samedi 17 novembre 2018

Niño Viejo, Barcelone


Lorsque l’on a eu la chance de voyager au Mexique ou d’apprécier cette cuisine dans des tables réputées, on devient de plus en plus méfiants de ce qui est proposé chez la plupart des Mexicains car très souvent ce n’est pas de la cuisine Mexicaine mais une sorte d’interprétation un peu cliché ou alors du Tex-Mex, ce qui n’a que peu de réelle relation avec une cuisine traditionnelle et qui de plus pourrait être régionale. Après quelques tentatives à Barcelone, je dois dire que je n’ai jamais été très impressionné par les prestations car c’est souvent à la limite quelconque pour ne pas dire autre chose. Etant allé chez l’excellent « Hoja Santa » de Albert Adria, je n’étais pas encore allé dans l’établissement à la même adresse qui lui s’appelle « Nino Viejo ». Même si c’est le « même patron » et de plus la même entrée mais avec des salles différentes, on ne parle pas du tout du même genre de cuisine. Le premier est un voyage gastronomique autour de la cuisine Mexicaine revisitée. Le second, donc « Nino Viejo » est plutôt une classique taqueria.


Une taqueria est généralement ce que l’on trouve un peu partout au Mexique, un établissement plutôt populaire qui sert principalement diverses sortes de tacos et aussi quelques autres plats appelés « antojitos » qui signifie « entrées » ; du « street food » que l’on mange rapidement et de manière informelle, qui se trouvent couramment sur les marchés mexicains et qui sont principalement disponibles tout au long de la journée.


Donc une fois la porte passée, s’être annoncés à côté du bar, cela sera à gauche que vous irez, dans la petite salle à coté de l’autre restaurant.  Vue directe sur la cuisine avec une très jolie et authentique décoration. Faïences, lumières vives, grosse activité derrière les fourneaux, visiblement on ne chôme pas ici. D’ailleurs réservation à l’avance obligatoire sur leur site.





Une toute petite salle en longueur avec peut-être maximum une vingtaine de couverts, d’un côté le bar où l’on peut aussi manger et de l’autre un écran TV pour accentuer le côté simple et populaire, mais si ce que vous aurez dans l’assiette est loin de l’être. Plats du jour inscrits sur des ardoises, bouteilles d’alcool exposées en hauteur.







Vous serez probablement intéressés de regarder les petites assiettes sur chacune des parois, la plupart étant signées par de grands cuisiniers ou des personnes connues dans le monde de la gastronomie.


« Nino Viejo » comme je l’ai dit, c’est une taqueria mais ici tout est vraiment de haut niveau. Tout est fait sur place, aussi bien les tortillas que les sauces et bien entendu tous les plats sortant des cuisines. Et tout ceci avec les meilleurs produits qu’il soit. Pas du tout le même genre de cuisine que « Hoja Santa », donc ne vous attendez pas à trouver une version simplifiée de l’autre établissement, mais principalement les grands classiques de la cuisine de rue mexicaine, sans finalement trop d’invention mais cependant réalisés à la perfection. La carte est dans l’esprit d’une cafétéria avec sa couverture plastique et ses inscriptions colorées, les nappes elles-aussi sont en plastique avec ces imprimés de style Mexicain mais réalisés par la maison néerlandaise Kitsch Kitchen.


Compte tenu de l’endroit et de la qualité de la prestation, du service qui ici est professionnel, on pourrait estimer que les prix sont tout à fait raisonnables. Toujours faut-il réaliser que nous sommes dans un établissement tout de même réputé et non pas dans la taqueria de quartier où l’on mange à deux francs six sous. De plus certains des éléments de bases sont réalisés sur place tels que les tortillas et bien entendu nécessitent une plus grande main d’œuvre.

Cocktail pour commecer avec la parfaite Margarita appelés « Montjoi » comme à l’époque chez El Bulli. Clairement fantastique, parfumée, savamment dosée, avec le coté aérien sur le dessus en raison de la mousse et de ses zestes de citron vert. L’idée consistant à remplacer le sel sur le bord du verre avec cette mousse de sel !


Finalement cet autre cocktail traditionnel accompagna parfaitement le repas, la Michelada à base de jus de tomate, de bière et d'épices. J'aime penser à la Michelada comme à la version mexicaine d'un Bloody Mary, car ils sont souvent servis au brunch, ils sont tous deux vantés comme des remèdes de gueule de bois et ils ont tous les deux cette dose de jus de tomate. Mais au lieu de mélanger la boisson avec de la vodka comme un Bloody Mary, elle est mélangée à une bière mexicaine. Le tour de force c’est le dosage des épices telles que sauce tabasco ou équivalent, sauce Worcestershire, sel de céleri, citron vert, poivre etc… Une pure merveille ici.


Quelques très bonnes olives, a nouveau avec la touche d’assaisonnement différente.


Comme je l’ai dit, les plats sont classiques et trouvables n’importe où mais toujours réalisés à la perfection avec des ingrédients de première qualité. Le service est au petit soin, connait parfaitement chaque assiette et utile pour passer commande. Nous commencerons par le guacamole traditionnel sans tomate. Visuellement presque présenté comme un jardin zen mais on peut d’une manière ou l’autre critiquer cette version que j’ai trouvée un peu fade et une consistance pas tout à fait classique non plus. Mais là on entre dans les « goûts et le couleurs ».  Il y a probablement mille et une manière de préparer ce plat et après des dizaines et des dizaines au Mexique, chacun à sa préférence. Je le trouve celui-ci trop « en purée », un manque de ses tomates qui sont signalées comme absentes, mais cela manque aussi de coriandre et de jalapeno.


Ici tout ce qui est tortilla ou totopos est fait maison, c’est une des grandes différences avec beaucoup d’autres établissements. Totopos donc amenés pour le guacamole et excellents de surcroit.


Le sauces elles aussi sont « maison » et exceptionnelles. Trois variations, la « Salsa verde », la « Salsa de Chile de Árbol » et la « Salsa de Havanero ». Sauces traditionnelles mais utilisant diverses sortes de piments.  La « Salsa verde » avec des tomatillos et piments serrano, la « Salsa de Chile de Árbol », piment qui est d'abord vert et qui devient rouge à mesure qu'il mûrit, très puissant mais aussi très savoureux. Au Mexique, dans les taquerias et les restaurants, cette sauce est très populaire car elle se marie très bien avec les tacos au pastor et les viandes rôties. Et la plus puissante, la « Salsa de Havanero » souvent associée a de la tomate, parfaite pour la viande rôtie ou le poulet rôti. Bien que les piments habanero aient un score élevé sur l'échelle de Scoville, on peut la rendre moins fortes avec justement de la tomate. Les habaneros ont une saveur unique qui mérite d'être savourée, cela sans avoir l'impression que vous avez le feu dans la bouche !


Nous démarrerons avec une tostada de thon accompagnée d’avocat grillé. Croustillante tortilla de maïs frite réalisées sur place avec du thon d’une magnifique fraicheur, mariné dans une sauce à l’achiote, une pâte d’assaisonnement aux graines de roucou que qui est la plus utilisée dans cette cuisine maya. Un peu de zeste de citron vert, de la coriandre fraiche, des pignons, l’avocat un peu fumé, cette tostada est d’une très grande finesse.


Un premier Taco de poisson du jour typique de Basse Californie. Vous n’aurez probablement jamais mangé de tortillas aussi bonnes et même au Mexique, je ne me rappelle pas vraiment d’avoir eu un tel niveau de qualité. Bien entendu fabriquées sur place avec un maïs d’une irréprochable qualité et une réelle saveur, le poisson est frit, quelques fines lamelles de concombre marinées, un peu de sauce chipotle, de l’avocat. A nouveau vraiment unique !


Le célèbre et délicieux « taco Al Pastor»,  heritage arabe, malgré tout à base de viande de porc marinée aux piments secs et épices. Garni d’ananas, de sauce au coriandre, d’oignons et citron vert. Généralement reconnaissable dans les « taquería » parce que la viande est empilée sur une broche de telle manière qu’elle épouse une forme conique (un peu comme la viande à kebab) mais ici cela sera cuit avec le fabuleux four Josper.. Selon les régions du Mexique, le « taquero » peut vous servir la viande en y ajoutant un bout d’ananas comme d’ailleurs ici. L’association des deux saveurs est une vraie réussite.


Puis l’incontournable Cochinita pibil, effiloché de porc aux épices Maya. Ces épices sont en fait une pâte d’assaisonnement aux graines de roucou que qui est la plus utilisée dans cette cuisine maya. On peut la trouver prête à l’emploi sous le nom de « Achiote » comme déjà utilisée précédemment. Le terme « Pibil » fait référence à la méthode de cuisson. La viande, après avoir mariné dans une préparation à base de roucou, est cuite lentement sur des braises, dans un trou creusé à même la terre : le « pib ». J’imagine qu’il n’y a pas de trou dans le restaurant mais le résultat est probant…Une version inspirée de voyages a Yanuxah dans le Yucatan.


Servi avec ces fameuses tortillas de maïs.


Servi avec des haricots « frijoles » particulièrement onctueux. La garniture Pibil ici d’oignons rouges sur le dessus de la viande.


On préparera soi-même ces tacos avec les éléments précités.


Et comme dernier plat ou plutôt « antojitos », un pincho de ris de veau « alambre » qui signifie brochette et qui ont été rôtis avec une sauce barbeque à base de piment ancho. Une sauce « BBQ » avec ces piments Ancho, sans être les piments les plus épicés du monde, ont beaucoup de goût ; un peu sucré, un peu fumé et un peu terreux. Avec ces ris de veau grillé, c'est particulièrement bon. On pet aussi utiliser cette sauce pour les marinades.


Un repas de taqueria quasi irréprochable et probablement ce qu’il y a de mieux à Barcelone avec des saveurs nettes, des produits de grande fraicheur, des recettes connues mais parfaitement exécutées, énormément de gourmandise. Une superbe ambiance très décontractée, un service de bonne humeur, compétent et efficace, un cadre simple mais lui aussi très authentique. Une des meilleures taquerias d’Europe.

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