vendredi 28 avril 2017

Angle, Barcelone




La grande majorité des grands chefs espagnols étoilés ont leur second restaurant à Barcelone. Presqu’aucune exception, des frères Roca à Martin Berasategui et Carme Ruscalleda, sans oublier Jordi Cruz de ABaC. Lorsque l’on parle d’autres établissements d’un chef, les styles peuvent varier. Le meilleur exemple étant la série des tables de Albert Adria, entre Tickets, Enigma autres Pakta. Dans le cas de Jordi Cruz, vous vous demanderez probablement ce qui diffère Angle de ABaC, le premier ayant une étoile et le second deux. J’ai eu beau chercher un peu partout sur la toile si quelqu’un avait été chez les deux et plus ou moins identifié quelles étaient les différences, eh bien rien… Ayant été chez ABaC, pourquoi ne pas essayer de comparer. Tous d’abord les deux se trouvent dans des hotels, Angle se trouvant plus près du centre dans le quartier de l’Eixample et à l’angle d’une rue…


Pas vraiment étonnant que le décor de la salle de Angle rappelle celui de ABaC. Même habillage des tables, mêmes lumières, même atmosphère. Peut-être que Angle est un peu moins strict dans le style mais nous ne sommes pas loin du premier. Quoi que l’ensemble architectural soit ici nettement plus classique, nettement plus traditionnel avec une seule et unique salle. Des tons blanc, rouge sang donne une particularité à l’endroit. Le dressage des tables et vaisselle est identique.





Et à l’entrée, une amusante statue de Jordi Cruz qui semble vous souhaiter la bienvenue.


Le service lui est aussi absolument impeccable et attentif. Peut-être que chez ABaC il sera un peu plus précieux, mais le style reste identique. Ce qui me fit dire qu’aucun autre restaurant avec une étoile à Barcelone ne propose une telle qualité de service qui est ici aussi lui exceptionnel.

Evidemment les tarifs ne sont pas les mêmes que chez le grand frère et le grand menu est vraiment sagement tarifé compte tenu de la qualité des mets. 100 Euros pour 13 plats reste une réelle aubaine.  A sa lecture on s’aperçoit d’ailleurs que certains des plats sont ceux que l’on peut éventuellement manger chez ABaC, ce qui est plutôt surprenant et peu fréquent de retrouver les plats d’un chef dans un second établissement. En fait, toute nouvelle recrue fait tout d’abord un séjour chez ABaC avant d’aller chez Angle. Ce qui explique pourquoi l’on trouve certains plats « répliqués ». Bien entendu on se demandera si le résultat est comparable. Je peux vous répondre que…cela dépend !

Cela commence avec un côté théâtral, un apéritif appelé vermout Angle. Le vermout est évidement l’apéritif de Barcelone par excellence mais ici il est travaillé de manière très audacieuse. Provenant d’un cocktail de fruit où l’on trouve du vermout, il sera versé dans un bol puis sur celui-ci sera versé progressivement de l’azote liquide. La surgélation sera donc presque instantanée. Une fois le tout transformé en une sorte de sorbet, la préparation sera insérée dans des mandarines glacées, on ajoutera des coques avec un peu de piment et pour finir un spray de vermout. Le tout est rafraichissant, parfumé, visuel.




Ici aussi vous sera proposé une huile d’olive vierge extra qui sera versée dans ces petites boules métalliques et que l’on dégustera avec du pain maison. Une huile de la maison Olis de Catalunya, le produit OleAurum avec des arômes d’olives vertes arbequina, de pomme, un arrière-goût un peu piquant et une fine amertume.


Pour suivre le fameux taco de maïs doux et foie gras avec un mole. Voici un plat que l’on trouve chez ABaC et qui était à l’époque pour une raison inconnue appelé focaccia de foie gras et royal de gibier, miettes de maïs et glace au mole. Mais en réalité il s’agissait bien d’un taco et fût un souvenir inoubliable. Presque la même apparence avec un tacos dans lequel l’on retrouve le foie gras moelleux et avec une bonne température sur lequel le même ingrédient a été râpé. Une technique qui consiste à congeler un morceau et de la râper au dernier moment.  Cependant je ne suis pas si sûr que la royale soit la et la glace au mole qui était sur le côté n’est pas présente. Le serveur me dit qu’elle est en dessous. Le mole étant une sauce mexicaine à base de chocolat, de piments séchés ainsi que d’une multitude d’autres épices. Pour moi ce plat n’est pas aussi bien mis en valeur que chez ABaC. Probablement volontairement. Cela donne une idée, c’est très bon, cependant l’autre version est vraiment supérieure.



Excellent riz de calamar style nigiri, peau de thon et wasabi frais. Une inspiration japonaise avec un nigiri qui généralement est présenté sous la forme d’une tranche de poisson cru qui repose sur du riz vinaigré. Cependant ici le riz est en fait des tout petits morceaux de calamar. Dessus la peau qui a été marinée et laquée. Sur le côté la racine fraiche râpée. Très léger, gouteux et vraiment innovant.


Ensuite les petits Calçots confits au vinaigre balsamique et romesco glacé. Ici nous avons un plat vraiment identique à ce qui fût servi chez ABaC. Même dressage, même support en pierre. Les Calçots qui sont des légumes de saison semblables à de jeunes poireaux/oignons nouveaux sont grillés a point, la glace est tout aussi bonne avec sur le dessus du charbon fumé qui amène une texture différente additionnelle.


Plat suivant avec des pois de Maresme, cabillaud, truffe et saucisse catalane. Ces pois proviennent d’une région au Nord de Barcelone, une bande de terre entre mer et montagne qui produit de magnifique petits pois grâce à son territoire exceptionnel. Le poisson et petit morceau encore un peu moelleux au centre, la saucisse n’est est pas vraiment une mais une sphère dans laquelle se trouve les éléments de quelque chose semblable a une botifarra catalane. En réalité à l’intérieur un peu liquide, utilisant une technique de sphèrification inventée par « El Bulli ». Très beau jeu de diverses textures, saveurs influencées par la Catalogne et produits saisonniers.


Autre clin d’œil très judicieux à la cuisine locale avec le jaune d’œuf mariné avec une sélection de charcuteries ibériques. On trouvera en dessous de la pomme de terre, du jambon sur le dessus, une tranche de pain croustillante et un œuf cuit à la perfection. Union classique mais revisitée.


Plat suivant, une bouillabaisse de crevettes scarlet avec une infusion à l’anis. Crevette parfois appelée gambon écarlate ou carabinero en Espagne. L’assiette arrive avec seulement le crustacé. Le plat se finalise à table où notre serveur arrive avec un petit réchaud sur lequel un bouillon de tête de crevettes et légumes sera cuisiné. Une fois cuit, le bouillon anisé sera filtré et versé sur l’assiette. La crevette est délicieuse, le bouillon exceptionnel.






Plat principal avec un poulet de basse-cour accompagné d’un riz au Saint Félicien, noix et beurre de truffes. Le riz est cuit dans un bouillon de volaille est parfait, la volaille est très moelleuse et étonnement notre serveur verse le fromage coulant sur le dessus. Une association qui me rappelle un peu le poulet à l’époisses en Bourgogne. Un plat gourmand assez rustique et présenté assez simplement.


Un peu plus de sophistication avec le très beau poisson du marché grillé, bouillon d’arrêtes et texture de chou-fleur pourpre. Cabillaud cuit à la seconde, trois sauces en forme de cercle, ce qui est un exploit technique plutôt remarquable au niveau du dressage : les saveurs des sauces sont complémentaires, on prend beaucoup de plaisir avec ce plat.


Du premier menu à 75 euros, un changement avec le suprême de pintade au foie gras, ail noir et aubergines. Saveurs précises, recette plutôt classique mais volaille et foie fonctionne toujours à merveille et cette petite touche d’ail amène beaucoup d’originalité, sans oublier l’aubergine délicatement fumée.


Un plat que l’on traduit par fusion de montagne et mer, la viande du boucher avec des sardines et betteraves. Saveurs tout aussi complémentaires, agréable dressage, la betterave tapisse le fond de l’assiette.


Les desserts sont raffinés et élégamment dressés comme par exemple la gourmande glace à la banane caramélisée au gingembre et chocolat épicé. Frais, exotique mais aussi des saveurs connues comme caramel et chocolat.


Egalement des changements avec les deux desserts du menu à 75 euros pour l’un des convives avec la glace à la noix de coco au curry de madras, ananas et gâteau spongieux à la cacahouète. Très original et subtil en bouche.


La texture de chocolats avec une crème glacée à la vanille et noisettes. Un dessert vraiment très classique mais très bien réalisé au visuel agréable.


Et pour moi le plus aérien et magnifique, le biscuit croustillant au yaourt, fleurs et glace à la violette. Très belle assiette avec des saveurs contrastées, du croquant, du floral, du fruit.


Petits fours pour achever ce repas qui inclut le fameux rouge à lèvre glacé de Jordi Cruz.


Pour démarrer un cava rosé Microcosmos Ilopart. Probablement le meilleur bu à ce jour,
Une belle teinte rose avec quelques reflets brique. Floral avec une belle longueur en bouche.


Puis un Finca Abadal 3.9 Pla de Bages, un vin minéral avec une riche expression, une robe cerise, des arômes de fruits rouges.


Indéniablement un très beau repas qui finalement s’approche de la cuisine de ABaC mais tout de même sans en atteindre complètement les sommets. Le meilleur exemple est ce tacos qui souffre un peu de la comparaison. Autrement toutes les autres assiettes furent d’un très bon niveau et même supérieures souvent à une seule étoile. Le menu est cohérent, les plats superbement exécutés. La différence est quand même minime si ce n’est le côté encore plus élégant de l’autre établissement ainsi que l’architecture plus moderne du lieu. On est vraiment proche car le service est aussi chez Angle excellent. Probablement l’un des meilleurs un macaron et bien au-dessus du lot de certaines autres tables étoilées. Il faut aussi se rappeler que les deux menus sont à 75 et 100 Euros, que c’est un excellent moyen de découvrir la cuisine du fantastique Jordi Cruz.

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