mardi 12 juin 2018

La Niña de mis ojos, Barcelone


La fille de mes yeux ou plutôt « La Niña de mis Ojos », un nom plutôt étrange de restaurant mais en cherchant un petit peu, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une série télévisée vénézuélienne de 2001. Maintenant le rapport avec cet établissement, il faudra demander au personnel car je n’y ai pas pensé… Une nouvelle table qui propose selon les dires, une cuisine de marché avec un « twist » comme se plaisent à dire les anglo-saxons, à savoir quelque chose d’un peu original ci et là.


Ce qui frappe immédiatement à l’œil, c’est le côté architectural à l’extérieur qui laisse présager un décor et une structure inhabituelle dans la plupart des nouveaux établissements barcelonais. L’entrée laisse présager quelque chose de très différent, de très étudié, de contemporain mais aussi très intime. A l’entrée, une porte de verre, des jeux de lumières savamment placés, une petite table éventuellement pour une attente, on se réjouit d’entrer.


L’intérieur est dans le même état d’esprit et absolument délicieux. Petit couloir le long de la cuisine, quelques tables hautes probablement pour les déjeuners ou les amateurs. Toujours ces lumières parfaitement dirigées et surtout des matériaux plutôt peu fréquents comme des lattes de bois vertes et en relief comme revêtement du comptoir. Structures plafonnières métalliques, tissu jaune pour les chaises, c’est vraiment très plaisant.


On passera donc le long de cette cuisine très design, puis longera le bar avant de se trouver dans une des salles de l’établissement.



En cuisine, le chef Javier Muñoz Orobitg qui auparavant se trouvait chez « Masia Sant Cugat » et que l’on pourra voire ici face à son « green egg », ce qui laisse déjà entre-apercevoir que l’on utilise ici des techniques de pointe pour la cuisson des aliments.



La décoration est réellement à prime abord l’une des forces de ce nouvel établissement. C’est la très talentueuse compagnie « ESTUDIO MM Diseño de Interiores + Decoración » qui a été en charge de celle-ci. Le résultat est un design élégant, confortable et éclectique qui mélange différents styles, de sorte que l’on ne peut pas réellement les identifier. Un peu classique, un peu romantique, un peu moderne, un peu scandinave et même britannique. Un mélange vraiment judicieux.




Un premier étage avec une terrasse confortable et un sous-sol, avec une salle privée pour groupes. Nous serons donc placé dans la salle du fond sur cette chaude banquette recouverte de velour grenat. A relever que l’accueil fût chaleureux, respectueux et souriant.


Tables très joliment décorées, bouquet de fleur, photos sur les murs qui ont été réalisées par une artiste russe vivant en Thaïlande.




Lorsque l’on consulte la carte, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une proposition gastronomique dans l’air du temps. Une série de plats avec parfois des influences asiatiques et principalement japonaises. Non pas une cuisine fusion mais une utilisation à bon escient de certains ingrédients mais tout en conservant une identité espagnole et méditerranéenne pour chaque plat. Des assiettes qui a première vue semble familières mais lorsque l’on en lit les composantes, on se dit qu’il y a un certain nombre de très bonnes idées. Et pour patienter quelques edamame amenés à table.


Pour illustrer ce côté assez inventif, nous commençons par cette bouchée croustillante de pommes de terre, truffe et œuf. Une pâte style filo ou brick, à l’intérieur du jaune d’œuf coulant, un peu de pommes de terre. Le tout a été façonné comme un petit ravioli et passé à la friture. Sur le dessus, une sauce dans laquelle nous trouverons de la truffe. On se doit de le manger en une bouchés autrement on perdra le côté ingénieux des diverses textures et surtout on risquera d’avoir quelque chose qui coule dans son assiette. C’est très gourmand et une très bonne entrée en matière.


Plus méditerranéens vais tout aussi plaisant, des sardines marinées avec des petits légumes. Préparé que le mode des anchois bien connus mais ici ce sont des sardines. Sur le dessus une julienne de petits légumes assaisonnée de manière pointue avec une probable touche vinaigrée.


Une intéressante composition autour d’un poisson, un thon rouge en sauce tomate ou plutôt à base d’un « sofrito », pâte de tomate aillée et oignonnée que l'on fait revenir à l'huile d'olive souvent enrichi d'oignons et peut être condimenté avec du piment niora frit ou du pimenton, fumé ou non. Un œuf cuit à basse température et des pommes allumettes. On nous recommande de mélanger le tout, donc de casser la structure du plat. Un peu surprenant au début mais intéressant.


Le classique tataki de thon que l’on trouve un peu partout mais ici à l’aubergine brulée et crème d’algue nori. Sympathique interprétation avec un thon cuit à la perfection. Le fumé amène des saveurs très complémentaires ainsi que le côté iodé de cette crème.



Une nouvelle surprise avec le steak tartare « La Niña de mis Ojos » parce qu’il est présenté avec un faux jaune d'œuf ! la viande est déjà partiellement assaisonnée mais le jaune est une sphérification qui comprend les ingrédients du steak tartare, comme le jaune d'œuf lui même, du vinaigre, des câpres et cornichons, la sauces type Perrins, etc… Le tout sera donc mélangé à table, rendant le tartare plus onctueux qu’à l’habitude.



Comme accompagnement, de grosses frites bien moelleuses.


Un classique du coin mais tout de même revisité avec un cannelloni farçi à l’osso buco, moelle, truffe noire et champignon enoki. Pâte excellente comme la farce d’ailleurs. Une pointe de cette crème de truffe sur le dessus et un succulent demi-glacé qui met bien plus en valeur ce plat que la lassante sauce béchamel.


Comme dessert, la fameuse « torrija », transformée en « brioche perdue » avec une glace au mascarpone et café, pignons. Petit clin d’œil très plaisant au tiramisu.


Un agréable vin avec le El Senat del Montsant 2016, avec une belle couleur rubis, fruité et délicat. 


Une première expérience plus que concluante dans ce lieu ou l’atmosphère est très agréable, décoré avec goût et élégance. Une cuisine maitrisée parfois inventive mais qui plaira à celles et ceux qui apprécient tout de même les classiques mêmes si enrichis de nouvelles saveurs. Tartare, cannelloni, croquettes, bravas, tout est là mais jamais préparés de manière trop classique. Nous aurons apprécié la justesse des saveurs, des cuissons, des textures et le côté intime et presque romantique de l’endroit. Une adresse qui vient s’ajouter à cette nouvelle génération de chefs barcelonais qui veulent rompre avec la fréquente monotonie des assiettes.

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