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samedi 23 juin 2012
Auberge du Paradis, Saint-Amour-Bellevue
L’Auberge du Paradis, relais de poste devenu bar, guinguette, salle des fêtes, et maintenant une auberge… porte très bien son nom, car cela pourrait être presque simplement le paradis…et j’insiste sur le mot presque… Située dans le beaujolais à environ 1h 50 de Suisse dans le village de Saint-Amour, à aucun moment l’on ne pourrait se douter de la belle expérience que l’on va vivre…
Déjà une halte propice au repos, des chambres toutes plus extraordinaires les unes que les autres, aux doux noms de Gingembre, Nigelle, Muscade, Cumin, Paprika, Tandoori, Réglisse et Sésame… Rien que ces noms dénotent le coté hédoniste et épicurien de l’endroit. Des chambres d’une très grande élégance (visibles sur leur site), et une salle à manger comme vous n’aurez probablement jamais vue.
Un style totalement déjanté où tout est dépareillé mais orchestré de manière magistrale. Rien ne va vraiment à première vue ensemble, mais finalement tour s’harmonise, ce qui est un vrais exploit et dénote une maitrise dans la décoration. Le goût est certain, l’ambiance qui se dégage de cette salle est phénoménale. De la brocante, un peu des cotés baroques : vieilles photos, anciennes gravures, plaques publicitaires d’un autre temps, objets insolites. Des fauteuils ou chaises de repos des célèbres designers américains Charles Ormond Eames et Bernice Alexandra Ray. Tout dans cet endroit est dans les tons rouges, blancs, noirs, et c’est vraiment une réussite.
Mais avant de s’attabler pourquoi ne pas déjà profiter de cette belle piscine de béton qui s’intègre parfaitement dans la structure qui se trouve en face du vignoble. Sommes-nous dans une revue de type Architectural Digest ou Coté Sud ? On pourrait se poser la question…
La cuisine de Cyril Laugier est très singulière et comme le nom de ses chambres le laisse penser, s’inspire des mets exotiques à base d’épices mais jamais en tombant dans une facilité type fusion éculée. Etant plutôt méfiant de ces sortes de plats qui se voudraient être des interprétations de plats asiatiques, je dois avouer que j’ai été presque totalement bluffé. Ce chef fait preuve de très grande imagination et son menu dégustation à 60 Euros qui change toutes les quatre semaines est tout bonnement fantastique à ce prix. C’est une cuisine grandement pensée, sortant de l’ordinaire et qui sublime les saveurs en associant épices avec des ingrédients locaux ou même étrangers (Italie et Espagne). Il faut d’ailleurs savoir que le chef est né au Maroc, a travaillé en Turquie au Café du Levant à Istanbul, et voue donc une passion pour les épices, pour les associations discrètes de senteurs inhabituelles a principalement de la cuisine française, ou plutôt européenne.
Comme précédemment dit...le choix est simple...On déguste le menu en 6 plats...Rien que la lecture des mets active les glandes car plein d’images « du voyage » traversent en quelques minutes l’esprit.
L’apéritif peut se prendre devant l’auberge sur une petite terrasse longeant la route peu passante. Des communards et pour accompagner cela on nous amène sur une assiette en longueur des petits amuses-bouches : un nem au soja et menthe, un velouté de légumes-fromage de chèvre battu-olive-pappadum ; un tartare de crabe à la royale, citron et aneth ; un morceau de bœuf tandoori avec de la coriandre. Le ton est montré. Des saveurs nettes et fraîches, des références à l’Asie mais sans exagération.
Passage à table pour démarrer, avec une soupe froide de courgettes à l’estragon, émulsion au curcuma, tagliatelles du même légume crus à l’huile de pistache « Montegottero », fruits de la passion, bille croustillante à l’échalote, herbes et épices indiennes. Exactement le type d’entrée qui ne me laisse pas indifférent et qui s’est avéré être l’un des mets les plus ingénieux de ce repas. De la fraîcheur, de la légèreté, un coté très estival ; les associations légumes verts et fruits avec les différentes textures se marient à merveille. Cela explose en bouche. La bille rappellerait le goût d’un samosa, la soupe balance à merveille les saveurs orientales avec son coté herbeux et mousseux, le croquant des légumes apporte le coté croquant et sa sauce presque acidulée et salée a base de fruits de la passion est une merveille. A noter que Jean-Marc Montegoterro possède une huilerie dans le Beaujolais où il sélectionne les meilleurs fruits secs pour en extraire l'huile de façon entièrement artisanale. Le résultat est que chacune des huiles obtenues est très gouteuse et remporte auprès des professionnels et des consommateurs un réel sucés. Ici à la pistache pour apporter une touche suave.
Pour suivre, des queues de langoustine de « Guilvinec » juste saisies, fumet des têtes au pan massala, orge perlé aux fanes de radis, pastèque d'Espagne. Ces langoustines du Finistère étaient magnifiques, snackées à la perfection, intelligemment accompagnées d’une interprétation d’un risotto à l’orge et étonnement montées sur un morceau de pastèque bien sucré et chaud. Cela marche comme association! Mais le plus étonnant restera le bouillon qui est servi après déposes des assiettes. Un bouillon aux saveurs de pan massala. Le pan massala est en fait une friandise consommée en Inde ; une feuille de betel dans laquelle l’on ajoute différentes graines dont du fenouil et des bonbons sucrés. Ces mélanges étant souvent apportés avec l’addition dans les restaurants indiens. Le bouillon est légèrement doux et vous transporte dans une autre dimension. Il fallait vraiment y penser…
En plat principal, un morceau de cochon noir « Ibérique » dit (Pluma) mariné au paprika, sauté d’artichauts, roquette, parmesan et pignons de pins, jus court au chorizo. Deux brochettes de porc grillé au goût épicé sans être fort que l’on découpe et trempe dans le jus. C’est goûteux et en adéquation avec les précédents plats. Le seul reproche étant le décor de taches sur l’assiette qui se voudrait être le reflet du coté « chaud et artistique » de l’Espagne selon le maitre d’hôtel. Une assiette épurée dans son dressage aurait été plus judicieux selon nous. A noter à ce moment la que ce maître d’hôtel nous suggère une rencontre par la suite avec le cuisinier.
Nous continuons avec les fromages au lait cru (Fromager Affineur GIROUX) et green massala qui s’avère être la première déception de la soirée. Une assiette de fromages avec une confiture d’épices, certes bonne et quelques graines. Ma déception vient du fait que ce massala est un mélange d’un grand nombre d’épices et d’herbes provenant d’Inde. Celui-ci devant être composé de cardamomes, clous de girofle, fenugrec, curcuma, gingembre frais, menthe, coriandre fraîche, piments verts, d’ail, de vinaigre et d’huile de sésame. Rien de cela ici…
Premier dessert avec un clafoutis aux framboises et aubergines confites, crème glacée à la fleur de sel, grain de poivre de « phù quoc » et menthe fraîche. Voila un dessert très prometteur rien que par ces étonnantes associations et le poivre noir réputé du Vietnam au nez épicé et boisé avec des notes très chaudes. Malheureusement, c’est un peu fade, la consistance un peu lourde. Quelque chose manque à ce dessert.
La compotée d’abricots au basilic, anglaise au goût de miel, crumble pain d’épices et sorbet poivrons verts est une pure merveille par contre, un dessert mémorable qui surprend par son goût sucré et celui légèrement amer du poivron vert. A nouveau le jeu des saveurs est de l'alchimie.
A ce moment la femme du chef vient à notre table et nous demande si tout se passe bien. J’ai plutôt l’habitude de complimenter quand je trouve une cuisine admirable mais aussi de partager ma déception si un plat me semble manquer un peu d’équilibre, tout cela toujours avec respect pour le cuisinier. Nous avons eu droit a un comportement plutôt désagréable de cette dame qui nous a simplement fait comprendre que certaines personnes aimaient beaucoup ce clafoutis et non le second qui suivi (la compotée d’abricots), et indirectement nous fait savoir « que nous ne devions pas avoir compris grand-chose » à ce premier dessert. De plus son discours fut également que le « chef n’écoute pas les remarques et n’en fait qu’a sa tête.. ». Une attitude fort peu commerciale, qui dessert je trouve le chef et qui ternit un repas… Quand on ne comprend pas ce que signifie « service et écoute » de la clientèle, on s’abstient de servir en salle selon moi... même si on est la femme du chef.
Le service n’est finalement sommes toute pas assez professionnel, car l’eau ne nous a jamais été apportée, le vin pas toujours servi de manière continuelle, la disparition au moins 20 minutes du maître d’hôtel en fin de repas et l’apparition épisodique et peu joviale de la femme du chef en salle, et pour fini le chef que l’on n’a jamais rencontré…(probablement nous avons été punis), me laisse penser que tout cela est fort dommage surtout que la salle n’était pas comble.
Malgré tout, c’est un endroit plein de charme, un peu jardin d’Eden, un peu conte de fées, avec un chef qui a de l’audace pour offrir une telle cuisine aussi gourmande avec des saveurs vraiment décomplexées. J’applaudis à nouveaux cette créativité qui me fait penser que Cyril Laugier est un vrais génie dans sa catégorie et que pour 60 Euros (aujourd’hui), on ne peut pas s’attendre non plus à un service de trois macarons. Allez-y vite avant que les prix grimpent !
Libellés :
Auberge du Paradis,
France,
Saint-Amour-Bellevue
Pays/territoire :
Le Plâtre Durand, 71570 Saint-Amour-Bellevue, France
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