jeudi 19 février 2015

Imouto, Lyon



Je mentionnais dans l’un de mes précédents billets que les chefs japonais choisissaient souvent la France comme terre d’exil. Un vrai phénomène qui démarra si je me rappelle bien dans les années 2010 un peu partout dans l’hexagone avec une série de chefs talentueux qui rendent de beaux hommages à la gastronomie française. Non pas des restaurants japonais traditionnels mais des restaurants de cuisine française, éventuellement un peu « fusion » où souvent l’on trouve des assiettes avec des cuissons sans fautes, des assaisonnements parfait et des goût maîtrisés.

A Lyon nous avons les étoilés « Takao Takano » et « le 14 février »,  mais il faudra aussi compter avec d’autres établissements tels que « L’Ourson qui boit », « En Mets Fais ce Qu'il te Plaît », « Flair » et maintenant « Imouto » (petite sœur) qui se positionne comme nouveau centre d’intérêt dans la ville grâce à l’obtention récente d’un « Bib Gourmand 2015  » qui récompense les bonnes petites tables du guide Michelin avec un menu à moins de 32 Euros.

Depuis 2013, c’est non loin du quartier de la Guillotière que l’on trouvera cet établissement, plus spécifiquement dans les rues asiatiques ou se trouvent fast-food vietnamiens, bistrots à tapas asiatiques et autres échoppes ou magasins orientaux. 

La particularité de cette table étant que l’on y trouvera « un quatre mains permanent » avec Gaby Didonna originaire du Vietnam et  Junko Matsunaga japonaise. Un duo qui prépare pour le plus grand bonheur de la clientèle une cuisine que l’on pourrait classifier de « Fusiobistronomique »… Pour Gaby un passage dans plusieurs autres établissements plutôt orientés sushis comme le « Jonkafé », l’  « Oto Oto » son second établissement où il prépare une cuisine de rue japonaise et le « Yamamori » qui a été transformé en « Imouto ». Et ne pas non plus oublier les passages chez Lacombe et Georges Blanc. Junko qui apporte la touche nippone avec grande maitrise, elle a travaillé entre autre chez « Magalin et Martin » qui a entre temps fermé.

C’est donc au coin d’une rue que vous trouverez cette enseigne avec une belle apparence extérieure plutôt moderne.



L’intérieur est très agréable car épuré et zen comme se doit d’être un lieu asiatique. Le plus surprenant sera ce plafond comme un nuage de bois ou selon certains, l’impression d’être sous un feuillage d’arbres. Une grande table communautaire au centre et un certain nombre de tables pour couple tout autour.




Sur un des côtés, la cuisine que l’on peut voir à travers une baie vitrée. 




Sur toutes les tables, ce soir ont été disposés quelques pétales de fleurs en raison probablement de la Saint Valentin. Il y a quelque chose de très reposant dans ce lieu même si les tables sont plutôt rapprochées.


Le menu unique en trois plats est à 31 euros et propose un choix de quatre assiettes à chaque étape. Quelques plats ont une majoration de quelques euros mais tout à fait justifiés. Ce qui saute aux yeux immédiatement, c’est qu’il s’agit d’une vraie cuisine française avec quelques touches nippones et non pas de cuisine japonaise francisée.

Nous commencerons avec une petite verrine de pommes de terre vitelottes, rattes aux câpres et hareng. Ce qui est un clin d’œil à la cuisine Lyonnaise de « bouchon » mais ici avec une petite touche visuelle additionnelle, les vitelottes étant de couleur violette.


En entrée pour un convive, la volaille fermière dans une réduction de sauce Kakuni et gingembre, raviole de champignons asiatiques. Cette volaille vraiment très tendre a été cuite dans un bouillon très parfumé au gingembre, le fond de sauce est inspiré de ce plat japonais à base de porc et réalisé probablement avec un dashi, de la sauce soja et du mirin. Sur le dessus une délicieuse raviole à la pâte bien fine dans laquelle se trouve des champignons shitake et peut-être des enoki, décrits comme petits, allongés et fins. Le tout est vraiment très gourmand et le plus surprenant est que si l’on devait déguster à l’aveugle, cela n’est même pas dit que l’on pourrait identifier qu’il y a des éléments japonais. Une remarquable réinterprétation  d’un éventuel plat bressan.


Mon entrée fut tout aussi délicieuse avec un marbré de foie gras et magret de canard, gelée d’Umeshu et tartelette au chou acidulé. Certes foie gras et magret est une association devenue courante mais la cuisson et la qualité des deux ingrédients est fabuleuse. Chacun ont été rapidement été snackés quelques minutes et ensuite associés en terrine. La texture et l’assaisonnement est vraiment parfait et en réalité ce marbré est bien supérieur à d’autres endroits où j’ai pu déguster cela. En complément, une gelée réalisée avec des prunes japonaises qui en réalité est une variété d’abricot, ainsi qu’une tartelette avec du chou frisé blanchis assaisonné de citron.




Arrivent les plats principaux avec tout d’abord la pluma Ibérique en tranche façon Shogayaki, purée de potimarron, pakchoï, et endive poêlée. La viande prétranchée fond en bouche, a mariné dans un mélange de saké, sauce soja, gingembre et ail, ce qui lui donne un petit côté parfumé et un peu sucré. Sur une fine purée de potimarron qui pourrait être du kabocha, les légumes sautés à la poêle. Une assiette toujours aussi gourmande et plus que plaisante.


Pour moi, les Saint-Jacques poêlées, purée de pommes de terre au miso et beurre blanc au yuzu. Cuisson absolument parfaite, purée discrètement parfumée à la pâte de haricots soja fermentée et salée, un magnifique beurre au parfum si particulier de cet agrume qui devient de plus en plus à la mode. Une julienne de légume pour la touche croquante et si je ne me trompe pas, une vitelotte.



S’il y a un reproche à faire à ces deux assiettes, cela serait le dressage qui est à mon avis un peu trop simpliste, mais les saveurs, cuissons et textures totalement maitrisées.

Troisième service avec les desserts, un Crumble de pommes au gingembre et sa chantilly. Classique certes mais à nouveau gourmand et un jeu de texture de pommes cru/cuit.



Le dessert qui m’emplira de bonheur surtout que je ne suis « pas très sucre », sera l’éclair au thé Matcha, brunoise de mangue et longan en pâtissière. Assurément le meilleur éclair que j’aie pu déguster. Une pâte a chou délicate et fine, dans le fond une couche de crème pâtissière sur laquelle se trouveront les fruits découpés en brunoise dont les longan très proche du litchi. Et dessus une incroyable crème fouettée au thé vert matcha. Cette dernière est aérienne, sucrée mais pas trop, et le parfum du thé… Simplement fabuleux. L’éclair est présenté sur un support en bois comme pour les sushis.



Avec cet excellent repas, un Crozes Hermitage  de chez Jérome et Rémy Buffière du domaine des Chemins en 2013. Un vin très agréable avec de jolis fruits noirs légèrement confiturés.


Une très belle soirée avec une cuisine audacieuse, inventive et très gourmande plutôt de type fusion, conservant une base française et avec des touches nippones vraiment bien étudiées.  Le service fut excellent de bout en bout et l’on ressortira de cet établissement complètement séduit par la cuisine de ce duo !

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