original plat de viande que l’Entrana, poireaux et glace aux raisins. L’ « entraña »,
l'une des coupes de boeuf les plus appréciées en Uruguay et en Argentine, une
pièce qui est coincée dans les côtes de la vache. D’une forme allongée, elle
commence dans une pièce plus épaisse qui est affinée jusqu'à son achèvement. Le
morceau est à a la base recouverte d'une peau très dure arrachée à la main
(généralement par le boucher) et révèle une viande veinée et extrêmement
juteuse. Particulièrement indiquée pour le grill qui doit être fait avec un feu
fort de sorte qu'il se forme une croûte externe, protégeant l'intérieur plein
de jus délicieux et très savoureux. Ici avec des poireaux cuits à la braise et
cette glace sucrée qui est vraiment une association parfaite, amenant de la fraicheur.
Une brillante idée qui illustre la qualité de la cuisine.
Et le
dessert final, une Torrija de Platano, des iles Canaries. Torrija donc fabriquée
avec de la banane le plus souvent plantain, puis cuisinée comme il se doit, à
savoir dans du beurre et une poêle avec du sucre pour le côté caramélisé, que
l’on accompagne de diverses glaces. Elle est ici particulièrement bien
croustillante. On se rappellera que Bruno et Sergio Morales sont d’origine
Canariennes, ce qui explique ce dessert !
Un Rioja
Lan Crianza 2014, petit vin moyennement corsé qui se doit d’être bu à court ou
moyen terme.
On pourra
toujours aller jeter un œil sur le patio extérieur assez unique et confidentiel,
avant de quitter le lieu où l’on aura apprécié une cuisine de grande fraicheur,
vraiment soignée et gourmande, qui plaira à tout un chacun. Les personnes
recherchant des tapas locaux classiques seront comblés, ceux plus enclin à la
découverte des saveurs d’Amérique latine et disposés à manger quelque chose de
plus exotique serons eux aussi ravis !
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