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jeudi 11 février 2016

Neptüne, Genève



Cela faisait un moment que je n’étais pas revenu au « Neptüne » alors que j’avais été grandement impressionné par la prestation de Nicolas Darnauguilhem lors de ma première visite l’année dernière. Une table non conventionnelle qui propose une cuisine contemporaine plutôt éloignée des standards genevois, avec une utilisation sublimée des produits locaux et des assiettes de très haut niveau.


Cette fois-ci non pas un repas le soir mais un lunch avec un ami tout aussi enthousiaste.  Une surprise que de trouver un déjeuner avec entrée, plat et dessert à 39 CHF et à 48 avec une seconde entrée. Tous les intitulés étant fort attirants, nous voici partis pour un voyage comme seul cet établissement sait le faire à Genève.


Egalement un peu inattendu pour un repas de midi, de démarrer avec une série de petits amuses bouches joliment présentés sur une planche en bois et une serviette blanche.


Une rondelle de navet avec une crème de laitue de mer, plutôt frais, croquant et une subtile touche iodée puisqu’il s’agit d’une algue marine. Des macarons au fromage de chèvre, croustillants et agréables. Un rouleau de betterave séché farci au fenouil qui étonnement pourrait rappeler une sucrerie car la racine est presque caramélisée et pourrait rappeler un bonbon.


Et sur le côté un bricelet avec un mélange de fromage de brebis et noisettes si je me rappelle bien. Fantastique consistance, légèreté et farce plutôt subtile.


Nous commencerons avec une très belle assiette, l’Œuf parfait, persil, blettes. Première observation, la vaisselle est vraiment très intelligemment choisie car met en valeur la composition de l’assiette. Et je dis composition car rien n’est laissé au hasard. L’œuf parfait est plutôt un plat à la mode qui « bouscule » l’œuf mollet. Cuit à 63 degrés, il est « parfait » car plus tendre et plus onctueux que sa version dure mais plus ferme que l’œuf mollet. Le blanc est encore tremblant et le jaune crémeux est coulant. Ici les côtes de bettes (blettes en France) semblent juste être blanchies quelques secondes, la crème de persil est absolument merveilleuse et agrémentée d’une étonnante et parfaite chapelure aillée qui apporte une touche encore plus gourmande à l’ensemble. Sur le côté une crème je crois de cèleri (à confirmer) qui ajoute une structure crémeuse additionnelle au tout.  Cette assiette « n’est qu’un œuf » mais c’est là que l’on apprécie la touche créative du chef qui nous émerveille avec cette recette.


Seconde entrée avec un poisson ; la féra accompagnée de poireaux et un bouillon de poireau. J’avais déjà observé lors de ma première visite, la volonté de Nicolas de nous faire apprécier les produits tels qu’ils sont, sans fioritures, sans ajout de saveurs qui écraseraient le goût de ce poisson de notre lac qui est d’une extrême finesse. Poché, accompagné de jeune poireaux intentionnellement brulés mais une très belle surprise avec ce bouillon qui lui aussi est très léger avec à nouveau un goût entre brulé et plutôt caramélisé. Un plat où le plait à redécouvrir le goût de ce poisson souvent malheureusement recouvert de beurre ou de citron n’amenant aucune valeur. Un retour vers l’essentiel. J’oubliais la porcelaine qui pourrait rappeler une voie lactée…


En plat principal Nicolas nous amène la Volaille des Dombes, cèleri, panais. Il nous confie qu’il apprécie à midi proposer des cuisines peut-être plus évidentes et traditionnelles. Toujours est-il que je serais ravi de manger un tel plat quotidiennement car préparer une volaille de cette manière est un réel exploit.  Parfaitement cuite et découpée en tranches épaisses et accompagnée de cèleri en morceau et d’une crème de panais. Là où la différence se fait avec une simple volaille c’est cette ajout de câpres et d’olives avec peut-être une touche de citron, conférant au tout un côté légèrement acidulé parfaitement équilibré. Et sur le dessus un peu de fraicheur avec entre autre de la coriandre fraiche et du cerfeuil. 


Et pour terminer, une Crème de marrons, amandes. Je ne m’imaginais pas trouver un tel dessert car c’est peut-être la première fois que je mange une crème de marron aussi aérienne qui est siphonnée au dernier moment à côté d’une glace aux amandes point trop sucrée.  Et pour la touche croquante, une nougatine brisée avec un peu de sel. Un dessert léger et gourmand.


Avec ce repas, un fantastique vin que celui de Julien Peyras, Le Tarral 2012, vin naturel à base de grenache, carignan et syrah.


Un repas absolument parfait qui me fait dire que c’est probablement la plus belle table de Genève dans le style innovateur, épuré, et axé sur les saveurs de base de chaque produit. Une prestation inégalée avec un prix absolument stupéfiant tenant compte de la qualité des assiettes et du service.

mercredi 18 mars 2015

Neptüne, Genève




Qu’on le crie haut et fort…Enfin quelque chose se passe à Genève dans la restauration et quelque chose de nouveau et de non pas poussiéreux ou de totalement suranné qui ne résisterait pas après quelques grosses vagues… Nicolas Darnauguilhem est de retour… Certes la plupart des habitants de la cité de Calvin n’auront peut-être jamais entendu parler de ce monsieur mais ce dernier est presqu’une star en Belgique où il a su bouleverser pendant plusieurs années la scène culinaire Bruxelloise à Ixelles. C’est aussi sans oublier les « foodistes » de tout genre ne font que de parler de lui sur la toile car ce n’est pas un chef comme les autres.

Malgré son exode pendant quelques temps au pays des « bons mangeurs » et dieu-sait ce que les belges m’ont toujours impressionnés par leurs très bons goûts culinaires et surtout l’impressionnant nombre de tables de haut vol que l’on trouve dans le plat pays, Nicolas Darnauguilhem est presqu’un « gars de chez nous »… Un jeune Savoyard qui pour la petite histoire est passé par le Costa-Rica pour travailler dans une réserve naturelle et qui en suite a fait ses études à l’École Hôtelière de Genève.

Si l’on suit son parcours, on s’apercevra que son parcours Bruxellois est plutôt amusant ou je devrais dire peu commun. Une ancienne boutique de parapluies reconvertie en bar à vin et par la suite en restaurant avec un peu plus de vingt couverts.  Le « Neptüne » à Bruxelles figurait sur la liste des tables que je souhaitais « faire » et voilà pas que celui-ci ferme il y a peut-être une année et s’installe dans la cité de Calvin !

Sans connaître ce chef, ce qui me plait immédiatement à l’époque, c’est le personnage qui ne se cantonne pas seulement à officier dans son établissement mais aussi à participer à des repas évènementiels de « quatre mains » ou même plus, et ce que l’on appelle les « pop up », repas d’une soirée ou deux…  Et ce ne sont pas ses partenariats qui me laissent indifférent car on y retrouvera dans le désordre Paco Moralès une des étoiles montantes espagnoles, l’excellent Christophe Dufau des « Bacchanales » de Vence, le génial Sanghoon Degeimbre de « l’Air du Temps » près de Namur pour ne citer que quelques références qui tout de suite démontre l’ouverture d’esprit et surtout le style de cuisine que devrait offrir Nicolas dans son nouvel établissement.

Un établissement ouvert hier… dans un quartier qui m’inspire car cela a toujours été ici que quelque chose de différent se passe à Genève. Que cela soit dans le passé le « New Morning », ou alors le « Bâtiment des Forces Motrices » dans un style souvent classique et « l’Usine » pour son côté alternatif. Une table « dans le centre », dans presqu’une enclave genevoise où l’on ne se serait pas imaginé trouver un tel établissement. Une fantastique idée qui risque de faire des petits dans ce quartier… qui pourrait bien se transformer dans l’idée en quelque chose de presque New-Yorkais…

Je me rappelais avoir vu de très belles assiettes à l’époque d’Ixelles et même fût surpris de trouver parfois des ingrédients bien connus de notre contrée comme par exemple la Fera, ou alors le Cardon, ainsi que l’utilisation d’herbes sauvages. D’ailleurs le site qui semble être en construction   affiche clairement que l’on trouvera ici des « Nourritures Alpestres »… 

C’est donc en début de rue de la Coulouvrenière que vous trouverez « Neptüne » avec de grandes fenêtres opaques entourées de cadres métalliques noirs et juste un sigle pour indiquer le restaurant. L’établissement encore peu connu aujourd’hui est également indiqué par une table sur laquelle se trouve une bougie.


A l’intérieur une salle plutôt assez moderne et fonctionnelle, très épurée qui peut étonner dans un premier temps mais qui tout au long du repas me semblera parfaitement en harmonie avec la cuisine et les idées du chef. Des tables blanches dressées élégamment.


Sur l’un des murs, un tableau qui semble être en construction, réalisé par un artiste local. Il y aurait presqu’une ambiance un peu zen dans cet établissement.



Au fond la cuisine ou le chef et son second opèrent.




Le soir un choix de deux menus, le premier à 86 CHF et le second à 136 CHF avec aussi une possibilité de prendre chaque plat individuellement. Menus qui changeront très fréquemment selon les inspirations du chef mais aussi des produits de saison.

Sans aucune hésitation je recommande de prendre un menu et contrairement à mon habitude qui consiste dans mes billets à donner un avis général à la fin, il me semble adéquat cette fois-ci d’expliquer certaines choses au préalable. Je n’avais pas vraiment une idée très précise de ce qui allait m’être servi et encore moins sur le type d’assiettes. Je suis ressorti de chez « Neptüne » en me disant que cette cuisine avait été pour moi une révélation. Pas de ressemblance avec aucun autre chef de France ou de Navarre, pas d’artifices superflus ou de techniques ultra-compliquées type « techno-émotionnelles ». Des assiettes où l’on redécouvre la saveur des aliments, où l’on trouve des associations souvent basées sur des jeux de légumes, des assaisonnements que je qualifierais de minimalistes afin de se concentrer essentiellement sur le goût des produits.  Les menus proposent donc une histoire et peut-être que de ne déguster qu’un plat ou deux ne permettrait pas totalement de comprendre le concept de cette cuisine qui propose des plats réalisés avec des produits locaux de l’arc lémanique.

Le pain servi aujourd’hui provient des « Merveilles du pain »  de Saint-Julien-en-Genevois est comme d’habitude exceptionnel mais dans le futur il sera fabriqué sur place.


Première entrée avec « Betterave, betterave ». Une déclinaison en trois textures ; en purée sur le dessous, en cubes et en tuile. Un assaisonnement assez léger sur le dessus avec de la dent-de-lion pour apporter une touche de fraicheur printanière.  Un très beau visuel, des textures en bouche très plaisantes. Certains auraient préférés un côté plus tonique en bouche car c’est une assiette assez neutre.


Nous poursuivrons avec un consommé de bœuf navet. Dans l’assiette un peu de ricotta fraiche complétée par une sauce herbacée. Sur le dessus de fines lamelles de navet qui ont peut-être été rapidement attendries avec une cuisson vapeur et ensuite le bouillon est versé sur le dessus au dernier instant. C’est un plat très fin où l’on découvre le goût du légume, le côté lacté du fromage agrémenté par cette sauce verte très fine. Le consommé permet de lier le tout et de jouer avec diverses textures. 


La féra verte sera l’un des plats qui m’aura fait une grande impression. Le filet est cuit probablement à basse température ; le poisson est recouvert d’une sauce d’épinards et le tout est entouré d’une huile de persil. Ce plat est essentiel car l’on ne masque pas le goût si fin de la féra, les épinards en sauce relève subtilement le poisson, l’huile apporte une touche suave. La nature dans l’assiette.


Pour suivre, la bisque d’écrevisses au cerfeuil. Une magnifique association plutôt audacieuse mais très réussie avec ces écrevisses du lac Léman, une endive braisée découpée en tronçons et au-dessous un hachis d’herbe où l’on retrouvera cerfeuil, ciboulette et ail. L’association crustacée, légère amertume et herbes est parfaite. Une très belle création car a priori on ne se serait pas imaginé que « cela fonctionne » ! On notera une fois de plus l’utilisation de produits locaux plutôt rares.


Le tartare de Simmental au céleri rave est une autre très belle réinterprétation de ce plat souvent servi. Mais ici la viande est magnifique avec un rassissement de 60 jours qui confère à celle-ci un goût de noisette ; la crème de céleri et  les fines lamelles sur le dessus complètent parfaitement le tout.



Un très gouteux plat principal avec le coffre de canard, pommes de terre et échalotes. Le filet est doré sur l’extérieure, la viande est encore rosée, tendre. L’ajout d’échalotes rôties et certaines vinaigrées apportent un élément important au plat. La purée de pommes de terre montée à la crème et beurre est parfaite.  Un plat qui pourrait sembler simple mais d’une très grande précision.


Un premier dessert appelé verveine-tilleul qui pourrait rappeler « le trou normand » car l’idée consiste à « nettoyer le palais ». Un granité d’une très grande fraicheur pas trop sucré, un sirop de tilleul dans lequel on a ajouté une touche de miel. Des associations à nouveau très subtiles qui nous préparent au dessert final.


Le « Sarrasin et pomme ». Une fine purée de ce fruit, un biscuit croustillant réalisé avec ces grains très parfumés et une crème glacée qui m’a rappelé le goût du foin mais réalisée également avec sarrasin mais aussi de l’avoine. Un dessert que je qualifierais de très terrien mais aussi très léger.


La cave propose une sélection de vins choisis. Nous commencerons par un excellent Pouilly Fumé 2013 de chez Jonathan Didier Pabiot avec des équilibres acidité/sucre parfaitement maîtrisés.


Magnifique découverte avec le Domaine Clos du Rouge Gorge Côtes Catalanes 2012. Un vin biodynamique très élégant, bien structuré et d’une grande finesse.


Le service assuré par deux personnes est délicat et vraiment professionnel. 

Un repas vraiment surprenant, différent, courageux car sans concession avec des foisons d’idées. La cuisine de Nicolas Darnauguilhem se veut être touchante, nature, sans artifices mais avec des palettes de saveurs nettes. On voyage dans la nature, on redécouvre les goûts essentiels de certains aliments comme déjà les légumes mais aussi viandes et poissons. Pas ou peu de sauces qui masquent, pas ou peu de graisse. Tout est minutieusement cuisiné pour se remémorer les saveurs de bases de produit. 

Dans le futur nous risquons (et espérons) que l’on voie l’ouverture d’un laboratoire de recherches attenant au restaurant afin de ré-explorer les produits régionaux, des repas type « pop up » avec les amis cuisiniers de Nicolas, et même peut-être un restaurant d’altitude en été pour être près des montagnes qui lui sont chères.

Une nouvelle et exceptionnelle table à Genève qui chamboule la donne et dont l’avenir est plus que prometteur. Fort à parier que « Neptüne » va rapidement se trouver dans le peloton de tête des meilleures tables du canton…si pas la meilleure dans son style…