Lorsque l’on
a eu la chance de voyager au Mexique ou d’apprécier cette cuisine dans des
tables réputées, on devient de plus en plus méfiants de ce qui est proposé chez
la plupart des Mexicains car très souvent ce n’est pas de la cuisine Mexicaine
mais une sorte d’interprétation un peu cliché ou alors du Tex-Mex, ce qui n’a
que peu de réelle relation avec une cuisine traditionnelle et qui de plus pourrait
être régionale. Après quelques tentatives à Barcelone, je dois dire que je n’ai
jamais été très impressionné par les prestations car c’est souvent à la limite
quelconque pour ne pas dire autre chose. Etant allé chez l’excellent « Hoja
Santa » de Albert Adria, je n’étais pas encore allé dans l’établissement à
la même adresse qui lui s’appelle « Nino Viejo ». Même si c’est le « même patron » et de plus la même entrée mais avec des salles
différentes, on ne parle pas du tout du même genre de cuisine. Le premier est
un voyage gastronomique autour de la cuisine Mexicaine revisitée. Le second,
donc « Nino Viejo » est plutôt une classique taqueria.
Une taqueria
est généralement ce que l’on trouve un peu partout au Mexique, un établissement
plutôt populaire qui sert principalement diverses sortes de tacos et aussi quelques
autres plats appelés « antojitos » qui signifie « entrées » ;
du « street food » que l’on mange rapidement et de manière
informelle, qui se trouvent couramment sur les marchés mexicains et qui sont
principalement disponibles tout au long de la journée.
Donc une
fois la porte passée, s’être annoncés à côté du bar, cela sera à gauche que
vous irez, dans la petite salle à coté de l’autre restaurant. Vue directe sur la cuisine avec une très
jolie et authentique décoration. Faïences, lumières vives, grosse activité
derrière les fourneaux, visiblement on ne chôme pas ici. D’ailleurs réservation
à l’avance obligatoire sur leur site.
Une toute
petite salle en longueur avec peut-être maximum une vingtaine de couverts, d’un côté
le bar où l’on peut aussi manger et de l’autre un écran TV pour accentuer le
côté simple et populaire, mais si ce que vous aurez dans l’assiette est loin de
l’être. Plats du jour inscrits sur des ardoises, bouteilles d’alcool exposées
en hauteur.
Vous serez
probablement intéressés de regarder les petites assiettes sur chacune des
parois, la plupart étant signées par de grands cuisiniers ou des personnes connues
dans le monde de la gastronomie.
« Nino
Viejo » comme je l’ai dit, c’est une taqueria mais ici tout est vraiment
de haut niveau. Tout est fait sur place, aussi bien les tortillas que les
sauces et bien entendu tous les plats sortant des cuisines. Et tout ceci avec
les meilleurs produits qu’il soit. Pas du tout le même genre de cuisine que « Hoja
Santa », donc ne vous attendez pas à trouver une version simplifiée de l’autre
établissement, mais principalement les grands classiques de la cuisine de rue
mexicaine, sans finalement trop d’invention mais cependant réalisés à la
perfection. La carte est dans l’esprit d’une cafétéria avec sa couverture plastique
et ses inscriptions colorées, les nappes elles-aussi sont en plastique avec ces
imprimés de style Mexicain mais réalisés par la maison néerlandaise Kitsch Kitchen.
Compte tenu
de l’endroit et de la qualité de la prestation, du service qui ici est professionnel,
on pourrait estimer que les prix sont tout à fait raisonnables. Toujours
faut-il réaliser que nous sommes dans un établissement tout de même réputé et
non pas dans la taqueria de quartier où l’on mange à deux francs six sous. De
plus certains des éléments de bases sont réalisés sur place tels que les
tortillas et bien entendu nécessitent une plus grande main d’œuvre.
Cocktail pour
commecer avec la parfaite Margarita appelés « Montjoi » comme à l’époque
chez El Bulli. Clairement fantastique, parfumée, savamment dosée, avec le coté
aérien sur le dessus en raison de la mousse et de ses zestes de citron vert. L’idée
consistant à remplacer le sel sur le bord du verre avec cette mousse de sel !
Finalement
cet autre cocktail traditionnel accompagna parfaitement le repas, la Michelada à
base de jus de tomate, de bière et d'épices. J'aime penser à la Michelada
comme à la version mexicaine d'un Bloody Mary, car ils sont souvent servis au
brunch, ils sont tous deux vantés comme des remèdes de gueule de bois et ils
ont tous les deux cette dose de jus de tomate. Mais au lieu de mélanger
la boisson avec de la vodka comme un Bloody Mary, elle est mélangée à une bière
mexicaine. Le tour de force c’est le dosage des épices telles que sauce
tabasco ou équivalent, sauce Worcestershire, sel de céleri, citron vert, poivre
etc… Une pure merveille ici.
Quelques
très bonnes olives, a nouveau avec la touche d’assaisonnement différente.
Comme je l’ai
dit, les plats sont classiques et trouvables n’importe où mais toujours
réalisés à la perfection avec des ingrédients de première qualité. Le service
est au petit soin, connait parfaitement chaque assiette et utile pour passer
commande. Nous commencerons par le guacamole traditionnel sans tomate.
Visuellement presque présenté comme un jardin zen mais on peut d’une manière ou
l’autre critiquer cette version que j’ai trouvée un peu fade et une consistance
pas tout à fait classique non plus. Mais là on entre dans les « goûts et le
couleurs ». Il y a probablement
mille et une manière de préparer ce plat et après des dizaines et des dizaines
au Mexique, chacun à sa préférence. Je le trouve celui-ci trop « en purée »,
un manque de ses tomates qui sont signalées comme absentes, mais cela manque
aussi de coriandre et de jalapeno.
Ici tout ce
qui est tortilla ou totopos est fait maison, c’est une des grandes différences
avec beaucoup d’autres établissements. Totopos donc amenés pour le guacamole et
excellents de surcroit.
Le sauces
elles aussi sont « maison » et exceptionnelles. Trois variations, la « Salsa
verde », la « Salsa de Chile de Árbol » et la « Salsa de
Havanero ». Sauces traditionnelles mais utilisant diverses sortes de
piments. La « Salsa verde » avec
des tomatillos et piments serrano, la « Salsa de Chile de Árbol », piment
qui est d'abord vert et qui devient rouge à mesure qu'il mûrit, très puissant
mais aussi très savoureux. Au Mexique, dans les taquerias et les restaurants, cette sauce
est très populaire car elle se marie très bien avec les tacos au pastor et les
viandes rôties. Et la plus puissante, la « Salsa de Havanero » souvent
associée a de la tomate, parfaite pour la viande rôtie ou le poulet rôti.
Bien que les piments habanero aient un score élevé sur l'échelle de Scoville,
on peut la rendre moins fortes avec justement de la tomate. Les habaneros ont
une saveur unique qui mérite d'être savourée, cela sans avoir l'impression que
vous avez le feu dans la bouche !
Nous
démarrerons avec une tostada de thon accompagnée d’avocat grillé. Croustillante
tortilla de maïs frite réalisées sur place avec du thon d’une magnifique fraicheur,
mariné dans une sauce à l’achiote, une pâte d’assaisonnement aux graines de
roucou que qui est la plus utilisée dans cette cuisine maya.
Un peu de zeste de citron vert, de la coriandre fraiche, des pignons, l’avocat
un peu fumé, cette tostada est d’une très grande finesse.
Un premier Taco
de poisson du jour typique de Basse Californie. Vous n’aurez probablement
jamais mangé de tortillas aussi bonnes et même au Mexique, je ne me rappelle
pas vraiment d’avoir eu un tel niveau de qualité. Bien entendu fabriquées sur
place avec un maïs d’une irréprochable qualité et une réelle saveur, le poisson
est frit, quelques fines lamelles de concombre marinées, un peu de sauce
chipotle, de l’avocat. A nouveau vraiment unique !
Le célèbre
et délicieux « taco Al Pastor», heritage
arabe, malgré tout à base de viande de porc marinée aux piments secs et
épices. Garni d’ananas, de sauce au coriandre, d’oignons et citron vert.
Généralement reconnaissable dans les « taquería » parce que la viande
est empilée sur une broche de telle manière qu’elle épouse une forme conique
(un peu comme la viande à kebab) mais ici cela sera cuit avec le fabuleux four
Josper.. Selon les régions du Mexique, le « taquero » peut vous
servir la viande en y ajoutant un bout d’ananas comme d’ailleurs ici.
L’association des deux saveurs est une vraie réussite.
Puis l’incontournable
Cochinita pibil, effiloché de porc aux épices Maya. Ces épices sont en fait une
pâte d’assaisonnement aux graines de roucou que qui est la plus utilisée dans
cette cuisine maya. On peut la trouver prête à l’emploi sous le nom
de « Achiote » comme déjà utilisée précédemment. Le terme
« Pibil » fait référence à la méthode de cuisson. La viande, après
avoir mariné dans une préparation à base de roucou, est cuite lentement sur des
braises, dans un trou creusé à même la terre : le « pib ». J’imagine
qu’il n’y a pas de trou dans le restaurant mais le résultat est probant…Une version
inspirée de voyages a Yanuxah dans le Yucatan.
Servi avec ces
fameuses tortillas de maïs.
Servi avec des
haricots « frijoles » particulièrement onctueux. La garniture Pibil ici
d’oignons rouges sur le dessus de la viande.
On préparera
soi-même ces tacos avec les éléments précités.
Et comme
dernier plat ou plutôt « antojitos », un pincho de ris de veau « alambre »
qui signifie brochette et qui ont été rôtis avec une sauce barbeque à base de
piment ancho. Une sauce « BBQ » avec ces piments Ancho, sans être les
piments les plus épicés du monde, ont beaucoup de goût ; un peu sucré, un
peu fumé et un peu terreux. Avec ces ris de veau grillé, c'est particulièrement bon. On pet aussi utiliser
cette sauce pour les marinades.
Un repas de
taqueria quasi irréprochable et probablement ce qu’il y a de mieux à Barcelone
avec des saveurs nettes, des produits de grande fraicheur, des recettes connues
mais parfaitement exécutées, énormément de gourmandise. Une superbe ambiance très
décontractée, un service de bonne humeur, compétent et efficace, un cadre
simple mais lui aussi très authentique. Une des meilleures taquerias d’Europe.
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