lundi 30 septembre 2024

Glug, Barcelone

 

L’une des plus belles découvertes de cette année avec cette nouvelle entrée dans la scène gastronomique Barcelonaise avec beaucoup d’originalité. Glug Bar n’est pas un bar au sens propre du mot mais un concept assez innovant et pour cette raison, l’adresse a immédiatement fait le buzz dans la scène de la restauration.


A la tête de ce restaurant et bar à vins, Beatrice Casella de Turin et Iván García Bosch de Catalogne. Deux chefs aux impressionnants parcours ce qui expliquera la très grande maitrise de leur proposition culinaire. Béatrice après l’Italie a travaillé avec Heston Blumenthal en Angleterre, puis à Barcelone chez Xavier Pellicer, ensuite en tant que chef pâtissier chez Tickets et cheffe de cuisine chez Hisop. Iván lui a travaillé chez Disfrutar, Els Garrofers,  Aürt et comme second chez Direkte Bokeria. Un cursus exemplaire qui expliquera pourquoi ce repas fût exceptionnel dans son genre.


Ces enrichissantes expériences faites, ils décidèrent de s’associer afin d’ouvrir ce concept et je parle de concept car ce n’est pas un restaurant au sens classique du terme. Pas réellement de grandes tables mais plus un long comptoir carrelé le long duquel l’on mange, mais non plus pas dans un style japonais où généralement c’est un peu étriqué mais plus comme chez un Aürt où d’ailleurs comme précédemment dit, Iván travailla. De l’espace il y en a, on peut bien évidemment voir les dressages, mais la cuisine principale se trouve à l’arrière.


Alors peut-être tout de même un peu compliqué de venir à quatre ou plus, bien que j’aie pu observer que l’une des extrémités de ce comptoir avait été aménagé en conséquence et qu’il y ait une table plus grande dans le fond à gauche mais c’est à confirmer à la réservation. En tout cas en couple ou même seul, c’est parfait et même confortable car souvent les chaises hautes dans différents endroits, c’est un peu galère.




Les tons de cette salle vont du gris au rouge sang de bœuf, c’est plutôt assez original. Trois ilots, deux petites tables de jardin et une banquette. Puis le jukebox où parai-t-il l’on peut jouer la musique que l’on aime.


Si l’on pensait que le nom de cet établissement est lié aux chats de Philippe Geluck…eh bien pas du tout. Il s’agirait plutôt de l’onomatopée que l’on fait lorsque l’on boit et bien entendu ici du vin. Vins d’ailleurs comme l’une des principales offres, axée sur le naturel et un certain nombre de vins étrangers. Vins au verre et bières artisanales. Il convient de mentionner que Glug est aussi un hommage à Rubio, le chat blond, avec qui les deux chefs ont plaisanté en disant que lorsqu’ils ouvriraient un restaurant et le mettraient comme maître. Il nous regarde tous, amical et enjoué, pour toujours, depuis le logo du restaurant.


Avant d’ouvrir Glug il y a quelques semaines, ils ont travaillés ensemble pendant un certain temps en Italie, un pays auquel ils font un clin d’œil dans le menu court et suggestif. La proposition culinaire est un peu dans l’esprit d’un Agreste, avec ce subtil mélange de plats méditerranéens provenant non seulement d’Espagne mais aussi donc d’Italie. D’intelligentes associations, des clins d’yeux très malins. Ce n’est donc pas une carte avec d’un côté des plats de la Botte et de l’autre des plats Catalans, mais une intégration de haut vol comme nulle-part ailleurs. Les chefs raisonnent que les plats soient la somme de leurs trajectoires et de leurs expériences gastronomiques. Il y a des ingrédients italiens et des recettes italiennes classiques qui ont également revisitées et mélangées avec d’autres, et l’inverse pour des recettes espagnoles. Sans oublier que l’offre gastronomique est basée, avant tout, sur des produits de saison. Tout est tapas ou rations comme l’on dit ici, des assiettes qu’il est préférable de se partager.



Petite carte mais oh combien intéressante, par exemple cette impressionnate salade russe à l’anguille fumée. Tout d’abord pour une fois la mayonnaise est légère, a du goût ce qui est très rare dans cette préparation d’une incroyable banalité. Puis l’anguille que je supposer venir du Delta de l’Ebre est délicieuse et change bien évidemment de la ventrêche de thon si cela en est. Sans oublier un filet de mayonnaise retravaillé à la sauce soja.


Les gambitas bravas qui est une réinterprétation des bravas mais réalisée avec ces crevettes tellement délicieuses que l’on trouve en Andalousie et qui servent à la préparation des tortillas de camarones. Vraiment une saveur intense, croustillantes et bravas car accompagnée des fameuses sauces accompagnant les pommes de terre.


Des pates froides, ventrêche de thon, figues et ajoblanco. Un autre clin d’œil à l’Andalousie pour le thon et la sauce, mais l’Italie pour les pâtes. Les associations fonctionnent, le zeste d’orange amène encore un dimension et en fait un plat délicieux.


Un magnifique pâté en croûte d’aubergines blanches et pistaches, cornichons, moutarde fermentée, tomates vertes romesco et demi-glace de légumes. Une sorte de trompe l’œil  qui séduira tous les végétariens. C’est vraiment bluffant comme pâté.


Des boulettes de lapin, sauce au chocolat, grué, piparra et fenouil de mer. Sauce très concentrée pour ces albondigas mais ceci est compensé par des rillettes qui seraient aussi parfaites servies tartinées sur un toast croustillant.




Un impressionnant dessert autour du concombre d’une incroyable légèreté. Une association de pesto de roquette, granité de concombre, glace au lait de brebis et fruit de la passion. Un dessert idéal pour rafraîchir le palais, mais avec une complexité désarmante.


Le dessert devenu en peu de temps le classique de la maison, le Petit Glug, biscuit glacé accompagné d’u coulis de prune amenant une touche d’acidité au dessert un peu doux.



Comme vin de la Bodegas Recuero un Calambur  Tinta Velasco Vendimia de 2018, vin rouge de la région de Tolède, frais et complexe du début à la fin issu de la viticulture traditionnelle sans sulfites ajoutés et sans filtration. Linéaire, direct mais juteux, avec des fruits, des fleurs, une pointe plus végétale et une acidité irréprochable.


En vin de dessert Amontillado Alexander Jules  3/10 November 2016, vieilli 18 ans (9 sous flor) et une continuation de la solera utilisée pour l’Alexander Jules Manzanilla 8/41 - donc le même vin, mais avec 9 ans supplémentaires de vieillissement oxydatif. Ce qu’on aurait appelé historiquement un Amontillado Fino (un jeune Amontillado), il a un pied dans son éducation à Manzanilla, l’autre dans son caractère oxydatif précoce. C’est le style de sherry le plus convivial. Fermentation spontanée et flor. 



Un concept « jamais vu auparavant » dans la capitale catalane, tant en termes de produit que de design.  Glug a su nous enthousiasmer comme rarement par cette cuisine sans cliché, rassurante mais aussi innovante, cette volonté de vouloir se démarquer de l’ordinaire des dernières ouvertures en ville, tout cela est bien rassurant d’avoir un renouveau culinaire en ville qui commence un peu à stagner.

dimanche 29 septembre 2024

Morro Fi, Barcelone

 

Pas une réelle découverte mais quand même puisque c’est la dernière ouverture de Morro Fi en ville. Pas sur de me rappeler quand mais cette adresse m’était inconnue alors que je pense être allés dans toutes les autres sauf celui de Diagonal.

Un autre établissement qui a également pignon sur rue un peu comme un petit atelier ou garage.  On pourrait même considérer cet endroit « comme un trou dans un mur »…semblable à celui de Consell de Cent.


Le modèle ne change pas, toujours un sympathique coin pour prendre leur vermouth et grignoter quelques accompagnements. Vermouth ou bien entendu bière et vins.



Toujours sur de passer un très bon moment dans cette vermouteria où qu’elle soit en ville.






L'Horta, Tavertet

 

Voici probablement l’un des endroits les plus étranges que j’ai pu visiter ces dernières années et d’où je suis sorti sans trop savoir quoi penser de l’expérience vécue. Tout d’abord Tavertet c’est au bout du monde…dans les montagnes ou collines et on n’y va vraiment que pour probablement deux raisons principales. Tout d’abord faire des balades et être un amoureux de la nature, faune. Ou alors se rendre dans cet établissement qui va demander une sacrée ouverture de l’esprit. Mais commençons par le début…


Le chef Jordi Coromina est considéré comme étant l’un des plus talentueux de sa génération et a décidé d’ouvrir son restaurant dans ce village d’environ une centaine d’habitants. Plusieurs fois nominé comme par exemple « Révélation de l’année 2020, son restaurant est probablement l’un des paris les plus audacieux et les plus insolites de la scène culinaire rurale.


Un défi qui semble se moquer de la tradition du territoire pour ensuite rendre hommage à ses origines et servir l’identité de celles-ci dans sa cuisine.  Si l’on analyse son approche de la gastronomie, cela sera de préparer l’inattendu avec le produit attendu. Par la je veux dire que les ingrédients connus seront proposé de manière parfois insolite en proposant des combinaisons apparemment impossibles !


Jordi Coromina possède un remarquable parcours avec tout d’abord un séjour en Angleterre, puis chez Nandu Jubany pendant plusieurs années. Il nous raconte qu’ensuite il est parti en Scandinavie chez Frantzen et Relae, puis chez Kobe Desramaults du remarquable In De Wulf qui a fermé depuis. Donc des références de haut niveau qui laissent penser que quelques influences seront bien présentes de ce type de cuisine du Nord de l’Europe. Et c’est en 2016 qu’il s’installa dans ce village.


Ce qu’il faut aussi réaliser, c’est que Jordi a aussi probablement été grandement influencé par le Japon ayant travaillé chez Effervessence à Tokyo ; le symbole de L’Horta étant le cercle japonais appelé « enso ».


Clairement si l’objectif est de désorienter la clientèle cela sera fait naturellement et avec une déconcertante aisance. Une fierté sans aucun doute pour la région et une sorte de luxe pour ceux qui en profitent, soulignant le caractère unique de la proposition lorgnant quelque part vers les notions de pureté, de ce qui est zen, entre Scandinavie, Japon et Catalogne.


Ici les produits seront traités avec respect et pseudo simplicité, accordant beaucoup d’importance aux légumes. Ce chef dirige donc son établissement avec son propre jardin qui, bien que non végétarien, accorde une attention particulière à la cuisine verte. Une cuisine minimaliste qui est proposée de manière sporadique car l’établissement ne semble ouvrir que lorsqu’il y a des réservations. Par bonheur celles-ci sont réalisables avec un des sites de réservations en ligne, donc a priori vous saurez quand vous pourrez venir.


Réservation un dimanche soir…comme quoi tout est possible… Pas facile de trouver le lieu car ce n’est pas des mieux indiqué. Une ferme, une enseigne non éclairée, on peut se demander le soir si l’établissement est ouvert. L’Horta était à l’époque le bar de ce village et a conservé des photographies des habitants.

Une fois à l’intérieur on monte au premier niveau et arrivons dans une salle sombre au décor sans vraiment de décor… un incroyable silence car ce soir nous sommes la seule table et le chef n’est là que pour nous !

Cuisine au fond de la salle, bar sur un côté, et quelques tables le long des fenêtre avec des étagères de rangement pour bouteilles d’alcool au centre.

Jordi propose un menu de saison à 98 euros qui est une dégustation, mais vous ne trouverez pas de menu imprimé et n’aurez aucune idée de ce que vous mangerez. Probablement que les recettes s’imaginent en fonction de la disponibilité des produits et de ses humeurs. Parfois même on pourra se demander s’il ne s’agit pas d’une sorte d’improvisation de dernière minute comme si les ingrédients se mettaient à se parler entre eux.

Ses plats ne sont pas particulièrement dressés avec comme objectif d’être instagrammables si vous voyez ce que je veux dire. Cela n’a visiblement aucun intérêt pour le chef. La recherche c’est la simplicité et l’improbable association de certains éléments. Le chef propose des plats avec peu d’ingrédients, qui semblent pointer dans la direction du minimalisme nordique et de la tradition kaiseki. Il s’engage à mettre l’accent sur les textures, croquantes ou douces, et se déplace dans différentes gammes de saveurs, du sucré et acide au plus neutre.

Vous aurez donc un défilé de plats qui viendront seulement présentés au dernier instant, le chef faisant l’aller-retour entre s cuisine et votre table.

Pour commencer, quelques moules de bouchot servies dans une coupelle.


Une tranche de pain campagnard servie avec une excellente huile d’olive de la Cooperativa del Campo de Nalec, première pression à froid, non filtrée.


Une tomate prune dans une sauce à base d’huile d’olive et de vinaigre.


Un mélange de deux concombres, le premier frais et le second fermenté sur un peu de yaourt.


Des lamelles de calamar sur des champignons poêlés et du choux kale.


Je sais qu’il y avait sur ce plat une sauce aux pignons mais plus de souvenir de ce qu’il y avait en dessous.


Un plat qui ne m’aura pas laissé un souvenir maquant et une association pas franchement heureuse avec du choux rouge, de la betterave crue et un tartare de crevette, cela manquait singulièrement de saveur.


Une poêlée de chanterelles avec un voile de lard.


Un plat central des plus étrange car il s’agit de pintade juste saisie qui aurait mariné dans une préparation a base de koji. Ferment ou micro-organisme utilisé au Japon pour produire des aliments fermentés tel que le saké, le miso et la sauce soja, est utilisé au Japon depuis plus de 1 000 ans et a récemment suscité l'attention pour ses merveilleuses propriétés saines et embellissantes. La volaille est quasiment crue en son centre, la peau est croustillante. Difficile de se faire un avis car c’est plutôt bon mais dérangeant.


Accompagné d’une magnifique salade d’herbes du jardin.


A nouveau une tomate prune mais en dessert avec une extraction vanillée.


L’autre dessert est peut-être le plus déroutant qu’il m’ait été donne de donner de manger, un cœur de laitue farci avec une crème et un peu de caramel liquide. Pas sur de quoi penser.


Un choix de vin pas simple mais sur la recommandation du chef, un Masia Cal Salines Subirat Parent 2017, vin blanc du Penedes.


C’est clairement un style audacieux, personnel et inclassable. Loin d’être baroques, ses plats sont austères combinent peu d’ingrédients, mais les éléments principaux et secondaires se marient parfois avec succès. Je dis parfois car certains plats auront été plus lumineux que d’autres, certains me laisseront pensif.